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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

octobre 2006

La Cour suprême refuse d'entendre l'appel de l'Université York

Daniel Freeman-Maloy, lors d'un rassemblement sur le campus de l'Université York, le mois dernier.
Daniel Freeman-Maloy, lors d'un rassemblement sur le campus de l'Université York, le mois dernier.
Une poursuite au civil pour action fautive dans des fonctions officielles pourra être intentée contre la rectrice de l’Université York, Lorna Marsden, maintenant que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’appel formulée par cet établissement à l’encontre d’une décision d’un tribunal inférieur. L’action au civil conteste l’utilisation malveillante que Mme Marsden aurait faite de son autorité pour causer un préjudice à un étudiant au niveau du baccalauréat spécialisé, Daniel Freeman-Maloy, en lui imposant de façon sommaire une suspension de trois ans pour sa participation à deux manifestations sur le campus de l’université.
     
« C’est une victoire pour la liberté académique et la liberté d’expression », s’est félicité le président de l’ACPPU, Greg Allain. « L’autonomie institutionnelle dont jouissent les universités canadiennes a justement pour but de mettre celles-ci à l’abri des courants d’influence et des incursions extérieures. Mais cette même autonomie confère maintenant d’énormes pouvoirs aux recteurs et aux conseils d’administration — des pouvoirs qui, dans le contexte du milieu universitaire, sont comparables à ceux que brandissait la Couronne au 18e siècle lorsque la notion d’“action fautive dans des fonctions officielles” a été introduite pour la première fois. »
     
Tout comme il est du devoir des citoyens de veiller à empêcher que l’État ne fasse usage de ces pouvoirs pour outrepasser son autorité et ses compétences, fait observer M. Allain, une telle mesure de contrôle s’impose maintenant à l’endroit des instances dirigeantes des universités afin de protéger la liberté académique, qui peut être menacée autant de l’intérieur que de l’extérieur des institutions.
     
Dans leur argumentation, les avocats de l’université font valoir que Mme Marsden n’occupe pas une charge publique et qu’elle n’est tenue d’aucun devoir public, et que les universités sont apparentées à bon nombre d’institutions privées non gouvernementales établies par une loi et administrées par des dirigeants qui puisent leurs pouvoirs, fonctions et responsabilités dans cette loi constitutive. Ces avocats soutiennent donc qu’il n’est pas approprié d’étendre le délit d’action fautive dans des fonctions officielles aux titulaires d’une charge créée par une loi, tels que les recteurs d’université.
     
Dans sa décision que l’Université York souhaitait contester en appel devant la Cour suprême, la Cour d’appel de l’Ontario s’explique ainsi : « S’il est vrai que la rectrice de l’université n’est pas assujettie au contrôle gouvernemental, elle n’en demeure pas moins, pour d’autres aspects, soumise au régime du droit public. Les mesures disciplinaires qu’elle a imposées à l’appelant relèvent essentiellement de son pouvoir de décision conféré par la loi, et, dans ce sens, sa décision était exposée à une révision judiciaire... La demande (de M. Freeman-Maloy) doit suivre son cours devant les tribunaux de sorte qu’elle puisse être examinée en détail sur le fondement d’une preuve contextuelle et à la lumière des autres réclamations de l’appelant. » (traduction libre)
     
C’est donc la décision de la Cour d’appel de l’Ontario, ainsi maintenue par la Cour suprême, qui aura tranché la question pour l’instant. Si, en l’absence d’une entente, l’affaire doit se poursuivre devant les tribunaux, l’Université York peut toujours avancer que Mme Marsden n’occupe pas une charge publique et que, en décidant sommairement d’interdire l’accès du campus à M. Freeman-Maloy, elle n’a pas abusé des pouvoirs que lui confère la loi constitutive de l’Université York de 1965.
     
Dans sa plaidoirie devant la Cour suprême, l’avocat de M. Freeman-Maloy, Me Peter Rosenthal, a signalé qu’il était « ironique que la rectrice Marsden ait recours aux deniers publics pour essayer d’établir qu’elle n’est pas titulaire d’une charge publique, de sorte à empêcher que ne soit débattu en cour le bien-fondé de l’allégation d’abus de ses fonctions officielles ».

En plus de rejeter l’appel de l’Université York, la Cour suprême du Canada a mis les dépens à la charge de celle-ci.
— Photo: Tom Barnett de l'Excalibur —