Le gouvernement australien de John Howard a lancé ce que les critiques considèrent comme un assaut total contre les droits syndicaux et l’indépendance universitaire en proposant des réformes du droit du travail.
En vertu des Higher Education Workplace Relations Requirements (HEWRR), c’est-à-dire des exigences relatives aux relations du travail dans le secteur de l’enseignement supérieur qui ont été instaurées plus tôt cette année, les universités doivent, pour être admissibles aux augmentations prévues du financement, offrir à tout leur nouveau personnel des contrats de travail individuels qui ne sont pas visés par les conventions collectives négociées. L’an prochain, elles seront tenues de présenter cette offre de contrats individuels — baptisés Australian Workplace Agreements (AWA), c’est-à-dire ententes australiennes sur le milieu de travail — à tous leurs employés.
Faisant la promotion des changements proposés, le ministre australien de l’Éducation, des Sciences et de la Formation a affirmé que la réforme des relations du travail était nécessaire pour que les universités puissent attirer et conserver des universitaires de haut niveau.
« L’enseignement supérieur n’est pas à l’abri des pressions exercées à l’échelle mondiale sur d’autres secteurs », a déclaré Brendan Nelson. « Les HEWRR visent à soutenir un régime de relations du travail qui soit axé sur une liberté, une flexibilité et un choix individuel plus grands. Grâce à elles, les universités deviendront plus concurrentielles sur les scènes nationale et internationale, tout en étant en mesure d’attirer, de conserver et de récompenser les meilleurs. »
Cependant, le syndicat représentant le corps enseignant et le personnel du secteur australien de l’enseignement tertiaire soutient que la raison réelle n’est pas d’attirer et de conserver des universitaires de haut calibre, mais plutôt d’ébranler le processus de négociation collective.
« Le ministre Nelson a beau prétendre que ses propositions de réforme du milieu de travail ne visent qu’à récompenser les éléments prometteurs, les modalités détaillées ne corroborent pas ses dires », affirme Grahame McCulloch, secrétaire général de la National Tertiary Education Union. « En fait, sa principale proposition consiste à donner aux AWA l’avantage sur les modalités d’une convention collective. Son seul effet juridique est de faire en sorte que les conditions des AWA puissent avoir le dessus sur celles d’une convention collective. »
Carolyn Allport, présidente du syndicat, ajoute : « Le gouvernement espère que, dans les universités les plus pauvres et les disciplines à court d’argent, les nouvelles nominations puissent se faire à un coût inférieur. Si un nombre important de nouveaux employés acceptent des AWA assortis de conditions inférieures, le personnel qui continue de bénéficier des conditions meilleures de la convention collective devient plus vulnérable »
Par ailleurs, M. McCulloch se dit d’avis que les exigences relatives à l’enseignement supérieur représentent un assaut sans précédent contre l’autonomie universitaire. « Le gouvernement dit maintenant aux universités quoi faire en matière d’embauche du personnel, ce qui affecte les processus de gestion et le fonctionnement normal des établissements », déclare M. McCulloch. « Aucun autre employeur australien ne subira de baisse de financement parce qu’il accepte les brutalités sans broncher. L’extorsion ne constitue pas un choix. »
Plus récemment, le gouvernement a intensifié sa campagne de réforme des relations du travail en Australie par le dépôt, en septembre, du Better Bargaining Bill. Si celui-ci est adopté, il empêchera les syndicats de négocier des salaires et des conditions de travail semblables avec plus d’un employeur d’un secteur donné, c’est-à-dire d’effectuer une négociation type, pratique qui est devenue la norme dans le secteur de l’enseignement supérieur.
« Grâce à la négociation type, nous avons récemment réalisé des gains importants en matière de charge de travail des universitaires, de congés de maternité et parentaux et d’emploi des Autochtones », souligne Mme Allport. « Le Better Bargaining Bill vise les syndicats qui, comme le nôtre, mettent en œuvre des stratégies coordonnées de négociation afin de maintenir et d’améliorer les conditions à la grandeur d’un secteur ou de protéger la qualité par l’entremise de normes sectorielles. »
En outre, du fait du projet de loi, une personne directement touchée par une grève ou un lock-out ou susceptible de l’être pourrait présenter à l’Australian Industrial Relations Commission une demande d’ordonnance visant à mettre fin à de telles mesures. Cela signifie qu’en théorie, n’importe quel étudiant ou parent pourrait intervenir pour mettre fin à une grève dans un collège ou une université.
Pour les critiques, cette disposition constitue une autre attaque majeure contre les droits à la négociation collective en Australie.
« La négociation collective représente le principal moyen par lequel les travailleurs peuvent protéger ou améliorer leur salaire et leurs conditions. Et pourtant, le gouvernement Howard prend toutes les mesures possibles pour les empêcher de négocier collectivement », affirme Greg Combet, secrétaire de l’Australian Council of Trade Unions. « En même temps, le gouvernement fait activement la promotion des contrats individuels, principal moyen par lequel les employeurs peuvent réduire les salaires et les droits des employés. »