L'Université de la Californie à Berkeley a renversé la décision controversée de refuser la permanence à l’un des plus cinglants critiques des liens entretenus par l’université avec l’industrie biotechnologique.
Ignacio H. Chapela, professeur adjoint d’écologie microbienne, a vu sa première demande de permanence rejetée à la fin de 2003 après qu’un comité du sénat de l’université eut passé outre aux recommandations d’un comité de professeurs et d’un groupe spécial d’experts du domaine.
À l’époque, M. Chapela soutenait que le comité sénatorial et le chancelier de l’université Berkeley, Robert Berdahl, lui avaient refusé la permanence à cause de son opposition bruyante à l’entente de plusieurs millions de dollars que l’université avait conclue avec la société biotechnologique Novartis (devenue Syngenta). Cet accord de partenariat, qui a pris fin en 2003, conférait à l’entreprise un droit de première négociation pour la commercialisation des travaux de recherche des professeurs.
M. Chapela a déclaré au Chronicle of Higher Education qu’il était étonné par l’annulation de la décision. « Je ne pouvais pas voir pourquoi ils répondraient par l’affirmative après avoir dit non », a-t-il dit. « Je serais parti si l’affaire n’avait pas attiré l’attention du public. »
M. Chapela s’est trouvé au centre de la controverse en novembre 2001 lorsque lui et l’un de ses doctorants ont publié dans la revue Nature un article sur la contamination transgénique du maïs indigène mexicain. Les conclusions du rapport allaient à l’encontre des assurances données par l’industrie biotechnologique d’après lesquelles le matériel génétiquement modifié ne se déplace pas d’un champ à l’autre.
Six mois plus tard, après avoir reçu plusieurs lettres contestant les résultats de la recherche, la revue scientifique a publié un éditorial dans lequel elle considérait comme insuffisants les éléments de preuve apportés par M. Chapela à l’appui de ses conclusions.
Pour sa part, le professeur affirmait qu’il était victime d’une campagne de dénigrement savamment orchestrée par les scientifiques favorables à l’industrie biotechnologique et par cette dernière. La controverse a eu des répercussions jusque sur sa demande de permanence. Prenant appui sur les sérieuses attaques portées à sa recherche, le comité sénatorial de la permanence a recommandé au chancelier de refuser de titulariser le professeur.
Cette décision allait déchaîner un tollé de protestations de la part d’universitaires et d’autres sympathisants dans le monde entier qui dénonçaient le fait que M. Chapela soit puni pour avoir critiqué l’industrie biotechnologique.
« Je n’ai aucune preuve directe de quoi que ce soit », a déclaré M. Chapela à l’époque. « Mais le bijou de la chancellerie de Berdahl est un bâtiment consacré à la bio- ingénierie. »
En 2004, l’université Berkeley, devant les critiques dont elle faisait l’objet, a chargé une équipe d’universitaires de l’extérieur d’évaluer l’accord de recherche conclu avec Novartis. Ce groupe a conclu dans son rapport qu’il pouvait exister un conflit d’intérêts chez les administrateurs qui avaient porté préjudice à l’évaluation en vue de la titularisation de M. Chapela.
En mai 2005, l’université a annoncé que le comité des professeurs était revenu sur sa décision et qu’il recommandait d’accorder la permanence à M. Chapela — décision à laquelle a adhéré le nouveau chancelier de Berkeley, Robert Birgeneau, ancien recteur de l’Université de Toronto.
« Non seulement cette décision me donne clairement raison, mais elle justifie aussi les innombrables efforts individuels et collectifs que vous avez tous et toutes investis dans ce processus », M. Chapela a déclaré dans un communiqué qu’il a transmis à ses défenseurs le 18 mai. « Vous avez généreusement ajouté vos voix au choeur d’inquiétudes et de protestations contre l’évaluation du dossier de ma permanence et vous avez réclamé un processus exempt de tous conflits d’intérêts et abus d’influence. Pour cela, je vous suis reconnaissant. »
L’ACPPU a suivi cette affaire de près et a exhorté le chancelier Birgeneau dans une lettre qu’elle lui a adressée l’automne dernier de garantir un traitement juste au professeur Chapela et de veiller à ce que les mesures utiles soient prises pour protéger la liberté académique de tous les professeurs de Berkeley.
Traduit de l’article « Berkeley Reverses Tenure Denial of Outspoken University Critic » (Bulletin de l’ACPPU, juin 2005).