Le harcèlement psychologique au travail est une menace importante et peut avoir des effets dévastateurs en ce qui concerne la santé mentale des travailleuses et travailleurs.
Le phénomène du harcèlement psychologique au travail, dont la progression est constatée partout au pays, fait peser des enjeux de plus en plus considérables sur les employés, les employeurs et les syndicats pris dans le tourbillon.
« Les comportements associés au harcèlement psychologique ont toujours été présents dans les mondes du travail », observe Angelo Soares, sociologue et professeur à l’Université du Québec à Montréal, qui donne des cours sur le comportement organisationnel. « Ce qui est nouveau cependant, c’est leur intensité, leur fréquence et l’aggravation de ses conséquences psychopathologiques qui, à partir des années 90, ont pris une dimension alarmante. »
Le harcèlement psychologique, différent en droit du harcèlement sexuel, n’est pas classé dans la catégorie des actes répréhensibles généralement prévus dans les lois régissant les droits de la personne.
Le professeur Soares, qui conduit des recherches sur le harcèlement psychologique et qui participe à titre de conférencier à de nombreux colloques sur la question, note que, malgré l’absence d’une définition universelle du processus, la plupart des experts s’entendent sur trois dimensions toujours présentes : la répétition et la persistance de l’action, les effets négatifs, voire destructeurs, sur la personne cible, et le fait que la définition soit centrée sur les effets subis par la personne cible et non pas sur les intentions de la personne qui harcèle.
Il est fréquent que les personnes touchées par cette forme de violence souffrent de dépression, fournissent un piètre rendement au travail ou cessent tout simplement de fonctionner. Il arrive même dans certains cas que les victimes agressent physiquement leurs bourreaux ou se suicident.
« Le harcèlement psychologique au travail est une menace importante et peut avoir des effets dévastateurs en ce qui concerne la santé mentale des travailleuses et travailleurs », souligne le professeur Soares dans un rapport publié en 2002 sous le titre Quand le travail devient indécent : le harcèlement psychologique au travail.
Le droit canadien relatif à cette forme de harcèlement est des plus complexe car il varie non seulement d’une province à l’autre mais aussi selon les circonstances de chaque cas.
En 2004, le gouvernement du Québec a été le premier en Amérique du Nord à promulguer une loi qui proscrit le harcèlement psychologique au travail. La loi québécoise définit expressément ce délit comme « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste ».
La Saskatchewan a récemment voté des modifications à sa loi sur la santé et la sécurité au travail afin de rendre illégal tout acte de harcèlement psychologique à l’encontre des travailleurs et travailleuses qui est jugé humiliant ou intimidant par une « personne raisonnable ».
Dans les autres provinces canadiennes, les personnes victimes de harcèlement psychologique doivent s’aventurer dans les méandres parfois complexes des diverses voies de recours, dont le dépôt de griefs en vertu des conventions collectives et des lois provinciales en matière de travail et l’engagement de poursuites au civil.
Les récentes décisions des tribunaux canadiens dans des affaires de harcèlement psychologique provoquent de vifs remous dans les salles de conseil des sièges sociaux et se révèlent fort coûteuses pour les employeurs qui font mine de ne rien voir lorsque des supérieurs traitent sans égards leurs subordonnés ou même lorsque le harcèlement s’exerce entre les employés.
L’an dernier, Nancy Sulz a obtenu une compensation financière de près de 1 million de dollars parce qu’elle avait été victime de harcèlement psychologique de la part de son supérieur à la Gendarmerie royale du Canada. L’affaire Sulz et une série d’autres causes laissent clairement entendre aux employeurs qu’ils seraient bien avisés de s’attaquer à tout problème de harcèlement susceptible de survenir au travail.
Tout porte à croire cependant que la situation la plus difficile se présente lorsque le harcèlement implique des collègues syndiqués de même rang.
Un atelier sur le harcèlement psychologique, organisé en novembre dernier en parallèle
de l’assemblée du Conseil de l’ACPPU, a rassemblé des agents de griefs et des universitaires concernés qui s’emploient à définir les comportements inacceptables et à trouver des solutions.
Les agents de griefs ont signalé un large éventail de cas de harcèlement psychologique auxquels ils sont confrontés : des dirigeants qui crient après leurs subordonnés ou qui lancent des choses en leur direction, des étudiants qui adressent des menaces par courriel à des professeurs, de l’intimidation entre collègues, des menaces et des insultes — parfois proférées sur des blogues.
Dans les pires cas, les agents de griefs chargés de la difficile tâche d’enquêter sur les plaintes déposées par des membres contre d’autres membres finissent même parfois par faire l’objet de harcèlement. Comme l’a déclaré un participant à l’atelier : « C’est un vrai cauchemar pour les syndicats ».
Le problème a eté abordé en décembre dernier lors d’un atelier de l’ACPPU pour les agents de griefs principaux qui portait sur les auteurs de griefs vulnérables, notamment ceux qui sont aux prises avec des collègues.
Pour sa part, l’ACPPU travaille actuellement à l’élaboration de clauses modèles sur le harcèlement en milieu de travail.