Le mois dernier, à Burnaby, en Colombie-Britannique, lors d’une table ronde à laquelle étaient conviés des parents et des enfants, le premier ministre Stephen Harper a affirmé, au sujet de sa promesse de soutien gouvernemental à la garde d’enfants :
« Les partis de l’opposition appuient-ils le versement d’une allocution familiale de 1 200 $ par an et par enfant ou préfèrent-ils le statu quo, c’est-à-dire rien du tout? Notre nouvelle approche n’exige aucune négociation fédérale-provinciale, elle n’exige aucun financement à des universitaires, des chercheurs et des groupes d’intérêts spéciaux. Et puis elle élimine les intermédiaires politiques et bureaucratiques. Elle offrira un appui réel et un versement direct aussitôt que le Parlement l’aura approuvée.»
Comme je tire cette citation du premier ministre directement du site web du Parti conservateur, je suppose qu’elle est exacte. Mais que peut-il bien vouloir dire?
Comment en est-il venu à décrier les universitaires pour défendre son programme d’allocation pour la garde d’enfants? Croit-il que la recherche universitaire sur l’enfance et l’éducation des enfants est inutile ou immorale? Perçoit-il les universitaires comme des êtres égoïstes et des mercenaires? Pense-t-il que nous ne pouvons apporter aucune contribution valable à un débat national?
Malheureusement, après avoir lu la citation à plusieurs reprises, je dois me faire à l’idée qu’il nourrit une très piètre opinion des universitaires. Nos recherches sont des embûches pour lui. Elles ralentissent l’établissement des nouvelles mesures qu’il veut implanter au nom du progrès. Peut-être n’apprécie-t-il pas les universitaires parce que nous savons que le « progrès » n’est pas toujours synonyme d’amélioration. Tout dépend d’où nous mène ce progrès, et des raisons pour lesquelles il nous y mène.
Pour poursuivre sur l’exemple de la garde d’enfants, M. Harper assimile son allocation de 1 200 $ à un « programme de garderies universel » en vertu duquel les parents recevront 23 $ par semaine et par enfant de moins de six ans. Ce montant leur permettra-t-il de placer rapidement leurs enfants en garderie? Rien dans le projet de loi n’interdit aux garderies d’augmenter leurs frais et d’abaisser leurs normes de qualité. Nous ignorons qui a mené les « recherches » à partir desquelles a été établi le montant de 1 200 $. Tout ce que nous savons, c’est que M. Harper tient mordicus à ce chiffre, ainsi qu’à sa stratégie, judicieuse puisqu’elle écarte tout élément fâcheux, tels les universitaires et autres intermédiaires.
Dans une allocution qu’il a prononcée le 20 avril dernier devant la Chambre de commerce de Montréal, le premier ministre a déclaré : « Le gouvernement précédent a consulté des centaines d’experts pour concevoir son plan complet. Nous avons préféré faire confiance à des millions d’experts. Et ces experts s’appellent “maman” et “papa”. »
La prochaine fois qu’il prendra la parole, il serait bon de se souvenir de ce qu’il pense de nous. À qui s’adresse-t-il? Certainement pas à des professeurs et à des chercheurs du secteur de l’enseignement postsecondaire, de toute évidence.