Ce mois-ci, Hong Kong accueillera la Conférence internationale des ministres du commerce qui chercheront à relancer les négociations, mises en veilleuse pour l’instant, en vue d’étendre la portée des accords régissant le commerce international des biens et des services. Ceux et celles d’entre nous qui travaillent dans les universités et les collèges devraient regarder de près ce qui se passera à Hong Kong, car toute entente conclue dans cette enceinte pourrait avoir des répercussions considérables à la fois sur nos établissements et sur notre travail.
Ce que nous, Canadiens et Canadiennes, devons craindre dans l’immédiat, c’est que nos collèges et universités, de même que d’autres services publics, tombent sous l’application des règles commerciales de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Adopté en 1995, ce traité extrêmement vaste impose des restrictions juridiquement contraignantes à la quasi-totalité des interventions gouvernementales en matière de prestation de services. L’accord vise à l’heure actuelle plus de 160 secteurs, y compris les soins de santé, les services sociaux et l’enseignement.
Dans le cycle des négociations en cours, un groupe de pays fait pression sur d’autres États, dont le Canada, pour qu’ils s’engagent à inclure l’enseignement supérieur au nombre des services touchés par l’AGCS. Pour les États-Unis, la libéralisation de l’enseignement supérieur et de l’éducation des adultes figure parmi leurs quatre grandes priorités au cours de la ronde actuelle. L’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon se rangent aussi parmi les principaux pays favorables au commerce des services éducatifs.
Les fournisseurs et les établissements de télé-enseignement qui cherchent à étendre leurs activités à l’étranger constituent les principaux promoteurs de l’AGCS. Selon eux, l’accord contribuerait à éliminer les politiques qui restreignent le commerce de l’enseignement. Ces organismes sont irrités par le fait que certains pays interdisent aux fournisseurs commerciaux de services d’enseignement de s’implanter sur le « marché », tandis que d’autres exigent qu’un établissement local soit un partenaire de toute initiative étrangère en matière d’éducation.
Cependant, ces « obstacles » au commerce sont, dans la plupart des cas, des outils légitimes de politique publique que les pays emploient pour assurer que l’éducation nationale répond aux besoins internes. En permettant que l’enseignement soit inclus dans le champ d’application de l’AGCS, les pays perdraient leur flexibilité en matière de politiques. Les universités et les collèges verraient ainsi se consolider et s’intensifier les pressions de la privatisation et de la commercialisation.
Si le gouvernement du Canada a affirmé jusqu’ici qu’il ne prendra aucun engagement relativement aux services d’enseignement « public », il semble laisser la porte ouverte à des engagements sur les services d’enseignement privé. Alors, l’enseignement supérieur est-il exclu? Au moment où nos institutions dépendent davantage des sources privées de financement et s’adonnent de plus en plus à des activités commerciales, à quel moment cessent-elles d’être considérées comme des universités ou des collèges « publics »? La question n’est pas résolue.
Certains observateurs préviennent que, si le Canada souscrit des engagements sur les services d’enseignement privé, des fournisseurs étrangers à but lucratif pourraient soutenir que l’AGCS leur donne droit à la même gamme de soutiens gouvernementaux que les universités et les collèges subventionnés par l’État.
Entre-temps, si le Canada devait succomber aux pressions de ses partenaires commerciaux et prendre des engagements en matière d’enseignement supérieur, il mettrait en péril une gamme complète de politiques et de règlements – des règles exigeant l’embauche préférentielle des Canadiens et des résidents permanents aux subventions gouvernementales versées aux seuls établissements publics ou dont le siège se trouve au pays.
Les pays qui acceptent d’étendre l’application de l’AGCS à leur système d’éducation permettent à des établissements et à des entreprises de l’étranger de se livrer librement à des activités dans ce secteur, comme ouvrir des succursales ou campus et décerner des diplômes en ligne. Les autorités locales disposeraient d’un contrôle restreint sur ce nouveau marché libre de l’enseignement supérieur.
Jusqu’à récemment, le milieu mondial de l’éducation était peu au courant de l’AGCS et d’autres accords de l’OMC. Cependant, tout cela a changé. Les organisations étudiantes, les syndicats de professeurs et même de nombreuses associations d’universités publiques contestent de plus en plus l’idée que l’enseignement constitue un simple produit d’échange parmi tant d’autres.
L’ACPPU poursuivra sa démarche active dans ce débat et prendra part à la conférence ministérielle de Hong Kong. Nous tenterons de faire comprendre aux participants que l’enseignement postsecondaire est un bien beaucoup trop important pour subir les caprices du marché international ou être assujetti aux règles restrictives des accords commerciaux comme l’AGCS.