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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

février 2007

Une résolution du Nouvel An axée sur la santé et la sécurité au travail

Par Greg Allain
Par Greg Allain
Le début du nouvel an est pour bon nombre d’entre nous l’occasion de prendre des résolutions pour l’année à venir. Quelles seront nos résolutions cette année? Les fumeurs invétérés parmi nous s’engageront probablement à abandonner cette habitude pour la énième fois. Les personnes légèrement au-dessus de leur poids normal par rapport à leur taille et à leur âge prendront l’engagement de surveiller leur poids et de faire de l’exercice (ou d’en faire davantage). Et ainsi de suite. Mais l’on sait très bien que la plus grande partie de ces nouvelles résolutions seront abandonnées à mesure que nos préoccupations et nos activités quotidiennes reprendront le dessus.

En tant qu’artisans de l’enseignement postsecondaire, que devrions-nous nous fixer comme objectifs? Quelles résolutions devrions-nous prendre pour le Nouvel An? Les plus évidentes sont faciles à énumérer : notamment, poursuivre notre quête de la vérité et de l’excellence dans l’enseignement, la recherche et les activités de service, continuer de venir en aide à nos étudiants et de faire preuve de patience et de justice à leur égard, et nous engager davantage envers et dans nos associations de personnel académique.
     
Certes, ces objectifs sont tous fort louables pour la nouvelle année, mais peut-être pourrions-nous, cette année, en ajouter un autre, auquel on ne pense pas toujours. J’aimerais proposer que nous nous sensibilisions tous et toutes davantage aux questions de santé et de sécurité au travail, et que nous nous engagions plus fermement à améliorer la situation sur nos campus.
     
La santé et la sécurité en milieu de travail constitue une préoccupation depuis longtemps. En effet, il y aurait eu, semble-t-il, des lois qui règlementaient le travail des esclaves affectés à la construction des pyramides de l’Égypte ancienne ainsi que du Colisée et de tous les autres monuments dans la Rome antique. Les préoccupations à cet égard sont évidemment devenues beaucoup plus vives au lendemain de la Révolution industrielle, qui a entraîné d’innombrables décès et blessures sur les lieux de travail. Les syndicats ont fait de la santé et de la sécurité des travailleurs un enjeu clé à la fin du XIXe siècle et tout au long du XXe siècle.
     
Quelle est la situation au Canada? Et jusqu’à quel point est-il important d’améliorer les conditions de travail? Qu’il suffise de signaler que, selon les statistiques officielles, le nombre de décès enregistrés chaque année, reliés à des accidents du travail, est à la fois considérable et en croissance. Au Canada, le nombre annuel moyen de décès dus à des accidents du travail était de 733 entre 1993 et 1996; il a grimpé à 837 entre 1997 et 2000, pour atteindre 968 au cours des cinq années suivantes. Cela représente en moyenne plus de quatre décès par jour ouvrable. De 1993 à 2004, les accidents du travail ont entraîné plus de 10 000 décès au Canada. Et ces chiffres ne tiennent compte que des mortalités — 900 000 autres travailleurs subissent chaque année des blessures professionnelles.
     
Là j’entends déjà certains d’entre vous dire que ces accidents du travail surviennent dans des secteurs très à risque, comme l’exploitation minière, forestière ou pétrolière, la pêche, et l’industrie de la construction, qui affichent un bilan peu enviable sur le plan de la sécurité, mais que rien de tout cela ne peut s’appliquer au secteur de l’enseignement postsecondaire. Eh bien, si nous y pensons un peu, il est facile d’identifier certains départements sur nos campus où sont manipulés des produits toxiques, comme les départements de chimie, de biochimie et des beaux-arts (on pense ici, par exemple, aux acides utilisés pour la photographie et les produits céramiques), sans parler du cortège de blessures ergonomiques et de maladies professionnelles qui découlent du stress psychologique (les études sont nombreuses à démontrer que notre profession est des plus stressantes). Les problèmes de santé et de sécurité sont légion dans nos environnements de travail. Quelles mesures de prévention pouvons-nous prendre?
     
Commençons par situer le contexte général dans lequel nos actions peuvent être menées. Dans les années 1970, suivant l’exemple d’autres pays qui légiféraient dans ce domaine, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux du Canada ont promulgué diverses lois devant guider et réglementer la santé et la sécurité au travail. Ces lois établissaient entre autres l’obligation de créer des comités conjoints de santé et de sécurité dans tous les lieux de travail, d’assurer le suivi des questions qui pourraient surgir au sein de chaque section locale et d’en faire rapport, et de recommander au besoin les modifications qui s’imposent.
     
Les législations et réglementations canadiennes et internationales en matière de santé et de sécurité reconnaissent maintenant l’existence de trois droits fondamentaux communs à tous les travailleurs : le droit de savoir, le droit de participer et le droit de refuser un travail jugé trop dangereux. Les travailleurs ont le droit de connaître les dangers physiques et chimiques auxquels ils sont exposés au travail, d’être informés sur les façons de reconnaître et de prévenir ces dangers et sur les mesures de protection dont ils ont besoin. De leur côté, les employeurs sont tenus d’assurer un milieu de travail sécuritaire et de collaborer avec les comités conjoints de santé et de sécurité à la mise en oeuvre des recommandations que ces derniers leur adressent en vue de prévenir, de réduire et de maîtriser les risques présents au travail.
     
Les travailleurs canadiens passent en moyenne cinq heures ou plus par jour au travail, cinq jours par semaine. Ils sont de ce fait exposés à un grand nombre de substances et de produits chimiques dangereux et de risques de blessures physiques et ergonomiques.
     
Le concept de maladie professionnelle a fini par s’imposer. On admet plus volontiers aujourd’hui que la plupart de ces maladies surviennent dans les milieux de travail et sont dues à certaines activités professionnelles, et que, contrairement à ce que l’on prétendait auparavant, elles ne sont pas entièrement attribuables à des choix de mode de vie.
     
De même, il est de plus en plus reconnu que l’exposition directe et indirecte aux risques en milieu de travail peut avoir des effets aigus ou latents qui, dans un cas comme dans l’autre, peuvent entraîner une incapacité temporaire ou permanente, mettre la vie en danger et, parfois même, provoquer la mort.
     
Les maladies et les blessures professionnelles portent atteinte à la qualité de vie, à cause des contraintes financières découlant de la perte d’emploi ou de la réduction du temps de travail, à la santé ou même à la vie comme telle, sans parler de l’impact sur les membres de famille et sur la communauté en général.
     
Plus récemment, l’« effet de proximité » s’est révélé être un important facteur concourant à la maladie professionnelle, qui entraîne des répercussions à l’extérieur du lieu de travail. Les membres de la famille et les amis des personnes exposées aux dangers en milieu de travail sont également plus susceptibles de souffrir de ces dangers. L’amiante en est un parfait exemple : on a diagnostiqué chez les membres des familles des mineurs et des travailleurs fabriquant des produits dérivés de l’amiante des mésothéliomes (cancer des poumons et du péritoine) attribuables à l’exposition indirecte aux poussières d’amiante imprégnées dans les vêtements et les effets personnels de ces travailleurs.
     
Pour toutes ces raisons — votre qualité de vie et celle des autres, la stabilité financière et tout simplement le droit de travailler à l’abri de tout danger — il est capital de pouvoir travailler dans un milieu sain et sûr. Sans quoi, les activités qui nous importent, telles la recherche, l’enseignement et la publication d’ouvrages, perdront tout leur sens si nous devenons incapables de les accomplir.
     
Les membres de l’ACPPU ont été particulièrement interpellés par les questions de santé et de sécurité en milieu de travail lorsque deux de leurs collègues sont décédés du mésothéliome par suite d’une exposition à l’amiante. Ces trois dernières années, l’agente de la santé et de la sécurité de l’ACPPU, Laura Lozanski, de concert avec les associations locales et leurs militantes et militants en matière de santé et de sécurité, a cerné un grand nombre de dangers présents dans les universités et les collèges, dans bien des cas après avoir établi que de graves problèmes de santé chez les membres étaient attribuables à des expositions en milieu de travail.
     
La formation dispensée par l’ACPPU aux membres des comités de santé et de sécurité, notre programme de sensibilisation aux dangers de l’amiante et les autres activités de formation offertes en collaboration avec les autres syndicats et associations des établissements d’enseignement ont permis d’accélérer la mise en place d’un ensemble de connaissances sur les dangers et les droits et de renforcer l’engagement et l’activisme des membres dans beaucoup de ces associations. Jusqu’à présent, onze associations ont tiré avantage de la formation en santé et sécurité au travail offerte par l’ACPPU, et bien d’autres ont organisé des visites de leur campus pour les aider à y déterminer les dangers réels et potentiels et à identifier des moyens pour améliorer les conditions, dont une participation plus efficace au Comité conjoint de santé et sécurité au travail.
     
L’amiante est l’un des principaux dangers relevés sur nos campus. Les bâtiments les plus à risque sont ceux qui ont été construits avant le milieu des années 1970, lorsque l’amiante était couramment utilisé dans la construction des planchers et des plafonds et qu’il servait de matériau isolant dans les murs et autour des tuyaux. Dans le cadre de ses démarches entreprises pour remédier à ce sérieux risque de santé, l’ACPPU a lancé l’an dernier une campagne de sensibilisation aux dangers de l’amiante, assortie d’un programme d’information et de la présentation au gouvernement fédéral d’une demande d’aide financière au désamiantage. Plus récemment, l’ACPPU a mis en place une base nationale de données sur les maladies liées à l’amiante afin de documenter méthodiquement la situation.
     
Les cancers diagnostiqués chez les employés des départements des beaux-arts, tout particulièrement dans les programmes de photographie et de céramique, ont également attiré l’attention sur les substances dangereuses auxquelles les membres sont exposés dans le cadre de leur travail.
     
La communauté postsecondaire commence seulement à comprendre et à accepter la nécessité impérative d’éliminer ou de remplacer les substances dangereuses qui sont utilisées depuis des années pour la recherche et l’enseignement.
     
Certes, le problème de la conformité des employeurs existe depuis toujours, et il n’est pas unique au secteur de l’enseignement postsecondaire. Les comités conjoints de santé et de sécurité sont habilités à faire des recommandations ayant force obligatoire aux employeurs, qui doivent à leur tour les mettre en oeuvre. Ce processus peut être parfois lourd de frustrations, mais la loi se range du côté des comités et, par l’intermédiaire des organismes gouvernementaux, oblige les employeurs récalcitrants à obtempérer aux recommandations.
     
Tout bien considéré, la meilleure défense est une bonne offensive : des dirigeants et des membres d’associations bien informés, qui connaissent et exercent leurs droits et qui appuient leurs représentants siégeant aux comités conjoints de santé et de sécurité, contribueront grandement à faire en sorte que les employeurs s’acquittent de leurs obligations et devoirs établis par la loi.
     
Alors pourquoi ne pas prendre la résolution de mieux s’informer sur les questions de santé et de sécurité dans notre milieu de travail et d’aider nos associations de personnel académique à faire respecter nos droits légitimes? Nous ne nous en porterions que mieux. Bonne et heureuse année à tous et toutes!