Sir David Watson
Le recours très répandu aux chasseurs de têtes pour recruter et sélectionner les dirigeants d’université pourrait être plus préjudiciable que bénéfique, à mesure même où le nombre d’établissements postsecondaires faisant appel à des entreprises de recrutement continue de grimper, révèle un rapport publié dans le numéro d’été 2008 du magazine Engage de la Leadership Foundation for Higher Education à Londres.
Sir David Watson, chaire de recherche en gestion des études supérieures à l’Institute of Education de l’Université de Londres, a rassemblé et analysé des données qui mettent en lumière une forte tendance à la hausse, chez les universités du Royaume-Uni, à confier le recrutement de leurs dirigeants à des chasseurs de têtes ou à des cabinets spécialisés.
Le professeur Watson constate dans son rapport qu’aucune agence de recrutement n’avait été sollicitée pour la recherche de candidats aux postes de dirigeants annoncés dans le Times Higher Education Supplement en 1986-1987, alors que dix ans plus tard de telles agences avaient été engagées pour neuf des 16 postes annoncés et, en 2006-2007, pour 20 postes sur 21.
Sir Watson compare l’effet du cycle de vie des chasseurs de tête durant cette période à celui d’« une drogue raffinée. Ils ont commencé par provoquer des effets euphorisants qui se sont peu à peu dissipés avant de faire place à des effets secondaires préjudiciables ».
Selon le professeur, le plus grave des effets secondaires associés à l’utilisation des services de chasseurs de têtes est l’« impartition importante de responsabilités fondamentales propres aux universités ».
La délégation aux chasseurs de têtes d’une tâche considérée autrefois comme l’une des fonctions inhérentes au mandat du conseil d’administration est en voie d’entraîner une sorte de déqualification des dirigeants, met-il en garde, tout en empêchant les candidats de prendre la pleine mesure du poste face auquel ils se trouvent, en raison de la confidentialité imposée par les cabinets de recrutement.
« On peut en dire autant de la situation au Canada », fait valoir le directeur général de la l’ACPPU, James Turk.
S’il est vrai que les agences de recrutement de cadres se sont par le passé révélées utiles en élargissant le réservoir de candidats potentiels, tout particulièrement à d’autres secteurs d’activité, force est de constater, prévient M. Turk, que maintenant les effets négatifs de la « professionnalisation » du recrutement des dirigeants d’université l’emportent largement sur les bienfaits.
Et d’ajouter : « Nous avons constaté une importante augmentation du nombre de contrats de recherche de candidats qui sont passés avec des chasseurs de têtes pour pourvoir à des postes de recteur. Et bien que ces recruteurs puissent être en mesure d’établir un bassin de candidats dignes de considération, qui soit au départ plus large que celui que pourrait rassembler à lui seul le comité de recrutement d’une université, il n’en demeure pas moins que ces mêmes candidats sont proposés maintes et maintes fois sans jamais avoir la possibilité de bien comprendre les besoins particuliers de l’établissement concerné ».
Sir Watson appelle ce phénomène l’« antichambre de la concurrence ». C’est en quelque sorte « la salle où l’on fait attendre en permanence un groupe de candidats potentiels ou bien où l’on cherche constamment à introduire ces derniers à force de sollicitudes et de séduction ».
Le recours aux chercheurs de têtes aux États-Unis a aussi suscité récemment l’attention de William Bowen, l’ancien recteur de l’Université Princeton. Dans un article publié dans un numéro de mars du Chronicle of Higher Education, M. Bowen soutient que « la principale responsabilité du conseil d’administration » est d’assurer l’exécution d’« une relève fructueuse ». Malgré cela, déplore-t-il, il se trouve un grand nombre de conseils d’administration qui, n’étant pas préparés à cette fin, confient cette responsabilité capitale à des chasseurs de têtes à qui ils confèrent une autorité beaucoup trop importante sans leur fournir toutes les directives et orientations nécessaires.
L’ancien recteur reconnaît que l’apport professionnel des cabinets de recrutement peut être utile, mais il est d’avis que leur rôle devrait se limiter à établir « des listes de candidats possibles, qui comportent également des candidats véritablement nouveaux », et non pas à établir des descriptions de fonctions ni même à entrer en contact avec les candidats.
Sir Watson recommande aux universités de recréer un « sentiment de responsabilité partagée » à l’égard des activités de recrutement dans tout le secteur de l’éducation postsecondaire.