Free Exchange on Campus, une vaste coalition américaine d’étudiants, de professeurs et de groupes de défense des libertés civiles, a lancé une campagne d’opposition au manifeste « Academic Bill of Rights ».
Ce projet de déclaration mis de l’avant par l’activiste conservateur David Horowitz est « une tentative purement politique qui vise à brider l’enseignement sur les campus par l’imposition d’un système idéologique et d’entraves au libre échange des idées », dénonce Megan Fitzgerald, directrice du Center for Campus Free Speech, l’un des dix organismes membres de la coalition.
Citant des données visant à montrer que les démocrates dépassent largement en nombre les républicains parmi les professeurs d’université, les partisans du projet avancent que cette mesure législative contribuerait à assurer le pluralisme et la diversité politiques.
Or, selon Mme Fitzgerald et d’autres opposants au projet, David Horowitz et ses partisans n’ont justement pas réussi à produire des preuves de discrimination à l’égard des étudiants et des professeurs conservateurs.
Elena Cross, une étudiante à la Pennsylvania State University, fait valoir que l’administration de cet établissement a été incapable de documenter cette prétendue partialité comme l’en avait chargée un membre de la législature d’État qui envisage d’adopter une version du projet de loi.
Le recteur de la Pennsylvania State University, Graham Spanier, a épluché les dossiers remontant à cinq ans des plaintes de partialité déposées par les étudiants. Mme Cross soutient que l’université a enregistré 13 plaintes à l’encontre de professeurs taxés de partialité et que, dans tous les cas, les enquêtes ont réfuté les allégations avancées.
« On parle ici de 177 457 cours, de 8 000 professeurs et de 80 000 étudiants dans l’ensemble des campus de la Penn State. Cette constatation est donc très révélatrice », précise-t-elle.
Vingt-cinq États ont déposé un projet de loi conçu sur le modèle d’une déclaration qui, soulignent les critiques, restreindrait la liberté d’expression du corps professoral sur une vaste gamme de sujets. Bien que la plupart de ces États aient rejeté un tel projet de loi, David Horowitz continue à se rallier des législateurs conservateurs qui font la promotion de l’« Academic Bill of Rights ».
Ce manifeste exhorte les universités et les collèges à veiller à ce que l’enseignement dispensé reflète la diversité des opinions politiques et à ce que les pratiques d’embauche soient dénuées de toute discrimination d’ordre politique.
Bon nombre d’universitaires ont condamné cet appel à la mobilisation qui vise ni plus ni moins à imposer l’idéologie conservatrice dans les salles de classe.
« Il n’existe ni méthode scientifique libérale ni méthode scientifique conservatrice », précise Lisa Klein, présidente de l’association des professeurs de la Rutgers University et présidente de la section locale de la Rutgers American Association of University Professors/American Federation of Teachers.
Mme Klein, professeure titularisée de sciences des matériaux et de génie, dit s’opposer au projet de loi parce qu’il « empêchera que les étudiants ne soient sensibilisés aux idées nouvelles ou controversées ou peu conventionnelles. Cela me semble très regrettable, voire préjudiciable à l’apprentissage des étudiants ».
L’AAUP affirme dans un communiqué que « l’American Bill of Rights, lorsqu’on l’analyse attentivement, porte atteinte à la liberté académique même qu’il prétend défendre. Il menace d’assujettir le jugement professionnel des professeurs à des contraintes administratives et législatives, de déposséder les professeurs de l’autorité dont ils ont besoin pour enseigner et d’interdire aux établissements universitaires de prendre les décisions nécessaires au développement des connaissances ».