Le budget fédéral de 2008 souffre carrément d’un manque de vision cohérente en matière d’éducation postsecondaire et de recherche, même si le ministre des Finances Jim Flaherty a placé tout son discours de présentation, le 26 février dernier, sous le thème « Un leadership responsable ».
Dans un document élaboré avec beaucoup de circonspection en vue d’obtenir des partis de l’opposition un appui suffisant pour que le projet de loi soit adopté par le Parlement, le gouvernement conservateur minoritaire a d’entrée de jeu présenté son budget sur fond de mises en garde face au « défi de l’incertitude économique mondiale ».
Le ministre Flaherty a ensuite annoncé l’affectation de plus de 10 milliards de dollars au remboursement de la dette nationale, sans se préoccuper le moindrement des besoins les plus pressants des universités et des collèges, a déploré le directeur général de l’ACPPU, James Turk.
Mise à part la création du Programme canadien de subventions aux étudiants, qui constitue, selon M. Turk, un pas dans la bonne direction, et qui remplacera la Fondation canadienne des bourses d’études du millénaire, le budget apporte peu de soutien aux étudiants pour l’année en cours.
M. Turk signale que le gouvernement n’a injecté aucun argent neuf au titre de l’éducation postsecondaire dans le Transfert canadien en matière de programmes sociaux – financement crucial qui aurait permis aux universités et aux collèges de rendre l’éducation plus abordable et de garantir au personnel et aux étudiants de ces établissements l’accès aux laboratoires, ressources documentaires et autres installations dont ils ont besoin.
Le budget a annoncé, faut-il souligner, la création d’un programme de bourses d’études supérieures dédiées à la mémoire de Georges Vanier, héros de guerre et ancien gouverneur général. Ces bourses, dont le montant maximum annuel est fixé à 50 000 $, seront octroyées pour au plus trois ans à 500 des meilleurs étudiants au doctorat canadiens et étrangers. Le budget octroiera par ailleurs une modeste allocation à 250 bénéficiaires canadiens de bourses d’études supérieures qui souhaitent étudier dans des établissements étrangers. Cette allocation sera accordée pour un seul semestre.
« Nous saluons certes la mise en place de ces initiatives positives, mais nous ne pouvons pas passer sous silence l’absence dans le budget de toute autre aide financière pour les centaines de milliers d’étudiants canadiens des programmes de baccalauréat, de maîtrise et, en grande partie, de doctorat », a déclaré M. Turk. « Malheureusement, le budget ne s’attaque pas au véritable problème : une augmentation impérative du financement de base. »
Parmi les autres mesures annoncées, le budget alloue une augmentation de moins de cinq pour cent au programme de financement des coûts indirects de la recherche universitaire. Il accorde également aux trois conseils subventionnaires fédéraux de légères augmentations de fonds qui sont, cependant, ciblés sur les secteurs prioritaires déterminés par le gouvernement.
« Nous nous félicitons de l’affectation de nouvelles ressources à la recherche tout en demeurant très inquiets de voir que le gouvernement tende de plus en plus à établir à lui seul les orientations prioritaires de la recherche au lieu de confier cette tâche à la communauté des chercheurs », a noté M. Turk.
Le président du Caucus national des 2e et 3e cycles de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, Graham Cox, croit lui aussi qu’une telle pratique du gouvernement est porteuse d’une tendance dangereuse. « Il faut que le gouvernement conservateur abandonne l’idée qu’il doit se mêler de la définition des programmes de recherche universitaire. Intervenir ainsi pour établir les priorités de la recherche indépendante contrevient aux principes de la liberté académique et de la recherche érudite. »
Qualifiant de « maigres et mal équilibrés » les crédits budgétaires alloués aux conseils subventionnaires, M. Cox dénonce le fait que la recherche dans les secteurs de la santé et des sciences soit privilégiée par rapport à ceux des sciences sociales et humaines.
Le Nouveau Parti démocratique et le Bloc Québécois ont tous deux annoncé qu’ils voteraient contre la proposition de budget, mais l’appui réticent du chef libéral Stéphane Dion rend l’issue incertaine.
Parce que l’adoption du budget est considérée comme une question de confiance à l’égard du gouvernement, M. Dion estime que voter contre le projet ne servirait qu’à provoquer des élections « dont les Canadiens ne veulent pas ».