L'ACPPU allègue que les lignes directrices internationales - en cours d'élaboration - qui sont destinées à régir les questions de qualité propres à l'éducation supérieure transfrontière ignorent les intérêts du corps universitaire et qu'elles pourraient promouvoir la privatisation.
Les lignes directrices proposées - un projet conjoint de l'OCDE et de l'UNESCO - répondent à ce que les deux organismes décrivent comme une « explosion » dans l'enseignement supérieur à but lucratif à l'échelle internationale, y compris la prolifération rapide des fournisseurs commerciaux et non traditionnels d'enseignement supérieur. Il est fait valoir que cette explosion a suscité le besoin de créer des mécanismes de protection des étudiants contre la montée des marchands de diplômes et des fournisseurs peu recommandables.
Le projet de lignes directrices OCDE-UNESCO favorisera la privatisation et ne profitera pas aux étudiants ni au personnel universitaire
Dans le cadre d'une réunion de rédaction qui s'est tenue à Tokyo le mois dernier, les délégués d'une centaine de pays et les représentants d'ONG ont discuté de la teneur et de la mise en œuvre du programme.
David Robinson - un directeur général associé de l'ACPPU qui a participé à la réunion en tant que représentant de la délégation canadienne - se dit inquiet de ce que la structure thématique ne fasse aucunement référence au rôle important que le corps universitaire joue pour assurer un enseignement supérieur de qualité.
Et de poursuivre M. Robinson : « La vérité, c'est que vous ne pouvez obtenir un enseignement de bonne qualité lorsque les emplois et les droits universitaires du personnel, y compris la liberté académique et la permanence de l'emploi, ne sont pas respectés. Il ne peut y avoir de qualité sans les éléments fondamentaux que sont l'esprit critique et l'enquête ».
Après avoir entendu ces arguments, les délégués à la réunion ont semblé s'être entendus pour dire que la première ébauche des lignes directrices devait être amendée de façon à tenir compte des préoccupations et des intérêts du corps universitaire. M. Robinson et d'autres délégués signalent que les lignes directrices comportent d'autres failles sérieuses qui concernent les associations d'universitaires et les syndicats.
Selon Bill Rosenberg, président de l'Association du personnel universitaire de la Nouvelle-Zélande, les lignes directrices serviront vraisemblablement à promouvoir la prestation privée de l'enseignement supérieur.
« Les fournisseurs privés de l'enseignement ont désespérément besoin de sceaux «qualité» reconnus en raison de la difficulté qu'ont les étudiants à distinguer les fournisseurs peu recommandables de ceux qui respectent des normes d'enseignement de bonne qualité » , déclare M. Rosenberg. « Ce problème est loin de se poser dans la même mesure pour les fournisseurs publics. Il est fort risqué que dans la pratique les lignes directrices servent principalement à valider la position des fournisseurs privés. »
M. Rosenberg craint également que le terme « qualité » ne soit pas utilisé dans les lignes directrices pour confirmer l'authenticité de l'enseignement mais seulement pour déterminer si celui-ci respecte une certaine norme uniforme.
Il soutient que « la définition de «qualité» généralement acceptée par les organismes d'assurance de la qualité et d'accréditation tel que la New Zealand Qualifications Authority exprime «l'aptitude à l'usage» ». « Cette définition est tirée d'un contexte industriel où l'aspect critique dont il faut tenir compte sur une ligne de production industrielle, c'est que les sorties soient uniformes de sorte que le client puisse se fier au produit reçu. La «qualité» des sorties au sens commun de leur efficacité n'importe pas dans la mesure où elles sont uniformément bonnes ou uniformément mauvaises et où le client sait ce qu'il obtient pour son argent. »
Dans le contexte de l'éducation, fait valoir M. Rosenberg, la vérification de la qualité au sens industriel du terme consiste généralement à évaluer des processus et des politiques institutionnels en fonction d'une certaine norme.
« Cela ne fournit au client - l'étudiant - aucune information sur le degré de qualité de l'enseignement dispensé; on pourra seulement déterminer si chaque étudiant fréquentant cet établissement recevra un produit de même valeur. Ce qu'il faut retenir, c'est que la qualité obtenue dans ce sens ne fournit guère l'assurance qu'un bon enseignement, encore moins excellent, sera reçu. »
M. Robinson soutient également que les lignes directrices envisagées prennent sensiblement la même forme que les accords commerciaux tels que l'Accord général sur le commerce des services auquel l'ACPPU s'oppose vivement.
« Les lignes directrices feraient obligation aux gouvernements d'établir ou de favoriser l'établissement d'un système équitable et transparent - qui ne soit pas un fardeau sur le plan administratif - servant à recenser ou à accréditer tous les fournisseurs d'enseignement supérieur qui se trouvent sous leur juridiction, y compris l'enseignement supérieur à distance », déclare M. Robinson.
« Ces termes correspondent directement aux dispositions des accords commerciaux qui ont un puissant effet réducteur sur les options de réglementation. »
« Dire que les lignes directrices s'appliqueraient à tous les fournisseurs d'enseignement supérieur, c'est aussi dire qu'elles s'appliqueraient aux établissements tant privés que publics, tant étrangers que locaux. De même, dire qu'elles s'appliqueraient aux fournisseurs d'enseignement à distance implique que l'accès aux systèmes d'assurance de la qualité et d'accréditation doit être également donné aux fournisseurs du monde entier. C'est là une disposition extraordinaire. »
MM. Robinson et Rosenberg reconnaissent certes le besoin d'établir des lignes directrices internationales sur l'enseignement supérieur transfrontière, mais ils indiquent que la politique adoptée doit être fondamentalement associée aux objectifs de l'enseignement et qu'elle doit respecter le droit des gouvernements à déterminer quels fournisseurs ils devraient recenser, évaluer et accréditer.
La dernière réunion du comité de direction des lignes directrices internationales se tiendra à Paris en janvier 2005.