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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2005

Non au contrôle des commanditaires

Par Loretta Czernis
L'ACPPU a lancé, à la fin de 2004, une campagne en faveur de la liberté de publier fondée sur la nécessité de protéger la liberté académique de publier et de divulguer des renseignements sur les risques. Cette protection ne saurait être assurée sans que les associations de personnel académique négocient le langage approprié dans leurs conventions collectives et que les sénats adoptent des politiques interdisant d'accepter des fonds des commanditaires qui tiennent absolument à limiter le droit de publier les résultats de recherche.

Malheureusement, certaines politiques universitaires débordent de discours sentimental et n'offrent aucune protection réelle aux universitaires. En fait, il existe des politiques qui restreignent la communication des résultats de recherche pour des périodes excessives, voire indéfinies. Les dirigeants des universités appuient ce type de restriction sur des arguments qui privilégient les gains économiques à court terme. À la longue, cependant, ces mesures sont néfastes tant pour nos universités que pour notre société.

Arrêtons-nous un moment aux répercussions qu'entraînerait l'élimination des recherches dont les résultats ne présentent aucun intérêt commercialisable. Les citoyens ont-ils tiré avantage des divulgations que Nancy Olivieri et David Healy ont faites après qu'on eut tenté en vain de les réduire au silence? Absolument. Leur exemple, de part son importance, a influencé la profession médicale dans son ensemble. En décembre dernier, l'American Medical Association a adopté une résolution visant à mettre fin à la quête de confidentialité dans les contrats de recherche passés avec les sociétés pharmaceutiques et les entreprises d'équipement médical. Cette démarche met en lumière l'ampleur des problèmes auxquels les chercheurs sont confrontés.

Le droit du public d'être informé sur les résultats de recherche se détériore depuis quelque temps de façon graduelle et subtile. Si cette érosion se poursuit, c'est parce que nous sommes inconscients des faiblesses de nos politiques universitaires.

La seule raison qui justifie un délai de publication est de permettre le dépôt d'un brevet d'invention. Soixante jours sont suffisants à cette fin. Aucun délai de publication plus long que celui-ci ne devrait être imparti. Et les politiques devraient être modifiées de manière à tenir compte de ce délai plus raisonnable.

Pour les professeurs, la limitation de leur droit de publier peut avoir des conséquences négatives sur leur carrière, particulièrement dans les domaines d'étude qui évoluent rapidement. Le langage employé dans les conventions devrait formellement mettre en évidence le droit absolu du personnel académique de rendre publics les résultats de leurs travaux de recherche. Il est également essentiel que les chercheurs jouissent du droit incontestable d'informer la communauté scientifique, les sujets participant aux recherches et le grand public sur tous les risques auxquels sont exposés les participants ou le grand public ou sur les menaces pour l'intérêt public dont ils sont témoins dans le cadre de leurs recherches.

Lutter en vue de faire adopter un langage formel et efficace, c'est devoir s'opposer à la cause fondamentale des tentatives faites pour bannir la publication des résultats de recherche, c'est-à-dire la commercialisation. C'est une lutte qui vise à protéger la réputation de nos universités auprès du public de même que l'intégrité de nos travaux.

Ne sommes-nous que des acteurs motivés exclusivement par nos propres intérêts, qui accepteront calmement les codes de silence que nous imposent nos administrations pressées de trouver des sociétés commanditaires? Ou allons-nous faire ce qu'il faut et lutter pour la transparence?