On me demande souvent si je suis le premier francophone à assumer la présidence de l’ACPPU. Je ne peux, hélas, revendiquer pareil honneur, quoique très peu de francophones aient eu le privilège d’exercer cette fonction.
Au cours des 57 années de son existence, l’ACPPU a eu 45 présidents et je suis le cinquième francophone à occuper ce poste.
De 1962 à 1971, trois francophones ont été présidents de l’ACPPU : deux de l’Université de Montréal et le troisième de l’Université Laval.
Pourquoi y a-t-il eu trois présidents francophones durant les premières années de l’association, et qu’il a ensuite fallu attendre un quart de siècle – jusqu’au milieu des années 1990 – avant qu’un autre francophone ne soit élu à la présidence? La réponse se trouve dans le contexte historique du Québec. Les associations de personnel académique existaient déjà depuis longtemps dans cette province : celle de Montréal, par exemple, a été officiellement créée en 1955, bien que les organismes qui l’ont précédée remontent aux années 1930. Les associations de personnel académique au Québec ont été les premières à se syndiquer au Canada au début des années 1970.
La Révolution tranquille des années 1960 s’est révélée une puissante force de modernisation au Québec, et un nouveau sentiment d’identité québécoise est né de tous les changements sociaux qui se mettaient en place. Dans le milieu de l’enseignement supérieur, cette synergie a abouti à la création, en 1970, de la Fédération des associations de professeurs d’université du Québec (FAPUQ).
Jusque-là, les associations de personnel académique du Québec adhéraient toutes à l’ACPPU, car c’était la seule et unique fédération existante. Je soupçonne toutefois que pendant quelques années après la fondation de la FAPUQ, certaines associations francophones ont pu être membres à la fois des deux organismes, mais que toutes les associations francophones ont fini par rejoindre la fédération québécoise, qui devait être renommée en 1991 la Fédération québécoise des professeures et professeurs d‘université (FQPPU). Aujourd’hui, seules les associations de personnel académique des universités anglophones du Québec continuent d’adhérer tant à l’ACPPU qu’à la FQPPU.
À ce jour, l’ACPPU entretient de bons rapports avec la FQPPU. Nous invitons chacun de notre côté des observateurs à nos réunions, nous exerçons conjointement des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il accroisse son financement et qu’il améliore l’accès aux études postsecondaires, et nous participons ensemble aux activités de l’Internationale de l’Éducation et du Caucus nord-américain de l’IE.
Ainsi, les changements historiques intervenus dans la décennie 1960 et au début de la décennie suivante expliquent pourquoi les francophones forment une minorité au sein des membres de l’ACPPU.
Quoi qu’il en soit, l’ACPPU est un organisme national bilingue qui fournit des services d’interprétation simultanée à ses assemblées semestrielles, qui assure la traduction de la grande majorité de ses documents et qui tient ses sites web dans les deux langues officielles.
Ce n’est qu’en 1996 qu’un quatrième francophone a été élu au poste de président de l’ACPPU : le fransaskois William Bruneau. Entre autres réalisations, Bill a initié la tenue de réunions des associations francophones et bilingues dans le cadre de chaque assemblée du Conseil.
Cette tribune francophone permet aux délégués de se rassembler et de discuter de divers intérêts communs, dont la qualité et l’étendue des services bilingues offerts par l’ACPPU.
Je me souviens d’avoir assisté à ces premières réunions, tenues en français et présidées par Bill, lorsque j’ai commencé à me rendre à Ottawa en 1996 à titre de délégué de mon association locale, l’ABPPUM. Le groupe continue aujourd’hui à jouer un rôle très actif et à faire de nombreuses suggestions utiles sur diverses questions en vue d’améliorer les services de l’ACPPU. Citons par exemple l’augmentation du nombre d’articles publiés dans le Bulletin en français et en anglais.
Au début des années 2000, cependant, les membres de ce groupe, jugeant que l’approche ponctuelle et graduelle ne répondait pas à leurs attentes, ont demandé de créer un groupe de travail pour étudier la situation des francophones au sein de l’ACPPU. On ne connaissait pas suffisamment leurs besoins ni les problèmes et les défis auxquels ils étaient confrontés, et il faudrait prévoir plus que deux réunions par année pour rassembler l’information utile à l’ACPPU.
Au lieu d’un groupe de travail, le comité de direction de l’ACPPU a choisi de créer un comité des francophones chargé de jouer un rôle consultatif auprès de la direction. Il existait déjà un précédent puisqu’en 1999, face à l’augmentation rapide de la précarité sur les campus, un comité représentant le personnel académique contractuel a été créé pour conseiller la direction sur les questions relatives à cet enjeu. En rédigeant ces mots il me revient de très bons souvenirs des deux années où j’ai présidé ce comité et travaillé avec ces collègues merveilleux pendant mes premières années au sein du comité de direction de l’ACPPU à compter de l’an 2000, qui fut également l’année de la création du comité de l’équité.
Le comité de direction a mis sur pied en 2004 deux autres comités : le premier, pour les questions touchant les francophones, et le deuxième, pour celles concernant le personnel enseignant clinicien.
J’ai eu le privilège de présider le comité des francophones pendant que j’exerçais les fonctions de trésorier de l’ACPPU pendant trois ans et de vice-président pendant un an.
Le
comité est formé de membres francophones représentant des universités francophones, bilingues et anglophones, et sa composition reflète la diversité des milieux où travaillent les francophones.
Mais à vrai dire, nous ne savons pas combien de membres francophones nous comptons. Nous savons combien de francophones travaillent dans des établissements francophones et nous avons une bonne idée du nombre de francophones présents sur les campus bilingues, mais il demeure extrêmement difficile de déterminer le nombre de francophones dans les établissements anglophones. Et les données de recensement ne nous sont guère utiles en raison du libellé des questions. Les données fiables sur les francophones se font presque aussi rares que celles sur le personnel académique contractuel.
L’évolution historique de la situation au Québec, que j’ai évoquée précédemment, explique pourquoi la majorité des établissements francophones des autres provinces canadiennes sont de taille restreinte. L’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick est la plus grande université de langue française au Canada en dehors du Québec. Le campus de Moncton recense plus de 4 000 étudiants à temps plein et plus de 500 membres du personnel académique à temps plein et à temps partiel.
Comme nous le savons tous, la transformation profonde qui s’opère dans le système d’éducation postsecondaire brouille de plus en plus la distinction traditionnellement établie entre les universités et les collèges. Certains établissements collégiaux offrent maintenant des programmes de baccalauréat de quatre ans, tandis que bon nombre d’autres offrent des programmes de transition vers l’université d’une durée de deux ans, et certains ont même acquis le statut d’université à part entière. Ces dernières années, l’ACPPU a accueilli dans ses rangs, à titre de membres fédérés, deux fédérations provinciales de collèges – la Federation of Post-Secondary Educators de la Colombie-Britannique et la Division des collèges du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) – ajoutant ainsi 18 000 nouveaux membres qui sont maintenant représentés par l’ACPPU.
Dans ce contexte, il est tout à fait approprié que l’un des deux nouveaux membres nommés cette année au comité des francophones provienne du secteur collégial. Fernand Bégin est président du Syndicat du personnel scolaire de l’établissement de langue française La Cité collégiale, situé à Ottawa. Il a siégé auparavant au comité provincial de la négociation du SEFPO. Fernand apportera une perspective nouvelle au comité et fera profiter tous les membres de sa vaste expérience.
Le comité des francophones s’intéresse à une variété de questions. De concert avec le comité des bibliothécaires, il s’emploie à déterminer s’il existe une différence de coût (et d’accès) entre les matériels pédagogiques en français et en anglais (livres, publications, logiciels, CD-Roms, etc.) et, lorsque c’est le cas, à mesurer l’importance de cette marge, de sorte que l’ACPPU puisse prendre les mesures de redressement utiles. Les données anecdotiques recueillies jusqu’à présent permettent de penser qu’il existe un écart de coût appréciable.
D’autre part, le comité examine diverses démarches qui permettraient d’identifier les francophones dans les établissements postsecondaires canadiens et de rassembler des informations sur les enjeux et les préoccupations des francophones. Ce sont les francophones qui travaillent dans les universités anglophones qui sont les plus difficiles à repérer, exception faite, évidemment, des professeurs francophones des départements de français et de langues modernes, parce qu’il n’existe pas de décompte fiable de ceux qui travaillent dans d’autres disciplines. Le comité planifie également la tenue d’une conférence de l’ACPPU en 2009 ou 2010. Cet événement pourrait servir de point de rassemblement important pour les membres francophones du personnel académique de l’ensemble du pays, tout comme le Forum de l’ACPPU pour les membres autochtones du personnel académique, qui a connu un énorme succès plus tôt cette année, a eu un impact extrêmement positif et significatif pour cette communauté.
En conclusion, nous pouvons dire que les francophones ont fait beaucoup de chemin pour établir leur présence au sein de l’ACPPU.
Après avoir connu un bon départ dans les années 1960, ils sont manifestement devenus à ce jour, de par leur petit nombre et leurs situations diverses, membres d’une minorité quasi invisible. Mais les choses s’améliorent. Si l’on considère que ces dernières années, deux francophones ont assumé la présidence de l’ACPPU et qu’un comité officiel représentant leurs intérêts a été mis sur pied, il apparaît clair que les membres francophones de l’ACPPU peuvent réellement se faire entendre au sein de l’association. Les membres du comité sont animés d’un grand enthousiasme et veulent tout mettre en oeuvre pour que les intérêts des francophones soient communiqués au comité de direction et dûment pris en compte dans les politiques et les activités de l’ACPPU, et pour que la communauté francophone au sein de l’association se fasse entendre haut et fort!
Prochaine rubrique, ma dernière : « Président de l’ACPPU, le meil-leur job au monde! » Restez à l’écoute!