Tant le directeur de département que le doyen de la faculté estimaient que le professeur Lance Rucker méritait d’être titularisé. Le comité des nominations du personnel supérieur, un arbitre en matière de relations du travail et le Conseil provincial des relations du travail partageaient tous cet avis. Et maintenant, la Cour suprême de la Colombie-Britannique abonde dans le même sens, plaçant ainsi la rectrice de l’université, Martha Piper, en position isolée.
Le début de l’affaire remonte à presque cinq ans lorsque M. Rucker, alors professeur agrégé à la faculté de médecine dentaire de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), est devenu admissible à la permanence. Malgré le feu vert donné à la recommandation de promotion à tous les paliers, le curriculum vitae exceptionnel du professeur Rucker et sa réputation internationale pour ses travaux innovateurs en enseignement et en pratique de la chirurgie dentaire, Mme Piper a opposé son refus en faisant valoir à M. Rucker qu’ « il avait publié très peu d’articles scientifiques dans les revues approuvées par des pairs ».
L’association des professeurs de l’UBC a déposé un grief alléguant que la décision de la rectrice était déraisonnable au vu des éléments de preuve et qu’elle comportait un vice de procédure. L’affaire a été soumise à l’arbitrage où les critères de promotion établis dans la convention collective sont devenus le principal point en litige.
En avril 2004, l’arbitre a conclu que la convention stipulait clairement, en ce qui concerne les professeurs des écoles professionnelles, qu’« un rendement exceptionnel obtenu dans les domaines d’activités professionnelles » était un facteur valable au même titre qu’un important bilan de publications.
Dans sa décision, l’arbitre Marguerite Jackson, c.r., indique que
« la décision de Mme Piper était déraisonnable non seulement parce qu’elle allait à l’encontre de la convention conclue entre les parties mais aussi parce qu’elle en faisait abstraction. D’après la décision de Mme Piper et son témoignage de vive voix, il est évident qu’elle n’a pas tenu compte, parmi les éléments de preuve possibles, d’activités savantes autres que les publications approuvées par les pairs. Une décision est déraisonnable lorsqu’elle ne tient pas compte des éléments de preuve que les parties ont convenu de prendre en considération, ou qu’elle en fait abstraction. Mme Piper était tenue, aux termes de la convention, de considérer d’autres éléments de preuve en sus des publications approuvées par les pairs. Elle ne l’a pas fait. »
L’arbitre a fait droit au grief et, comme réparation, a renversé la décision de la rectrice. L’université en a appelé de la décision de l’arbitre devant le Conseil des relations du travail de la Colombie-Britannique, mais celui-ci a rejeté l’appel. Après cette deuxième défaite, l’université a interjeté appel de la décision du tribunal des relations du travail devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Finalement, le 13 mars 2006, la cour a infligé une troisième défaite à Mme Piper en déclarant la promotion fondée.
Le président de l’association des professeurs de l’UBC, Elliott Burnell, souligne toute l’importance de ce jugement qui assure dorénavant une réévaluation indépendante des décisions de la rectrice en matière de promotions, de permanence et de discipline, et conforme aux pratiques de travail courantes.
« Nous sommes heureux de la décision de la cour », a déclaré M. Burnell. « Le dossier indique que M. Rucker est un professeur exceptionnel qui satisfait aux critères de promotion établis. »
Il a ajouté que l’administration de l’université n’avait pas encore fait savoir si elle comptait en appeler de nouveau, mais il a bon espoir que le message sans équivoque de la Cour suprême mettra fin au dossier.
De son côté, le directeur général de l’ACPPU, James Turk, signale que l’issue de cette affaire « revêt une importance capitale en mettant en lumière le fait que les universités et les collèges ne peuvent pas être régis par des décisions administratives arbitraires ».
Les membres syndiqués du personnel académique et les administrateurs des établissements d’enseignement sont liés par des règles établies d’un commun accord dans les conventions collectives, ajoute-t-il.
« Lorsqu’une des deux parties croit que l’autre contrevient à ces règles, une tierce partie intervient pour arbitrer le différend et rendre une décision obligatoire pour tous et chacun, du professeur adjoint en début de carrière au recteur de l’établissement. Nul n’est au-dessus de la loi. »