Dans le cadre de sa nouvelle stratégie nationale des sciences et de la technologie visant à renforcer l’économie canadienne, le gouvernement fédéral veut accroître les liens entre les entreprises et les universités et donner à l’industrie plus de pouvoir sur les activités des conseils subventionnaires.
Le plan du gouvernement conservateur, Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada, a pour but de changer ce qui est perçu comme les piètres résultats du Canada en matière d’innovation en augmentant les investissements en recherche-développement qui lient « l’énergie compétitive » des entrepreneurs au « génie créateur » des scientifiques canadiens.
« Notre objectif est de faire en sorte qu’il soit plus facile pour les entreprises de créer et de commercialiser de nouveaux produits et services », a déclaré le premier ministre Stephen Harper le mois dernier lors du lancement de la stratégie à l’Institut Perimeter pour la physique théorique à Waterloo. « Nous devons nous améliorer, sans quoi le Canada s’appauvrira et s’affaiblira. »
Le directeur général de l’ACPPU, James Turk, soutient cependant que le plan du gouvernement pourrait en fait entraver l’innovation scientifique en subordonnant trop les chercheurs universitaires aux exigences du secteur privé.
« La recherche fondamentale, priorité traditionnelle des universités, n’intéresse pas vraiment l’entreprise privée », explique-t-il. « Pourtant, ce sont les découvertes scientifiques fondamentales qui ont alimenté l’innovation et mené à la majorité des nouvelles applications commerciales d’envergure. »
Même si le plan mentionne l’importance de maintenir le financement gouvernemental pour la recherche fondamentale, M. Turk croit que l’objectif général consiste à donner aux entreprises plus d’influence sur la recherche universitaire.
« Cette stratégie est déséquilibrée. Certaines propositions suscitent de graves préoccupations sur leurs conséquences pour l’indépendance et l’intégrité de la recherche universitaire », ajoute-t-il.
Le gouvernement fédéral dit vouloir renforcer les partenariats universités-secteur privé en créant des centres d’excellence en recherche et en commercialisation, des réseaux de recherche axés sur les affaires en vertu du programme des Réseaux de centres d’excellence ainsi qu’un conseil consultatif pour les conseils subventionnaires formé de représentants du secteur privé et des trois conseils et chargé de « donner des avis sur la mise en place d’initiatives axées sur les affaires ».
Les Conservateurs prévoient également des changements à la structure des conseils subventionnaires, notamment en nommant davantage de représentants des entreprises aux conseils d’administration de ces organismes « afin que la composition des conseils traduise les intérêts économiques et nationaux généraux du Canada ».
Le gouvernement compte concentrer le financement fédéral de la R-D sur quatre secteurs prioritaires d’intérêt national dans lesquels le Canada peut « s’imposer comme chef de file mondial sur le plan de la recherche et de la commercialisation » : les ressources naturelles, l’environnement, la santé et les technologies de l’information.
« S’il convient d’établir des priorités nationales, il est à redouter que ces mesures ne signifient que le gouvernement s’accordera à l’avenir plus de liberté pour choisir des projets précis à financer et que le poids de la communauté des chercheurs dans ces décisions diminuera », s’inquiète M. Turk.
À son avis, l’annonce dans le budget fédéral 2007-2008 d’un nouveau financement de 105 millions de dollars pour des centres de recherche choisis sans aucun processus de contrôle par les pairs pourrait bien être un signe de ce changement.
« Les centres qui ont été choisis méritaient sans doute ce financement », dit-il. « Ce qui est inquiétant, c’est l’absence d’un processus de contrôle formel par les pairs. »
La nouvelle stratégie en matière de sciences et de technologie implique aussi de grands changements dans les agences et les ministères scientifiques du gouvernement : jusqu’à cinq laboratoires gouvernementaux passeraient aux universités et au secteur privé.
« C’est troublant parce que, dans bien des cas, il est absolument essentiel que la recherche scientifique soit effectuée dans les ministères, surtout quand ces activités touchent la santé et la sécurité et la réglementation environnementale », souligne M. Turk.
La mise en oeuvre de la stratégie sera financée par les crédits de 9,2 milliards de dollars déjà affectés dans le budget aux dépenses en sciences et en technologie.
La stratégie Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada peut être téléchargée à l’adresse http://ic.gc.ca/cmb/welcomeic.nsf/ICPages/Publications-sur-le-Ministere.