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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2005

Le mariage homosexuel est fort du soutien de la loi

Par Loretta Czernis
La discrimination ne peut jamais être justifiée moralement. Pendant des siècles les femmes ont couramment fait l'objet de discrimination. Il est même devenu dans l'ordre des choses de ne pas concevoir la femme comme une personne. Sur ce sujet nous avons fait des progrès depuis cette époque. Ce qui est loin d'être le cas pour les gays et les lesbiennes qui se heurtent encore à la discrimination sur bien des fronts.

Huit tribunaux au Canada ont jugé que l'interdiction aux couples gays et lesbiens d'accéder au mariage civil est inconstitutionnel. Selon 134 professeurs de droit qui ont signé une lettre ouverte au chef du Parti conservateur, Stephen Harper, « les experts constitutionnels sont généralement d'avis que ces décisions sont bien fondées en droit ». La lettre, transmise en janvier dernier, demande instamment à M. Harper d'expliquer en toute honnêteté aux Canadiens et aux Canadiennes que la seule façon d'interdire le mariage aux couples de même sexe serait de recourir à la clause dérogatoire de la Charte des droits et libertés.

La Charte protège à la fois les droits contre la discrimination et la liberté de religion. En vertu du nouveau projet de loi, les couples sont libres de choisir s'ils veulent se marier ou non et les autorités religieuses sont libres de choisir si elles veulent célébrer les cérémonies ou non.

L'Archevêque catholique romain de Toronto, le cardinal Aloysius Ambrozic, a exhorté le gouvernement fédéral d'invoquer la clause dérogatoire - une démarche qui aurait pour effet de perpétuer la discrimination contre les gays et les lesbiennes. Les églises exercent déjà leur droit de refuser de célébrer la cérémonie du mariage. L'Église catholique ne marie ni les divorcés, ni les non-catholiques. Personne ne force les membres du clergé catholique à marier les couples homosexuels. Ils jouissent déjà du droit de refuser de marier, par exemple, les couples protestants et juifs.

Il existe bel et bien des membres du clergé d'autres confessions qui acceptent volontiers de célébrer la cérémonie du mariage pour les couples gays et lesbiens. Le révérend Eldon Hay, ministre de l'Église unie du Canada, professeur émérite à l'Université Mount Allison et membre de l'Ordre du Canada, est père de deux fils, l'un hétérosexuel et l'autre homosexuel. « Les droits, responsabilités et libertés de mon fils hétéro devraient être les mêmes que ceux de mon fils gay », soutient le révérend.

Selon les groupes et les experts culturels « pro-famille » au pays comme dans le reste du monde, la redéfinition du mariage aura de vastes conséquences profondes et radicales sur la famille. Ils préviennent qu'une telle décision ne devrait pas être adoptée en toute hâte par le Parlement, ni être imposée à la population. Ils font valoir que les enfants du Canada paieront le prix fort pour ce changement. Cette façon de raisonner découle des craintes concernant les changements qui se sont déjà opérés dans la structure moderne de la famille occidentale. La famille nucléaire " heureuse " qu'ils imaginent ne se trouve qu'à la télévision. Nous savons que le taux de divorce atteint à l'heure actuelle près de 38 %. Les mariages entre conjoints de même sexe peuvent très bien contribuer à abaisser les statistiques en matière de divorce.

Après des décennies de débat, l'opinion publique et les décisions judiciaires sont claires : les gays et les lesbiennes devraient pouvoir se marier civilement comme les couples hétérosexuels. Ceux et celles qui ne soutiennent pas la protection contre la discrimination semblent en apparence vouloir prolonger le débat. Mais ce qu'ils veulent en fait, c'est faire traîner les procédures pendant des années et empêtrer notre système judiciaire d'affaires qui, comme l'ont dit les professeurs de droit à M. Harper, sont simples. Si M. Harper et ses alliés politiques tentent de se dérober à la clause dérogatoire et de se pourvoir en justice, leurs arguments seront déclarés inconstitutionnels. Il s'agit d'une question fondamentale de droits de la personne.

L'homosexualité est dépénalisée au Canada depuis 35 ans. La nouvelle loi permettra aux Canadiens et aux Canadiennes de réaliser plus de progrès en vue de triompher de notre histoire troublante de discrimination sociale. Une fois que les choses seront un peu rentrées dans l'ordre, nous devrons continuer de lutter pour les droits d'autres groupes aspirant à la même équité.

Pour en savoir plus, consultez Les Canadiens et canadiennes pour le droit égal au mariage à l'adresse www.mariageegal.ca/index_f.php.