Deux professeurs du département d'anthropologie de l'Université du Manitoba sont décédés d'une forme rare et fatale de cancer, le mésothéliome. Ce que l'on connaît du mésothéliome, c'est sa cause : l'exposition à l'amiante.
Étant donné que ce matériau règne au sein d'un grand nombre de nos établissements postsecondaires, les décès survenus au Manitoba devraient mettre tous les universitaires en garde contre le véritable danger auquel nous sommes confrontés. Même si son utilisation est interdite au Canada depuis les années 1970, l'amiante pose toujours un danger du fait que les travaux de construction et de rénovation réalisés jusqu'à cette époque faisaient appel à une variété de produits contenant de l'amiante, tels les revêtements de sol, les carreaux de plafond, les peintures, les isolants, les revêtements de tuyaux et les panneaux muraux. Dans la plupart des cas, cet amiante se trouve toujours dans nos milieux de travail et constitue un sérieux risque pour la santé à mesure que la poussière d'amiante est libérée par suite de travaux de rénovation, de l'usure normale, de la détérioration et des perturbations accidentelles.
Bon nombre d'entre nous sommes entourés par de l'amiante depuis des années. Le plus souvent - comme c'était le cas, je crains bien, de nos collègues décédés au Manitoba - nous n'avons pas été conscients du danger. Mais les dangers d'inhalation associés à l'amiante sont trop réels pour être ignorés davantage.
Certains de nos collègues ont été sensibilisés à l'existence de l'amiante uniquement après que leurs établissements eurent reconnu son utilisation et entrepris de désamianter leurs bâtiments. En temps normal, il devrait être facile de savoir quand une opération de désamiantage est en cours. Des mesures de sécurité devraient être mises en place pour signaler l'existence d'un danger. La zone devrait être bouclée et certaines portions isolées, et des panneaux indiquant clairement la nature des travaux devraient être érigés. Le désamiantage est une activité très sérieuse car il libère des fibres dans l'air. Puis nous respirons ces fibres et nous les transportons sur nos vêtements.
Malheureusement, les bâtiments ne sont pas toujours bien débarrassés de l'amiante qu'ils contiennent. Et il est possible que des particules d'amiante soient déplacées durant les travaux de rénovation ou de réparation parce que nos établissements n'auront pas bien délimité la zone où se trouve l'amiante. Aussi se peut-il que les employés d'entretien tout comme les membres du corps universitaire ne sachent pas qu'ils sont exposés à un risque.
Les dangers de l'amiante sont connus depuis l'époque de Pline l'Ancien. La crainte du mésothéliome s'est intensifiée dernièrement depuis que nous avons appris qu'il pouvait être causé par suite d'une exposition relativement courte et à court terme à l'amiante - contrairement à d'autres maladies imputables à l'amiante telles que l'amiantose. En 2003, les chercheurs de l'Institut national de santé publique du Québec ont découvert que les femmes de la région de la Chaudière-Appalaches (foyer de l'amiante chrysotile ou des mines d'amiante « blanc » au Canada) enregistraient le taux de mésothéliome le plus élevé au monde. Pour la plupart d'entre elles, ces femmes n'avaient jamais travaillé dans les mines de chrysotile. Par contre, d'autres membres de leur famille transportaient à la maison de la poussière et des fibres d'amiante sur leurs vêtements et leur peau.
Nous ne pouvons prendre les mesures de protection adéquates que si nous connaissons à fond notre milieu de travail. L'amiante est maintenant une substance réglementée dans presque toutes les administrations publiques au Canada de sorte que celles-ci doivent obligatoirement savoir où l'amiante existe, tester sa présence dans l'air et faire le nécessaire pour éliminer les risques. Il arrive trop souvent, cependant, qu'elles manquent de se conformer pleinement à cette obligation. Il nous appartient de découvrir ce qui se trouve à l'intérieur des murs et des plafonds des bâtiments de nos campus, des laboratoires, des installations sportives, des salles de classe et des garderies. Les associations de professeurs doivent demander à leurs représentants des comités mixtes de la santé et de la sécurité d'obtenir des copies des enquêtes sur l'amiante de leur établissement. Il est également prudent de consulter les autres syndicats présents sur le campus. Faites connaissance avec les employés d'entretien. Le " coeur " de nos établissements n'a plus aucun secret pour eux. Ces gens ont exploré les coins et les recoins des greniers et des sous-sols, parfois au risque de leur propre santé. Les équipes préposées à l'entretien des bâtiments et des terrains savent souvent où se trouve le plus gros de l'amiante.
Un collègue m'a appris récemment qu'il avait travaillé dans un espace où l'on procédait au désamiantage et que son administration ne lui avait fourni aucune information sur les dangers courus. Plus grave encore, il semblerait que l'amiante était débarrassé par des ouvriers non qualifiés et insuffisamment formés.
Dans de telles circonstances, il est important de connaître nos droits reconnus par la loi. Le droit du travail nous protège. Nous avons le droit de refuser de travailler dans un milieu qui présente un danger physique ou qui pose un risque pour la santé des travailleurs.
Notre gouvernement fédéral porte sa part de responsabilité dans le problème. Le Canada exporte et met en marché du chrysotile dans le monde entier. Ce type d'amiante représente environ 99 % de l'amiante extrait dans le monde, et le Canada en est le deuxième producteur mondial. À ce jour, l'amiante est interdit dans la plupart des pays industrialisés. Un certain nombre de pays, dont la Grèce, le Portugal et la Hongrie, s'acharnent à le faire interdire. Le Japon tente à l'heure actuelle d'imposer des restrictions importantes à la vente et à l'utilisation de ce matériau. Selon l'Organisation Internationale du Travail, 100 000 personnes meurent chaque année d'une exposition préalable à l'amiante.
Le 18 septembre 2004, le Canada, ainsi que plusieurs autres pays producteurs et consommateurs, a voté contre l'inclusion du chrysotile dans la liste prévue par la Convention de Rotterdam sur le commerce des produits chimiques dangereux. Lorsque l'Organisation des Nations Unies a essayé pour la première fois de faire figurer le chrysotile sur la liste en novembre 2003, la tentative a été bloquée par un front commun de partenaires de l'amiante sous la direction du Canada.
Il nous faut agir maintenant pour nous protéger nous-mêmes mais aussi nos collègues et nos étudiants dans nos universités et collèges. Et il nous faut insister auprès de notre gouvernement pour qu'il mette fin à la promotion de l'amiante.
L'ACPPU lancera dans les prochaines semaines une campagne nationale de désamiantage.