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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

décembre 2004

Vers une conciliation travail-famille

Par Loretta Czernis
Il nous faut trouver des moyens de rendre le travail universitaire plus favorable à la famille.

C'est le message que je retiens des nouvelles données recueillies par l'ACPPU et faisant ressortir un « baby gap » important parmi les professeures membres. Près de la moitié des femmes universitaires au Canada, âgées de 35 à 39 ans, n'ont pas d'enfants de moins de 12 ans à la maison. Par contre, moins du tiers des femmes médecins du même âge n'ont pas de jeunes enfants. Pourquoi le travail universitaire accuse-t-il ce « baby gap »?

Bon nombre de femmes vous diront qu'essayer de mener de front une carrière universitaire et une vie familiale occasionne un certain nombre de problèmes. Le temps pris pour un congé de maternité peut retarder le cheminement vers la permanence et désorganiser le calendrier des recherches. En fait, le message peu subtil véhiculé dans le milieu universitaire, et que j'ai souvent entendu pendant que je faisais des études supérieures, est le suivant : « Ne pensez même pas à avoir des enfants tant que vous n'aurez pas obtenu votre permanence. Tomber enceinte aura pour conséquence de mettre un terme à votre carrière ». Malheureusement, même les femmes qui ont obtenu leur permanence et qui ont ensuite eu des enfants ont été désavantagées.

Mary Ann Mason, la première femme doyenne des études supérieures de l'Université de Californie à Berkeley, a réalisé un sondage à ce sujet auprès des femmes universitaires américaines. Les résultats révèlent non seulement que la maternité a une influence sur la carrière universitaire des femmes, mais aussi que le moment où elles mettent au monde leurs enfants est un facteur important. Dans l'ensemble, les hommes qui ont des enfants au début de leur carrière - des enfants qui sont nés dans les cinq ans qui suivent le moment où un parent termine son Ph.D. - ont 38 % plus de chances que les femmes qui ont des enfants au début de leur carrière d'obtenir leur permanence. Ces femmes sont 71 % plus susceptibles de prendre un congé de quelques années avant de cheminer vers leur permanence, et de ce nombre, très peu retournent au travail dans un poste conduisant à la permanence.

Il en résulte que la plupart des hommes qui obtiennent leur permanence sont mariés et pères d'enfants tandis que la plupart des femmes titularisées ne sont pas mariées, et plus du double attendent d'avoir des enfants jusqu'à 12 ans après avoir terminé leurs études de doctorat (plus du double de tous les hommes). De toutes les femmes titulaires d'un Ph.D. qui ont des enfants, bon nombre d'entre elles se retrouvent parmi les effectifs universitaires contractuels.

Le problème auquel les femmes font face, c'est que les années critiques où elles sont en âge de procréer correspondent à celles où elles doivent se lancer dans leur carrière universitaire. Selon Mary Ann Mason, ce sont les années où « la course à la permanence et la course à la reproduction sont inéluctablement en conflit ».

Certains pourraient soutenir que les femmes universitaires qui n'ont pas d'enfant ont tout simplement choisi de faire passer leur carrière avant la famille. Cependant, les faits tendent à montrer que c'est moins un choix qu'une obligation. Dans son étude, Mme Mason a demandé aux femmes et aux hommes s'ils désiraient avoir plus d'enfants. Elle a constaté que plus du tiers des professeures voulaient en avoir plus, comparativement à 18 % seulement chez leurs homologues masculins.

De toute évidence, la nature du travail universitaire implique pour les femmes d'énormes sacrifices. Des changements s'imposent pour faire en sorte que les femmes ne soient pas pénalisées pour avoir choisi d'élever une famille. L'Université de la Californie a élaboré des politiques favorisant la conciliation travail-famille, qu'il vaut la peine d'examiner à la lumière de diverses conditions de travail : un répit accordé aux nouvelles mères dans leur cheminement vers la permanence, une formule de travail à temps partiel et des places garanties à la garderie.

L'ACPPU encourage et soutient activement l'adoption d'un plus grand nombre de politiques favorables à la famille dans nos universités et collèges. En plus de fournir aux associations locales un soutien permanent à ce sujet dans le cadre de ses services de négociation collective, l'ACPPU mène un sondage sur les services de garderie sur les campus et étudie l'incidence des différents cheminements de carrière des femmes sur leurs prestations de retraite.

Nous ne pouvons dépendre des caprices des administrateurs pour prendre l'initiative dans ce domaine. L'ACPPU et ses associations membres doivent élaborer des politiques et des dispositions qui peuvent être intégrées dans nos conventions collectives. Il est temps que nos établissements soient plus soucieux de la famille.