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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

avril 2007

Un budget décevant pour le secteur de l’éducation supérieure

Selon l’ACPPU, le budget fédéral déposé le mois dernier ne s’attaque pas de front au déséquilibre du financement de l’éducation postsecondaire.

Le gouvernement conservateur promet certes d’augmenter de 800 millions de dollars la part du Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) consacrée à l’éducation postsecondaire en 2008-2009, mais cette hausse demeure en deçà du niveau de financement atteint en 1992-1993, compte tenu de l’inflation et de la croissance démographique, fait valoir le président de l’ACPPU, Greg Allain.

« Cette hausse, cependant, si elle est appréciable et bienvenue, ne permet pas de regagner le terrain que nous avons perdu ces dix dernières années », affirme M. Allain, en précisant que l’aide fédérale prévue dans le budget augmentera ultérieurement de 3 % par an.

« Dans l’ensemble, cette croissance ne correspond pas aux projections de dépenses véritables. Nous nous acheminons en fait vers un gel des dépenses après 2008, ce qui continuera de réduire grandement la capacité des provinces d’investir dans des systèmes d’éducation postsecondaire abordables, accessibles et de grande qualité. »

En avril 2006, les premiers ministres des provinces ont souscrit à un rapport qui appelait Ottawa à affecter une somme supplémentaire minimum de 2,2 milliards de dollars au titre de l’éducation postsecondaire et à fixer le facteur d’indexation à 4,5 % au cours des années ultérieures.

« Malheureusement, les ressources budgétaires prévues à ce titre sont largement inférieures aux chiffres des besoins établis par les provinces », déplore M. Allain.

Le directeur général de l’ACPPU, James Turk, dénonce le fait que, dans son budget de 2007, le gouvernement conservateur ne se préoccupe pas comme il le devrait de savoir de quelle façon les sommes d’argent consenties sont réparties entre l’éducation postsecondaire et les services sociaux, ni si les provinces dépensent cet argent aux fins prévues.

Il se dit étonné que le gouvernement n’ait pas créé, comme tout le monde s’y attendait, un transfert distinct pour l’éducation postsecondaire et qu’il se soit gardé de toucher le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) — le mécanisme de financement global qui apporte une aide aux provinces pour l’éducation postsecondaire et les services sociaux.

« Le gouvernement fédéral ne s’attaquera jamais sérieusement aux problèmes de financement des universités et des collèges tant et aussi longtemps qu’une enveloppe budgétaire distincte ne sera pas créée pour l’éducation postsecondaire et que l’utilisation de ces crédits fédéraux ne sera pas régie par des principes clairement définies, comme il en existe dans le domaine de la santé », prévient M. Turk.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants craint aussi, selon sa présidente nationale Amanda Aziz, que le financement n’atteigne pas la cible visée s’il n’y a pas de lignes directrices sur la façon dont les provinces devront dépenser cet argent.

« Rien n’a encore été mis en place pour empêcher que ce financement ne serve à paver les routes en Nouvelle-Écosse ou à financer les Jeux Olympiques en Colombie-Britannique », a ajouté Mme Aziz. « Le gouvernement fédéral utilise un modèle désuet de financement de l’éducation postsecondaire dont le résultat a été 20 ans de sous-financement. »

Au lieu d’un transfert distinct, le budget crée une division symbolique à l’intérieur du TCPS entre
les fonds qui sont censés financer l’éducation postsecondaire et ceux qui sont affectés aux services sociaux. Le budget précise que 25 % du TCPS sont réservés au financement de l’éducation postsecondaire et que le gouvernement fédéral négociera avec les provinces en vue d’assurer « l’imputabilité » et de cerner « les secteurs prioritaires d’investissement ».

« Nous sommes d’avis que les transferts fédéraux ne devraient viser que les universités et collèges publics et qu’ils devraient servir à promouvoir l’accessibilité, l’exhaustivité et des normes de qualité qui favorisent la liberté académique », soutient M. Turk.

Les organisations étudiantes ont elles aussi dénoncé le budget qui, selon elles, n’aide pas suffisamment les étudiants et leurs familles à supporter le coût croissant des études universitaires ou collégiales. Trente-cinq millions de dollars sur deux ans et 27 millions de dollars par la suite serviront à financer 1 000 bourses d’études supérieures.

D’autre part, le budget élimine le plafond des cotisations annuelles de 4 000 $ aux régimes enregistrés d’épargne-études (REEE), fait passer de 42 000 $ à 50 000 $ le plafond cumulatif des cotisations et porte de 400 $ à 500 $ le montant maximal annuel de la Subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE), qui s’ajoute aux cotisations aux REEE.

« Ces mesures n’aident guère les étudiants qui ont besoin d’un soutien financier, puisque la plupart des cotisations aux REEE sont versées par des familles à revenu élevé », observe Mme Aziz. « Il aurait été préférable d’investir dans l’élargissement des Subventions canadiennes d’accès, qui sont octroyées aux étudiants en fonction de leurs besoins financiers. »

Mme Aziz se dit déçue que le budget ne prévoie aucun plan pour remplacer la Fondation des bourses d’études du millénaire, dont le mandat doit expirer en 2009. La Fédération canadienne des étudiantes
et étudiants n’a cessé de réclamer un système national de bourses fondées sur les besoins en remplacement du programme de financement « bancal » de la fondation.

Le gouvernement fédéral s’engage également, dans le budget de 2007, à effectuer un examen du Programme canadien de prêts aux étudiants afin « de simplifier les mécanismes du programme, d’améliorer leur efficacité et d’assurer une administration intégrée ainsi qu’une prestation efficiente ».

Le budget prévoit une variété de mesures d’aide financière à l’intention du milieu de la recherche canadien : 510 millions de dollars sont accordés à la Fondation canadienne pour l’innovation; 105 millions de dollars en fonds de contrepartie seront versés en 2007-2008 aux « centres d’excellence en commercialisation et en recherche; 15 millions de dollars de plus par an seront affectés au financement des coûts indirects de la recherche universitaire. En outre, des crédits supplémentaires annuels de 85 millions de dollars seront versés aux conseils subventionnaires fédéraux, mais cet argent est destiné à des disciplines et des projets précis — l’énergie, l’environnement, les technologies de l’information et des communications, les sciences de la santé, la gestion, les affaires et les finances.

« Si l’ACPPU se félicite de l’accroissement du financement de la recherche, elle estime néanmoins qu’il appartient au milieu de la recherche et non pas au gouvernement de déterminer les priorités de recherche », fait valoir M. Allain.

Entre autres mesures annoncées dans le budget, le gouvernement prévoit de porter de 69 à 71 ans l’âge limite à laquelle un particulier devra convertir un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou un régime de pension agréé (RPA). À l’heure actuelle, les REER doivent être entièrement convertis en fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR) ou utilisés pour acheter une rente viagère avant la fin de l’année dans laquelle le particulier atteint 69 ans. Le versement des prestations de RPA commence à la même date. Il s’agit d’un changement important, compte tenu du fait que la plupart des provinces n’imposent plus d’âge de retraite obligatoire.

En ce qui concerne l’impôt sur le revenu des particuliers, le budget prévoit l’établissement d’un nouveau crédit d’impôt pour enfants de 2 000 $, qui procurera aux familles un allégement fiscal d’au plus 310 $ pour chaque enfant âgé de moins de 18 ans. Toutefois, ce crédit d’impôt n’étant pas remboursable, il ne rapportera rien aux familles à très faible revenu qui ne paient pas d’impôt.

Le gouvernement transférera également 250 millions de dollars aux provinces en 2007-2008 pour appuyer la création de places en garderie. Au cours des années ultérieures, ces fonds seront intégrés au TCPS. Ce financement est accordé alors que, dans son dernier budget, le gouvernement conservateur avait annulé le programme de garderies de 1,2 milliard de dollars dont le gouvernement libéral précédent avait prévu l’entrée en vigueur le 1er avril 2007.

La coalition Code Bleu pour les services de garde — regroupement d’organismes, dont l’ACPPU, qui militent pour la mise en place d’un réseau pancanadien de services de garde à l’enfance — estime que le gouvernement conservateur a franchi un pas dans la bonne direction en revenant sur sa décision au sujet des transferts directs aux provinces, mais que les sommes consenties sont très loin de suffire pour ériger un système universel et accessible de grande qualité.

Tout compte fait, résume M. Turk, le budget est une vaste combinaison de nouvelles initiatives de financement, de réductions d’impôt et de mesures de réduction de la dette destinées vraisemblablement à préparer le terrain pour les prochaines élections fédérales.

« Le budget ne comporte toutefois que très peu de mesures pour l’éducation postsecondaire d’ici à l’an prochain, moment où les crédits supplémentaires de 800 millions de dollars seront transférés aux provinces », observe M. Turk. « Et cette somme est loin de compenser les pertes subies ces dix dernières années. Globalement, le budget de 2007 constitue un premier pas hésitant qui ne réussit pas à redresser le déséquilibre du financement auquel sont confrontés les universités et les collèges au Canada. »