J’ai eu l’honneur de représenter l’ACPPU, aux côtés du directeur général James Turk et du directeur général associé David Robinson, aux réunions que le syndicat australien NTEU (National Tertiary Education Union) et l’Internationale de l’Éducation ont organisées le mois dernier à Melbourne, en Australie.
Le NTEU, qui représente les travailleurs et travailleuses de l’enseignement supérieur dans toute l’Australie, était l’hôte, le 6 décembre dernier, d’un colloque sur la liberté académique et la situation des universités face aux nouvelles lois antiterroristes.
Le syndicat a souhaité se renseigner sur les lois antiterroristes en vigueur dans d’autres pays après que son conseil national eut adopté, en septembre, une motion unanime enjoignant aux dirigeants de l’organisation d’exprimer aux universités et au gouvernement leur réaction contre le projet de loi antiterroriste australien. Cette démarche visait à déployer toutes les énergies nécessaires pour protéger les droits du personnel des universités face aux dispositions inquiétantes contenues dans le projet de loi. Malheureusement, cette mesure législative a été adoptée le jour même du colloque.
La loi antiterroriste australienne de 2005 comporte plusieurs caractéristiques troublantes. Elle porte atteinte aux droits de la personne et mine les protections juridiques fondamentales qui garantissent les libertés de circulation, d’expression et d’association (y compris celles des avocats). Elle interdit les activités nommément désignées et la possession d’objets nommément désignés, y compris les activités et les objets nécessaires pour gagner sa vie. Aux termes de cette loi, toute personne peut être assignée à résidence, contrainte de porter un bracelet électronique et interdite de communication par téléphone ou Internet ou bien avec certaines personnes ou certains groupes de personnes. Chacune de ces mesures, appelées « ordonnances de contrôle », peut durer jusqu’à douze mois avant d’être réexaminée et être prorogée par des ordonnances successives.
De plus, la loi confère notamment aux forces policières les pouvoirs de détenir durant deux semaines toute personne qui, à leurs yeux, constitue un risque et d’utiliser la force susceptible d’entraîner la mort pour empêcher de s’enfuir toute personne soupçonnée de représenter un danger pour autrui.
Par ailleurs, la loi prescrit des sanctions à l’encontre des personnes qui contribuent directement ou indirectement au financement du terrorisme, et elle ajoute au Code criminel de nouvelles dispositions ayant trait à la sédition.
La loi antiterroriste va même jusqu’à déclarer illégal le fait d’encourager une personne à agir d’une façon susceptible d’être interprétée comme un geste de soutien à une organisation ou un pays en guerre avec l’Australie — que la guerre ait été déclarée ou non — ou le fait de participer à toutes formes d’hostilités contre les forces de défense australiennes. Ces infractions pourraient s’appliquer, par exemple, aux détracteurs de la guerre en Irak.
Les représentants du NTEU, tout comme les juristes qui ont pris la parole au cours du colloque, sont d’avis que la loi antiterroriste est une menace pour les droits fondamentaux de la personne. Les pouvoirs qu’elle confère ne sont pas bien contenus. Aucune procédure de contrôle judiciaire efficace n’a été mise en place pour prendre en charge les cas de violation des libertés civiles. En outre, les nouvelles mesures antiterroristes installent un « dispositif » de surveillance du personnel et des étudiants. Les forces policières et les autorités fédérales peuvent maintenant interdire aux professeurs et aux étudiants d’entreprendre des recherches ou de dispenser des cours qui pourraient être assimilés à des activités de formation offertes directement ou indirectement à un suspect. Les administrateurs universitaires peuvent également être tenus de surveiller le personnel et les étudiants de leurs établissements pour le compte de la police.
Le colloque de Melbourne nous a aussi permis d’assister aux exposés de représentants d’autres pays. Steve Wharton, président de l’association des professeurs d’université du Royaume-Uni, a passé en revue la loi britannique de 2005 sur la prévention du terrorisme et Rosli Mahat a traité de la suppression de la liberté académique en Malaisie.
Dans le cadre de l’exposé qu’il y a présenté sur la liberté académique au Canada et aux États-Unis depuis les événements du 11 septembre, le directeur général de l’ACPPU, James Turk, a parlé du mémoire que l’Association a soumis aux comités de la Chambre des communes et du Sénat au sujet de la nouvelle loi antiterroriste canadienne. Il a de plus mis en lumière les répercussions de cette loi pour le personnel académique et les étudiants, et analysé l’impact du nouveau contexte de surveillance tant en Amérique du Nord que dans le monde entier.
Le colloque du NTEU s’est tenu la veille de la conférence biennale de l’Internationale de l’Éducation sur l’enseignement supérieur où les représentants de 46 associations de 35 pays différents ont débattu d’une multitude de questions — de la fuite des cerveaux des pays pauvres vers les pays riches à la privatisation, à la commercialisation et aux négociations en cours sur les services éducatifs dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services.
J’ai aussi participé à un atelier sur le personnel académique et non académique qui était animé par les représentants du Danemark et de la Nouvelle-Zélande. Ce groupe de travail revêtait une importance particulière pour moi du fait que l’ACPPU compte de plus en plus de membres du personnel général qui sont adhérents aux associations de professeurs de l’Université Bishop’s et d’autres établissements.
Ces activités intenses et intéressantes ont conduit à l’adoption d’une résolution qui a été transmise quelques jours plus tard à l’assemblée de l’Organisation mondiale du commerce tenue à Hong Kong, où David Robinson représentait l’ACPPU. La résolution peut être téléchargée (pour l’instant, en anglais) à http://data.ei-ie.org/Common/GetFile.asp?ID=3193&mfd=off&LogonName=guest.
L’ACPPU soutient les luttes que le NTEU et d’autres organisations dans le monde mènent pour protéger les droits du personnel de l’enseignement supérieur. Nous avons manifesté notre présence sur la scène internationale à la fois par les exposés et par les mémoires que nous avons présentés au cours des diverses réunions. Et il importe de faire observer que MM. Turk et Robinson sont deux figures hautement respectées à l’échelle internationale pour leur connaissance approfondie de la liberté académique et du commerce respectivement. Nos homologues des autres pays seront fort en quête de cette expertise dans ces domaines et bien d’autres.