La condamnation du professeur Yayla par un tribunal turc à 15 mois de prison avec sursis pour avoir insulté Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, suscite des critiques de l'Union européenne.
La récente condamnation du professeur de sciences politiques turc Atilla Yayla pour avoir insulté le père fondateur de la Turquie moderne est un signal particulièrement inquiétant pour la liberté académique dans ce pays, met en garde l’ACPPU.
Après avoir été inculpé en 2006 et congédié de l’Université Gazi à Ankara, le professeur Yayla a été condamné le 28 janvier à 15 mois de prison avec sursis pour avoir remis en question certaines des politiques instaurées par Mustafa Kemal Atatürk, le premier président et fondateur de la République laïque de Turquie. Offenser la mémoire d’Atatürk est considéré comme un crime dans ce pays.
Le professeur Yayla est président de l’Association pour la Libre Pensée — un organisme de défense des libertés et des politiques économiques libérales — et est l’auteur de nombreux livres et articles sur le terrorisme, le libéralisme et la justice sociale. Même s’il a depuis réintégré son poste de professeur à l’université, il estime que son passage en justice est révélateur des restrictions imposées à la liberté d’expression et à la liberté de débat des universitaires en Turquie.
Dans une
lettre adressée au ministre turc de la justice, l’ACPPU appelle le gouvernement de ce pays à annuler la déclaration de culpabilité. « L’arrestation du professeur Yayla et la sentence prononcée contre lui portent sérieusement atteinte à sa liberté académique et contreviennent aux règles internationales qui protègent le droit à la liberté d’expression. Nous vous demandons d’annuler sans plus attendre la décision du tribunal et de permettre au professeur de poursuivre librement son travail d’universitaire et d’exercer son droit à la liberté d’expression. »
Le professeur Yayla, qui se défend d’avoir voulu insulter Atatürk, affirme que sa condamnation lui vaudra désormais d’être suivi et surveillé par les autorités pendant deux ans. Il craint également que des espions parmi les étudiants n’observent la moindre de ses conférences et que de telles tactiques n’effraient les autres professeurs, qui y penseront à deux fois avant d’exercer leur droit à la liberté académique. Selon lui, une quarantaine de lois turques en vigueur violent la liberté d’expression.
Candidate à l’Union européenne, la Turquie est critiquée pour ses antécédents en matière de respect des droits de la personne. De nombreux écrivains et intellectuels turcs, dont le romancier et lauréat du prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, ont été traduits en justice en vertu de lois du même ordre que celles invoquées contre le professeur Yayla.
Certaines de ces lois interdisent de « dénigrer l’identité turque », tandis que d’autres criminalisent les actes qui « insultent ou rabaissent » diverses institutions d’État.
Mort en 1938, Atatürk conserve encore aujourd’hui en Turquie le statut d’icône nationale dont le portrait trône dans tous les bureaux du gouvernement.