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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mars 2008

Québec : un rapport sur la gouvernance des universités fortement contesté

Les recommandations d’un rapport ayant prétendument pour objet d’améliorer la gouvernance des universités du Québec produiraient en fait le résultat contraire, met en garde l’ACPPU.

Le rapport de septembre 2007 d’un groupe de travail mandaté par l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques est à la fois « inconsistant et décevant », a déclaré le directeur général de l’ACPPU, James Turk. « Il propose un modèle tout à fait contraire à la tradition de saine gouvernance pratiquée dans les universités. »

Cette tradition est celle que la grande majorité des universités canadiennes ont adoptée depuis que la Commission royale Flavelle créée en 1906 a recommandé l’établissement d’une nouvelle structure bicamérale de gouvernance collégiale où un conseil d’administration et un sénat travaillent conjointement pour servir au mieux les intérêts de la communauté universitaire.

Au lieu de cela, le rapport sans titre de 19 pages fait pratiquement abstraction des fonctions du sénat et recommande de concentrer le pouvoir entre les mains de membres « indépendants » du conseil qui n’ont pas de liens avec l’université.

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) se dit elle aussi préoccupée par l’orientation du rapport et elle juge même « stupéfiants » certains aspects du document.

Les douze recommandations formulées dans le rapport portent sur des questions aussi diversifiées et disparates que l’importance des liens entre la mission et la gouvernance jusqu’aux moyens de constituer un conseil d’admini­stration efficace et efficient.

Les dix membres du groupe de travail présidé par le professeur Jean-Marie Toulouse de HEC Montréal estiment que le conseil doit être composé d’au plus 15 membres, dont la majorité d’entre eux (soit environ 66 %), y compris le président, devraient être des membres « indépendants » ou externes qui ne sont pas apparentés à la communauté universitaire.

Le groupe de travail précise également que la présence de membres observateurs, même ceux sans droit de parole, « n’est pas conforme à une saine gouvernance » et que ces personnes devraient se retirer au moment de prendre des décisions.

Le groupe préconise d’autre part la création de trois comités « statutaires » — vérification, gouvernance et éthique, et ressources humaines — investis d’énormes pouvoirs et composés uniquement de membres « indépendants ».

« Il recommande de placer l’uni­versité sous l’autorité d’un conseil siégeant pour ainsi dire à huis clos, sans la présence d’aucun observateur, et de laisser le contrôle exclusivement dans les mains de membres externes », note M. Turk. « Les trois comités, qui sont appelés à prendre de nombreuses décisions importantes, devraient être eux aussi composés de membres externes — c’est-à-dire des personnes qui ne font pas partie de la communauté universitaire. »

Un tel système minerait une forte tradition de fonctionnement de l’université comme une communauté dont les membres participent à leur propre gouvernance, ajoute- t-il.

Dans une déclaration émise en réponse au rapport du groupe de travail, la FQPPU soutient que la concentration du pouvoir entre les mains d’une « nouvelle oligarchie de gestionnaires » va à l’encontre de la nécessité d’une reddition de comptes complète et transparente.

Dans la même perspective, les associations des professeurs des universités Concordia et McGill ont publié une déclaration commune dans laquelle elles dénoncent le fait que le rapport fasse essentiellement fi de la structure de gouvernance bicamérale formée du sénat et du conseil d’administration, qu’il présente l’idée même d’un sénat comme un paradoxe ou un défi de gouvernance et qu’il l’écarte sans en pousser l’examen, et qu’il ne fasse aucunement mention du rôle fondamental de la gouvernance collégiale.

Pour sa part, M. Turk a dénoncé la recommandation du rapport voulant qu’un comité de consultation formé uniquement de membres indépendants soit chargé de proposer les candidatures au poste de recteur d’université et que le conseil tout entier examine les propositions soumi­ses et choisisse en secret le candidat qui sera retenu.