Des avocats et des juristes de premier rang demandent avec insistance au ministre canadien de la Sécurité publique de suspendre immédiatement le renvoi de toute personne vers un pays où il existe un risque sérieux de persécution ou de torture et de réviser la procédure du certificat de sécurité pour la rendre conforme aux normes internationales des droits de la personne.
Plus de 40 professeurs de droit et de réseaux juridiques nationaux et provinciaux, y compris l'Association du Barreau canadien, ont endossé une lettre rédigée par Sharryn Aiken, professeure adjointe de droit à l'Université Queen's, et Andrew Brouwer, co-président du Comité des affaires juridiques du Conseil canadien pour les réfugiés. Les rédacteurs soulignent que les dispositions relatives au certificat de sécurité permettent, dans leur forme actuelle, l'arrestation et la détention de non-citoyens sans qu'il y ait d'accusations portées contre eux, sans représentation par un avocat et sans respect de leurs droits. Les personnes détenues dans les cas concernant des questions de sécurité se voient nier leur droit à une défense pleine et à préparer une contestation significative de la légalité de leur détention. Les critiques dénoncent le fait que la procédure du certificat de sécurité puisse être invoquée dans les cas où une personne sera vraisemblablement déportée vers un pays où elle risque sérieusement d'être torturée et de subir d'autres violations de ses droits humains.
« Nous sommes profondément préoccupés par le fait que la procédure du certificat de sécurité nie aux non-citoyens le principe de la primauté du droit, qui devrait leur être garanti en tant qu'êtres humains égaux. Nous trouvons tout aussi préoccupante la négation du droit des non-citoyens de ne pas être détenus arbitrairement - en particulier dans le cas de ceux qui ne sont pas résidents permanents, qui peuvent être détenus sans même un mandat. Si incontestablement sérieuses que soient ces violations, elles pâlissent néanmoins face à ce qui, pour certains, est l'aboutissement éventuel de cette procédure : la torture, qui est peut-être la violation ultime de la dignité humaine et des droits fondamentaux. »
« Nous avons connaissance d'au moins cinq personnes au Canada qui sont présentement sous le coup d'une telle procédure, à qui on a nié le droit à un procès juste et équitable et qui font face au risque imminent de se voir renvoyer à la torture, en violation des normes universelles du droit international. »
« Les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, le droit d'être libre de toute discrimination, de même que l' interdiction de la torture, sont des fondements de la démocratie et de la primauté du droit. Ils sont garantis non seulement par notre Charte des droits et libertés, mais aussi par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par de nombreux autres traités internationaux et régionaux concernant les droits de la personne auxquels le Canada est partie. En tant que communauté mondiale, nous avons garanti ces droits non pas sur la base fortuite de notre lieu de naissance ou de notre statut social, mais sur la base du simple fait de notre humanité. »
La lettre soutient qu'il y a d'autres options possibles à envisager lorsque l'on croit qu'une personne représente un danger pour la sécurité nationale ou pour la sécurité de toute personne. « Le Canada pourrait être en mesure d'engager des poursuites contre cette personne en vertu des dispositions antiterroristes du Code criminel. Ou bien, quand une demande d'extradition a été faite, le Canada pourrait extrader la personne pour qu'elle soit inculpée ailleurs, à condition que ses droits humains fondamentaux ne soient pas violés par ce pays. »
« Ces deux possibilités atteignent les objectifs d'éviter l'impunité et de protéger le public et ont été maintes fois recommandées par l'Assemblée générale des Nations Unies, par le Conseil de sécurité de l'ONU et par des experts en droit international. Lors de sa récente conférence à Berlin, la Commission internationale de juristes a adopté une Déclaration sur la défense des droits de l'homme et de l'état de droit dans la lutte contre le terrorisme. La Déclaration soutient expressément le principe selon lequel les États devraient appliquer et, si nécessaire, ajuster les lois criminelles existantes plutôt que de recourir à des mesures administratives extrêmes dans leurs efforts pour combattre le terrorisme. »
Amnestie Internationale inscrit le Canada depuis plusieurs années sur la liste des États qui transgressent des droits humains. Cette organisation également a demandé cette année à Mme McLellan « d'entreprendre immédiatement la révision de la procédure du certificat de sécurité pour la rendre conforme aux normes internationales des droits de la personne ».
Le gouvernement maintient que les personnes détenues en vertu d'un certificat de sécurité constituent une menace pour la sécurité nationale et, malgré les efforts d'Amnestie Internationale, « le Canada continue de rechercher le refoulement de ces personnes vers la torture, en violation du droit international », concluent les juristes dans leur lettre.