Les professeurs, le personnel et les organisations étudiantes ont uni leur force pour chercher ainsi à faire condamner les administrateurs de l'Université York qui ont fait appel à la violence policière dans le but de mater une manifestation étudiante qui se déroulait dans la paix le 20 janvier dernier et qui s'est soldée par l'arrestation de cinq des manifestants et par l'hospitalisation d'un étudiant.
« Alors que les syndicats et les associations d'étudiants et de travailleurs de York craignent la façon dont on réprime les activités étudiantes et les rassemblements politiques sur le campus, nous sommes horrifiés par la façon dont l'administration de York a réagi à ce rallye, » affirme-t-on dans une déclaration commune des cadres de l'Association des professeurs de l'Université York, la York Federation of Students, la York University Graduate Students Association et le local 3903 du SCFP, qui représente les chargés de cours et les professeurs embauchés à contrat.
En réaction à la manifestation que les étudiants ont tenue cette journée afin de protester contre l'investiture du président américain George Bush, l'administration de l'université a invité la police de Toronto sur le campus. Selon des témoins, la police confrontait les étudiants environ une heure plus tard, alors qu'elle en frappait plusieurs et en arrêtait d'autres. Plutôt que de les éloigner dans des fourgons cellulaires, les agents les ont menottés et amenés dans une salle d'un édifice adjacent. Inquiets pour la sécurité de leurs collègues, plusieurs étudiants frappaient contre la porte verrouillée de cette salle. La porte s'est ouverte et, selon des témoins oculaires, on a sorti et battu un étudiant qu'on a dû ensuite hospitaliser.
Selon le premier communiqué de presse émis par l'Université, la violence dont les étudiants faisaient preuve a précipité la confrontation avec la police. Parmi les allégations de violence étudiante, mentionnons qu'un agent de police fut frappé à la tête par un mégaphone, un protestataire a tenté de dégainer l'arme d'un agent et plusieurs autres ont assailli un agent.
Lorna Marsden, présidente de l'Université York, a ensuite nié que les étudiants se comportaient violemment et a simplement prétendu que la manifestation ne se déroulait tout simplement pas « de façon paisible ».
Plusieurs photos et vidéos amateurs montrant la police armée de bâtons qui avance soudainement vers certains protestataires, pour les entraîner au sol par la force, ainsi que des groupes d'agents traînant et menottant certains étudiants viennent contredire les allégations de violence étudiante avancées par l'université.
D'après le compte rendu d'un témoin oculaire, en l'occurrence Stanley Jeffers, professeur de physique à York, il est entré dans le pavillon Vari et a vu un rallye d'environ 50 personnes observées par un nombre encore plus élevé de gens. Après un certain moment, selon lui, la police leur a ordonné de se disperser, mais on a refusé d'obtempérer.
« Peu de temps après, en vertu de ce qui semblait être une stratégie orchestrée, la police a entouré le groupe central et a commencé à les regrouper en poussant dans la foule, » de dire Jeffers. « Ils semblaient s'efforcer de mettre la main au collet des responsables du groupe. »
« On en a attrapé un qui a été retenu par deux policiers alors qu'un troisième le frappait sans relâche. Tout cela s'est passé à trois pieds de moi. »
Arthur Hilliker, président de l'Association des professeurs de l'Université York, a déclaré que depuis l'incident du 20 janvier, les rassemblements sont devenus un phénomène quotidien au pavillon Vari.
Le 27 janvier, le sénat de l'Université York adoptait deux résolutions - dont une pour exprimer son désaccord avec la décision de l'administration qui avait appelé la police sur le campus pour s'occuper d'une protestation autrement paisible, et l'autre, visant à informer le conseil des gouverneurs de l'Université et le chef de la police de Toronto de ce désaccord.
L'administration a réagi en continuant de justifier l'intervention policière, prétendant que les classes et les examens à proximité s'en trouvaient dérangés. Cependant, si l'on se base sur le compte-rendu écrit de plusieurs professeurs qui enseignaient dans la zone immédiate durant la manifestation, on n'a annulé aucune classe et interrompu aucun examen.
« Ce conflit, qui oppose l'administration aux professeurs et aux étudiants de York, repose essentiellement sur l'utilisation par l'université de la politique sur l'espace universitaire, approuvée par le conseil des gouverneurs au mois d'août 2004, » de dire Nick Lary, vice-président externe de l'APUY.
Cette politique comporte des principes d'ordre général touchant la sécurité, les dommages, la conformité, ainsi que la marche à suivre connexe et les demandes que les groupes et les individus doivent présenter pour utiliser l'espace et les installations de l'université. Les « manifestations » apparaissent sur les formulaires de demande comme un type d'activité qu'on peut faire approuver, au même titre que les barbecues, les piques-niques, les expositions artistiques, les présentations de film, les soupers, les activités mondaines, les danses, les visites par des dignitaires et les réunions.
« Cependant, des locaux à aire ouverte aussi vastes que le Bear Pit Lounge (le site traditionnel de l'Université York où l'on exprime son opinion et son désaccord), les atriums et les foyers du nouveau pavillon consacré à l'apprentissage technologique de l'Université, ainsi que l'entrée et la rotonde du pavillon Vari sont vraiment exclus des allégations de l'administration en matière de (circulation piétonne) et de (bruit amplifié) - mais tout particulièrement, en ce qui a trait à (l'utilisation de mégaphones) », selon le communiqué de Jay Rahn, agent des communications de l'APUY.
« De plus, en raison des allégations de l'administration concernant le dérangement attribuable aux amplificateurs de son, on ne peut réserver ces locaux que les week-ends ou au cours de la période de mai à août, alors que peu de passants seraient témoins d'une telle manifestation. »
Il existe cependant d'autres contraintes, dont l'exigence voulant qu'on réserve les locaux au moins 30 jours d'avance et que seuls les organismes officiels accrédités soient autorisés à présenter une telle demande. De plus, alors qu'on retrouve régulièrement des chandelles dans les établissements religieux de par le monde, on interdit l'usage des chandelles dans le manuel de 54 pages de l'Université York qui accompagne la politique sur l'utilisation des locaux, ce qui élimine la possibilité de tenir une vigile silencieuse aux chandelles.
Selon M. Rahn, l'administration a suscité une deuxième raison de conflit en procédant à la mise en œuvre de cette politique.
« Quoique l'administration insiste pour que les étudiants se conforment aux règles, sa mise en application inégale de la politique en a incité certains à recourir aux armes, » de dire M. Rahn. « Si, en vertu des règlements, la manifestation du 20 janvier était un cas (d'inconduite grave), le vice-président (étudiants) aurait convoqué sur-le-champ le tribunal disciplinaire de l'université. L'administration a plutôt décidé d'inviter la police sur le campus. De plus, l'administration n'a pas respecté sa politique interdisant d'amplifier le son, comme le prouvent les manifestations quotidiennes qui se déroulent depuis le 20 janvier, ainsi que les nombreuses activités non académiques qu'elle a commanditées au cours des quelques dernières années. »
Lors d'une réunion qui s'est tenue le 31 janvier, les cadres de l'APUY ont voté afin d'exiger de l'administration de l'Université York qu'elle respecte les espaces publics et communautaires de l'université et qu'elle abroge la politique sur l'utilisation temporaire de ses locaux, et ont fait appel à l'ACPPU pour appuyer et favoriser la liberté académique et la liberté d'expression à York.