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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mai 2007

Vie privée et liberté académique mises en péril à Lakehead

Les services de courriel impartis à Google par l’Université Lakehead suscitent des craintes autour du respect de la vie privée. [Photo: Peter Puna/LU Photography]
Les services de courriel impartis à Google par l’Université Lakehead suscitent des craintes autour du respect de la vie privée. [Photo: Peter Puna/LU Photography]
L'Université Lakehead a signé avec Google un contrat d’impartition pour la gestion des services de messageries électroniques offerts au corps professoral, au personnel et aux étudiants de l’établissement. Ces services, fournis dans un premier temps à coût faible ou nul, ont fini par soulever de sérieuses inquiétudes au sujet de la perte du droit à la vie privée et de l’atteinte à la liberté académique.

« L’association du personnel académique de l’Université Lakehead (LUFA) a déposé contre l’établissement un grief alléguant que les services de courriel impartis à Google ne protègent ni les droits du personnel académique à la confidentialité de leurs communications personnelles et professionnelles, ni notre liberté académique tel que le prévoit expressément notre convention collective », a déclaré le président de la LUFA, Tom Puk. Le grief a été soumis à l’arbitrage, et le premier jour d’audience s’est tenu au début du mois.

M. Puk a fait savoir que la LUFA avait demandé aux avocats de l’ACPPU de prendre l’affaire en charge en raison de l’importance qu’elle revête pour les membres de la LUFA et de ses conséquences sur le personnel académique des autres universités et collèges canadiens qui pourront suivre l’exemple de Lakehead.

Pour pouvoir accéder à leurs comptes de courrier électronique, les membres du corps professoral, les autres employés et les étudiants de Lakehead doivent d’abord accepter les « modalités de service » de l’université qui précisent les conditions en vertu desquelles l’établissement peut avoir accès à leurs messages électroniques et en divulguer le contenu sans leur consentement. Entre autres conditions, l’université exige des utilisateurs qu’ils consentent à ce qu’elle puisse lire et divulguer le contenu des courriels « lorsque l’université croit avoir un besoin professionnel valable », à savoir notamment enquêter sur un usage abusif du courrier électronique ou une inconduite, promouvoir la santé et la sécurité au travail ou « éviter toute entrave à la mission pédagogique (de l’université) ».

M. Puk signale que tous les utilisateurs du nouveau système de courriel de Lakehead doivent, en plus de se conformer aux modalités de l’université, accepter les « conditions d’utilisation » de Google en vertu desquelles ce fournisseur peut « surveiller, modifier et communiquer vos informations personnelles, y compris le contenu de vos courriels, en cas de demande d’une autorité publique compétente ».

« Parce que Google est une société américaine, tous les renseignements auxquels elle a accès pourraient faire l’objet d’une enquête en vertu du USA Patriot Act, et il lui serait interdit par la loi de révéler à qui que ce soit quels renseignements ont dû être communiqués », fait observer le directeur général de l’ACPPU, James Turk. « Compte tenu des accords de partage de l’information qui existent entre les services de renseignements canadiens et américains, les organismes canadiens pourraient obtenir de leurs homologues américains des courriels et des documents qu’ils ne pourraient pas obtenir par des voies légales au Canada. »

Dans ses conditions d’utilisation, Google prévoit également que « les informations à caractère personnel collectées par Google peuvent être conservées aux États-Unis d’Amérique ou dans tout autre pays dans lequel Google Inc. ou ses agents disposent d’installations… (et que) vous consentez à de tels transferts de données hors de votre pays ».

Par ailleurs, « Google peut, à tout moment et pour tout motif, résilier le Service, résilier le présent Accord, ou suspendre ou résilier votre compte ». Dans un tel cas, « vous n’aurez pas accès à votre compte ni à aucun fichier ou autre contenu présent sur votre compte, bien que des copies résiduelles d’informations puissent subsister dans notre système ».

Finalement, les utilisateurs qui envisageraient de contester les actions de Google n’auraient droit qu’au seul recours clairement énoncé dans les conditions de la société : « Toute demande, procédure judiciaire ou litige né du Service ou lié à celui-ci sera de la compétence exclusive des juridictions du Comté de Santa Clara, Californie, et vous acceptez la compétence exclusive de ces juridictions. »

« Face aux règles appliquées par l’université et par Google, comment les membres du personnel académique peuvent-ils se sentir libres d’échanger sur des questions délicates dans le cadre de leurs activités savantes? », s’interroge M. Turk, en notant que la liberté académique serait mise en péril dans de telles conditions « susceptibles de freiner le libre partage des idées et des informations qui est essentiel aux échanges intellectuels entre collègues et avec les étudiants ».