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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2005

L'ACPPU contribue aux pressions de l'EI exercées auprès de l'OMC

Le Canada demeure l'un des quelques pays développés qui ont réfusé à ce jour de négocier les services d'éducation à l'AGCS.

En février, l'ACPPU joignait les rangs d'une délégation internationale afin d'exercer des pressions intensives auprès des négociateurs commerciaux en chef au siège de l'Organisation mondiale du commerce à Genève en Suisse.

Organisées par l'Internationale de l'éducation, qui représente 350 organisations de professeurs de par le monde, les rencontres de lobbying visaient principalement à convaincre les principaux pays de ne prendre aucun engagement commercial en matière d'éducation et d'autres services publics au cours de l'actuel processus de négociation ayant pour but d'étendre le controversé Accord général sur le commerce des services.

David Robinson, directeur général associé de l'ACPPU, qu'Elie Jouen, sous-secrétaire général de l'IE avait invité à prendre part aux pressions, était accompagné de Carolyn Allport de l'Australian National Tertiary Education Union, d'Angela Roger de la U.K. Association of University Teachers, d'Ann Shadwick de la U.S. National Education Association, d'Assibi Napoé, coordonnateur en chef de l'IE pour l'Afrique, de Monique Fouilhoux, coordonnatrice de l'éducation et l'emploi au sein de l'IE, et de Mike Waghorne de l'Internationale des services publics.

« Alors que l'éducation n'est pas la priorité de l'actuelle ronde de pourparlers, il s'agit néanmoins d'un des principaux sujets que les pays développés soulèvent dans le but d'ouvrir les marchés du sud, » de dire M. Robinson.

Celui-ci a déclaré qu'au moment de la mise en oeuvre initiale de l'AGCS en 1994 dans le cadre de ce qui est communément appelé les négociations de l'Uruguay Round, bon nombre de pays en développement se sont engagés à ouvrir leurs marchés dans les domaines des services d'éducation afin que les fournisseurs étrangers puissent ainsi bénéficier d'un accès quasi illimité aux marchés locaux.

Cependant, étant confrontés à un afflux de fournisseurs privés de qualité douteuse, bon nombre de ces pays se demandent maintenant si ce fut une décision sage.


L'ambassadeur Ransford Smith et l'agente du service extérieur Cheryl Spencer (à gauche) s'entretiennent avec la délégation de l'IE au sujet de la décision de la Jamaïque d'inclure les services d'éducation dans l'AGCS.
Ransford Smith, ambassadeur de la Jamaïque auprès de l'OMC, a déclaré à la délégation de l'IE que malgré qu'il ne soit pas certain que la décision prise par son pays d'ouvrir les services d'éducation dans le cadre de l'AGCS ait eu des conséquences négatives jusqu'à présent, il a reconnu qu'on avait accordé peu d'attention à l'impact à long terme de la libéralisation commerciale sur le système d'éducation en Jamaïque.

Selon M. Smith, « le problème fondamental réside dans l'insuffisance des compétences techniques lorsque vient le temps de négocier des ententes commerciales dans les pays moins développés. Par conséquent, je crois pouvoir dire sans danger que certains pays moins développés ne savaient pas ce qu'ils faisaient en prenant des engagements dans le cadre de l'AGCS au cours de la dernière série de pourparlers. »

Shaista Sohail, négociatrice agissant au nom du Pakistan, a indiqué que son pays souffrait « d'une véritable pénurie d'expertise technique lorsqu'il s'agissait de déterminer les secteurs et l'ampleur d'une éventuelle libéralisation ».

Mme Sohail a déclaré que son ministère avait fait appel à un expert de l'extérieur pour obtenir des conseils sur la question de savoir si on devait prendre dans le cadre de l'AGCS des engagements en ce qui a trait aux services d'éducation. L'expert-conseil a recommandé au Pakistan de libéraliser entièrement ses secteurs de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur.

M. Robinson a signalé qu'au moment où la délégation de l'IE l'avait questionné sur les impacts possibles des engagements de l'AGCS sur certaines politiques pakistanaises en matière d'éducation, Mme Sohail avait reconnu qu'on devait étudier davantage la question avant de déposer officiellement une offre.

D'autres pays, cependant, ne pourront s'offrir le luxe de reconsidérer le conseil qu'ils ont reçu. Le 21 février, l'Indonésie déposait sa première offre dans le cadre de l'AGCS pour ainsi ouvrir ses secteurs de l'éducation et de la santé aux fournisseurs de services de l'étranger.

« Bon nombre de pays en développement se font dire que s'ils prennent des engagements en vertu de l'AGCS, on encouragera ainsi un nombre plus élevé de fournisseurs étrangers à ouvrir boutique et qu'une telle situation aidera à répondre aux besoins en éducation de leurs citoyens tout en favorisant le développement, » de dire M. Robinson. « Cependant, ils ignorent que les engagements en vertu de l'AGCS limitent considérablement l'espace politique dont les gouvernements ont besoin pour imposer une réglementation qui répond le mieux possible à leurs besoins en développement. Et l'afflux de fournisseurs privés à but lucratif ne fait que miner un système d'éducation public déjà affaibli dans ces pays. »

Pour ces raisons, indique M. Robinson, certains pays qu'il a rencontrés à Genève, dont le Brésil et l'Afrique du Sud, ont exprimé publiquement leur opposition à l'intégration de l'éducation dans l'AGCS.

« Nous croyons fermement que l'AGCS ne devrait pas s'appliquer aux services publics comme l'éducation », selon Audo Araùjo Faleiro, membre de la mission permanente du Brésil. « Trop d'ambiguïtés et d'incertitudes entourent l'AGCS. Nous pensons qu'il est urgent de clarifier les règles de l'AGCS pour réaffirmer le droit des états de réglementer et d'imposer des politiques. »

Dans bien des pays industrialisés, cependant, on considère l'AGCS comme une façon de susciter sur le plan commercial des occasions encore jamais vues dans les pays en développement en permettant à leurs fournisseurs de concurrencer les secteurs qu'on a toujours considérés comme des services publics, telle l'éducation.

« Notre intérêt n'est pas que commercial, mais c'est un secret de polichinelle que l'exportation des services d'éducation revêt pour nous une grande importance », de déclarer William Thorn, conseiller en éducation au sein de la délégation australienne, lors de sa rencontre avec le groupe de l'IE. « Nous demandons simplement que les autres pays nous imitent en offrant à nos exportateurs un meilleur accès à leurs marchés. »

À l'instar de l'Australie, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et le Japon ont également demandé que les pays prennent en matière d'éducation des engagements en vertu de l'AGCS.

Le Canada, par contre, demeure l'un des quelques pays développés qui ont refusé à ce jour de négocier les services d'éducation. « Nous ne prendrons aucun engagement en matière de services d'éducation et nous n'avons présenté aucune demande aux autres pays », de dire Bernard Il, directeur adjoint de la Direction de la politique commerciale sur les services pour le Canada. « Certains pays s'intéressent grandement au secteur de l'éducation. Certains d'entre eux nous ont demandé de nous engager dans le domaine des services d'éducation. Nous avons refusé et nous continuerons de le faire. »

Au cours des trois journées de réunions à Genève, le groupe de l'IE a rencontré une douzaine de délégations officielles de divers pays, ainsi qu'Alejandro Jara, président du Comité des services commerciaux et chargé d'encadrer les pourparlers de l'AGCS.

Dans le cadre d'un échange d'une étonnante franchise, M. Jara a reconnu que les négociations avançaient péniblement pour diverses raisons, dont les problèmes au niveau de l'AGCS en tant que tel.

« L'AGCS est récent et renferme donc de nombreux points ambigus que nous devrons probablement clarifier », de dire M. Jara. « Je crois également qu'il faille se pencher sur la qualité des règles. En ajoutant ceci au fait que nous ignorons tout simplement la façon de négocier des services de façon efficace et au manque d'outils nous permettant de traiter les questions politiques délicates dans le domaine des services, il n'est pas vraiment étonnant que nous faisions face à un avenir incertain. »

L'ambassadeur de la Jamaïque est toutefois allé plus loin en déclarant que les pourparlers se trouvent peut-être dans une impasse.

« Je considère que la libéralisation des services a peut-être atteint sa limite et qu'elle doit en rester là pour l'instant », soutient M. Smith.

Malgré la lenteur des progrès, cependant, David Robinson de l'ACPPU nous avertit que l'IE et ses sociétés affiliées doivent poursuivre leurs pressions tant à l'échelle nationale qu'internationale pour s'assurer que davantage de pays n'intègrent les services d'éducation à l'AGCS.

« On peut assister à un véritable effet boule de neige même si un seul pays refuse de s'engager en matière d'éducation », ajoute-t-il.

Dans cette optique, l'IE prévoit de tenir en avril un séminaire spécial sur l'AGCS et l'éducation au siège social de l'UNESCO à Paris.

« Nous nous sommes adressés aux représentants commerciaux. La prochaine étape lors du séminaire consistera à parler avec les représentants en éducation de chacun des pays représentés à l'UNESCO », souligne M. Jouen de l'IE.

Traduit de l'article " CAUT Joins EI Lobby of World Trade Negotiators " (Bulletin de l'ACPPU, mars 2005).