Si les membres de l’ACPPU doivent surmonter divers obstacles au quotidien, il est rare qu’ils aient à faire face à la violence et à l’intimidation. Ce n’est toutefois pas toujours le cas ailleurs dans le monde. Dans un climat de crise politique et sociale, les universitaires, tout comme les journalistes, sont parmi les premiers attaqués, souvent pour avoir défendu le libre examen. Certains de nos collègues sont dans une situation désespérée. Je désire attirer votre attention sur deux cas parmi les plus flagrants d’universitaires menacés de violence physique, y compris l’emprisonnement, la torture et la mort, et vous faire découvrir un programme créé en réaction à ces menaces.
Naguère prestigieux, les établissements d’enseignement supérieur d’Irak sont maintenant en ruines, au propre comme au figuré, et leurs universitaires sont de plus en plus la cible de violences sectaires, une situation que les responsables de l’Institute of International Education ont qualifiée de crise parmi les plus graves de notre époque. À la fin de 2007, plus de 300 universitaires irakiens y avaient laissé la vie, et beaucoup d’autres continuent d’être attaqués et menacés. Selon University World News, en un mois seulement cette année, 25 professeurs irakiens ont été tués et beaucoup d’autres ont été enlevés, parfois avec leur famille.
Dans un rapport publié en mai 2007, le magazine Chronicle of Higher Education décrit la quasi-paralysie des universités d’Irak, précisant que presque toute la recherche universitaire menée dans ce pays a été interrompue par l’incapacité pratiquement totale de procéder à des travaux sur le terrain et de recueillir des données. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux universitaires aient fui le pays, plongeant l’Irak dans un vaste néant à l’égard de la recherche de savoir. Malheureusement, les asiles sûrs sont rares, et des centaines d’Irakiens qui enseignaient la médecine, la pharmacie et le génie et qui, depuis quelques années, se sont réfugiés dans des États voisins vivent dans des situations de plus en plus précaires.
Dans la foulée des élections au Zimbabwe, bien des éducateurs sont devenus victimes de violence et d’intimidation. De nombreux rapports indiquent que des enseignants en milieu rural ont été blessés ou tués et que beaucoup ont fui leur école, sinon leur pays. L’été dernier, la situation s’est dégradée à un point tel que des universitaires ont prévenu le président Robert Mugabe que tous les établissements d’enseignement supérieur du pays risquaient de fermer en raison d’une détérioration des conditions de travail qui, selon University World News, a entraîné l’absentéisme et l’exode du personnel expérimenté.
L’Irak et le Zimbabwe ne sont cependant pas les seuls États où les universitaires subissent des menaces terribles : le Cambodge, le Pakistan, l’Iran, l’Éthiopie, l’Érythrée et l’Ouzbékistan arrivent en tête de liste des pays les plus dangereux pour eux.
Que peuvent faire les universitaires canadiens face à cette situation? L’ACPPU est membre de
l’Internationale de l’Éducation (IE), porte-parole mondiale de la main-d’oeuvre en éducation et du personnel académique. L’IE fait la promotion des droits de la personne, du droit à la syndicalisation et de la liberté académique en plus de sensibiliser les universitaires à la situation mondiale, de contribuer à la solidarité au sein du personnel en éducation supérieure et, par l’intervention et l’observation, de mettre au jour les atteintes à la liberté académique et aux droits de la personne, et d’appeler à y réagir à l’échelle internationale. Ainsi, l’été dernier, tandis que la crise au Zimbabwe s’aggravait, l’IE a lancé à ses membres du monde entier un appel urgent à l’action afin qu’ils dénoncent les violations systématiques des droits de la personne commises envers le personnel enseignant.
Il nous faut affermir notre engagement à défendre la liberté académique et à protéger les libertés civiles individuelles par des actions plus concrètes. Le
Scholars at Risk Network est un programme international qui permet aux universitaires canadiens de s’engager dans ce domaine. Il s’agit d’un réseau d’établissements d’enseignement supérieur qui acceptent de servir de refuge temporaire à des universitaires et à des étudiants dont la vie est menacée dans leur pays d’origine.
Depuis 1999, l’Université de Toronto, unique membre du réseau au Canada, a ainsi accueilli douze universitaires de l’Iran, de l’Éthiopie, du Yémen, de l’Irak, de la Colombie et de l’Azerbaïdjan à l’école d’études supérieures du Collège Massey, leur offrant des bourses de 10 000 $ pendant deux ans, ce qui leur a permis de poursuivre leurs études supérieures ou leurs travaux de recherche.
La présence d’universitaires importe également pour l’établissement parrain, explique John Fraser, directeur principal du Collège Massey, selon qui ne pas aider ces personnes constituerait presque un acte de complicité résultant de la non-compréhension de la situation qui sévit dans ces pays. Dans une entrevue accordée au bulletin de l’Université de Toronto cette année, il indique que l’hôte ressort gagnant de cet arrangement, car ces universitaires enseignent à l’occasion ou enrichissent le bassin de recherche de l’université.
Au Royaume-Uni, 33 établissements d’enseignement supérieur adhèrent au réseau. Aux États-Unis, une cinquantaine d’universités et de collèges s’y sont joints, dont certains de grand prestige, comme Harvard, Stanford, l’Université de Californie à Berkeley et l’Université de Chicago, et d’autres de moindre envergure, comme le Collège Monmouth, en Illinois. Les universitaires canadiens, ardents défenseurs des libertés civiles et de la liberté académique, devraient jouer un rôle accru dans la défense de nos collègues à l’étranger.
Seuls les établissements d’enseignement supérieur peuvent se joindre au réseau, mais en tant que particuliers et que membres d’associations, nous pouvons exercer des pressions pour que nos universités et collèges y adhèrent. Je vous invite à sensibiliser votre association de personnel à cet appel et à le porter à l’attention des responsables de votre établissement par l’entremise de vos départements, facultés et organes propres. Il est temps d’exprimer concrètement et de renouveler notre engagement à l’égard de la justice sociale. J’espère que, d’un océan à l’autre, les membres de l’ACPPU se joindront à cette quête et collaboreront avec leurs collègues pour favoriser l’adhésion au programme.