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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

novembre 2006

Le rapport Arar salué comme une victoire pour les libertés civiles

<b>Maher Arar en compagnie de sa femme Monia Mazigh, qui a mené la campagne pour faire libérer son mari.</b> Photo: Bill Grimshaw/grimshawphoto.com.
Maher Arar en compagnie de sa femme Monia Mazigh, qui a mené la campagne pour faire libérer son mari. Photo: Bill Grimshaw/grimshawphoto.com.
Le rapport longuement attendu de la commission d’enquête sur les actions des responsables canadiens dans l’affaire Maher Arar a suscité à l’échelle du pays une réévaluation du rôle véritable que devraient jouer aujourd’hui les forces de sécurité au Canada.

Le président de la commission, le juge Dennis O’Connor, a conclu que les autorités américaines, en prenant la décision de renvoyer M. Arar en Syrie, se sont « très probablement » appuyées sur l’information inexacte que leur avait fournie la Gendarmerie royale du Canada (GRC), que les forces policières et les organismes du renseignement ont envoyé des « messages ambigus » quant à leur volonté d’obtenir la libération de M. Arar, et que la GRC a trompé les hauts responsables du gouvernement sur son rôle dans cette affaire.

« Les Canadiens devraient être reconnaissants à M. Arar d’avoir eu le courage de faire entendre sa voix et d’exiger des réponses de ses accusateurs », a déclaré le directeur général de l’ACPPU, James Turk. « C’est grâce à son courage et à celui de sa famille que nous bénéficions aujourd’hui des conclusions de cette enquête. Le rapport du juge O’Connor marque une victoire importante pour les libertés civiles au Canada. »

En faisant la lumière sur ce qui est arrivé à M. Arar, la commission « nous rappelle que les libertés civiles sont le fondement même de la vie démocratique, particulièrement dans un monde davantage préoccupé par la sécurité depuis les attentats du 11 septembre », a-t-il ajouté. « L’affaire Arar illustre d’une façon très inquiétante comment les choses peuvent mal tourner dans un climat de peur généralisée. »

Dans son rapport de 902 pages, le juge O’Connor conclut également à la nécessité d’enquêter sur le rôle des responsables canadiens dans le dossier de trois autres Canadiens musulmans. Ahmad El Maati, Abdullah Almalki et Muayyed Nureddin ont eux aussi fait l’objet d’une enquête avant d’être détenus et torturés dans le même centre où M. Arar a été détenu en Syrie. Le rapport établit que les agents de la GRC, en dépit des mises en garde contre le risque de torture, ont envoyé aux tortionnaires syriens de M. Almalki une liste de questions à lui poser.

Le juge O’Connor constate qu’il existe manifestement, pour l’ensemble de ces dossiers, un modèle de pratiques d’enquête qui consistent entre autres à partager avec des organismes étrangers de l’information pouvant servir à justifier la détention de Canadiens, à partager de l’information pouvant servir à l’interrogation de Canadiens détenus à l’étranger (mais pouvant aussi, par la poursuite de l’enquête pendant leur détention, contrecarrer les efforts déployés pour obtenir leur libération), à exploiter de l’information qui pourrait avoir été obtenue sous la torture et, enfin, à informer les organismes américains lorsqu’un Canadien soupçonné d’activités liées au terrorisme voyage à l’étranger.

« Il ressort clairement du rapport que ce qui est arrivé à M. Arar n’était pas un incident isolé et qu’il nous faut dans tous ces cas obtenir des réponses pour déterminer la mesure exacte dans laquelle les libertés civiles fondamentales ont été violées depuis le 11 septembre », a soutenu M. Turk. « Les organismes tels que la GRC et le SCRS doivent certes rendre des comptes au sujet des actions graves qui sont alléguées, mais il ne faut surtout pas oublier que ce qui est arrivé à ces hommes est arrivé dans le contexte de la Loi antiterroriste, qui a été adoptée par le Parlement à toute vitesse et qui a replongé la GRC dans les activités liées à la sécurité nationale après les attentats du 11 septembre 2001. »

« Cette même loi a porté atteinte à une multitude de libertés civiles fondamentales au Canada, tels l’application régulière de la loi, la présomption d’innocence, la protection contre la détention arbitraire, le droit à la vie privée, la protection contre une surveillance déraisonnable de l’État ainsi que les libertés d’information, d’expression et d’association. »

« Les libertés civiles sont le fondement de la liberté académique, et celle-ci est mise en péril chaque fois que les libertés civiles sont menacées. »

L’ACPPU se préoccupe tout particulièrement de ces questions depuis le 11 septembre. À cet égard, elle intervient auprès du comité parlementaire chargé d’examiner les dispositions de la Loi antiterroriste; elle joue un rôle de premier plan au sein de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, qui avait le statut d’intervenant dans le cadre de l’enquête Arar; et elle intervient auprès du gouvernement fédéral et des parties de l’opposition pour contrer les nombreuses propositions susceptibles de restreindre davantage les libertés civiles sous prétexte d’un renforcement de la sécurité.

Paul Cavalluzzo, avocat principal auprès du commissaire d’enquête O’Connor, Warren Allmand, ancien solliciteur général du Canada, et Thomas Walkom, reporter spécialiste des affaires nationales au Toronto Star, participeront à une table ronde sur l’affaire Arar et ses conséquences sur les libertés civiles et la liberté académique au Canada, dans le cadre de l’assemblée du Conseil de l’ACPPU le 24 novembre.