Le corps professoral du Massachusetts Institute of Technology (MIT) a approuvé à l’unanimité le projet de diffusion publique et gratuite des articles savants de ses membres sur Internet.
Selon Bish Sinyal, président de l’association des professeures et professeurs de cet établissement : « Ce vote signale au monde entier que nous nous exprimons d’une seule voix, que nous accordons une grande importance à la libre circulation des idées. »
Aux termes de la nouvelle politique, le corps professoral donne au MIT l’autorisation non exclusive de publier les articles de ses membres par l’entremise d’un service d’archivage institutionnel libre. L’établissement, son personnel enseignant et le grand public pourront consulter ces travaux et les partager à des fins strictement non lucratives, chaque auteure et auteur conservant un droit de refus pour l’un ou l’autre de ses articles.
Heather Morrison, professeure auxiliaire à l’école de bibliothéconomie, d’archivistique et de sciences de l’information de l’Université de la Colombie-Britannique et présidente du groupe de travail canadien sur le libre accès, estime qu’il s’agit d’un point tournant : « Le personnel enseignant prend le contrôle de son travail et peut s’assurer lui-même que ses conclusions de recherche sont lues et utilisées par le plus vaste public possible. »
Mme Morrison perçoit l’origine de cette nouvelle politique dans des changements survenus depuis dix ans dans le domaine des communications savantes.
En effet, la publication dans des revues savantes est l’un des principaux moyens par lesquels les professeures et professeurs peuvent faire connaître leurs conclusions de recherche. Selon le modèle de publication traditionnel du secteur privé, ces personnes cèdent leurs droits d’auteur aux éditeurs, qui revendent ensuite ces travaux aux universités par l’entremise d’abonnements payants. La fusion des éditeurs privés en quelques grandes sociétés a mené à la hausse rapide des frais d’abonnement, hausse qui a amplement dépassé le taux d’inflation.
Selon Mme Morrison, si ce modèle est hautement profitable pour les éditeurs, il est en contradiction avec les valeurs universitaires fondamentales, notamment l’engagement à diffuser le savoir à la plus grande échelle possible.
« Vu le coût élevé des abonnements aux revues, des bibliothèques ont dû limiter le nombre de leurs abonnements de même que leurs achats dans d’autres secteurs de leur collection, explique-t-elle. En réaction à cette situation, les bibliothécaires et le personnel enseignant ont commencé à envisager d’autres moyens de publier les travaux d’érudition. »
Grâce aux nouvelles technologies de l’information numérique, un mouvement pour la liberté d’accès a lentement pris de l’ampleur depuis dix ans, avec la création de cyberrevues et de services d’archivage institutionnel numériques gratuits qui rendent les travaux de recherche universellement accessibles.
Mme Morrison souligne toutefois que le passage du MIT à l’accès libre n’est pas un acte complètement désintéressé.
« La tolérance du public s’épuise à l’égard du modèle traditionnel de publication du secteur privé.
Les Instituts de recherche en santé du Canada, les National Institutes of Health aux États-Unis et tous les organismes subventionnaires du Royaume-Uni se dotent désormais de mandats d’accès libre. La politique du MIT est la première initiative du genre, aux États-Unis, qui soit pilotée par des professeures et professeurs et appliquée à l’échelle d’un éta-blissement. En prenant cette initiative, le personnel enseignant fixe ses propres règles pour la diffusion des travaux de ses membres au lieu qu’elles lui soient imposées. »
La politique signifie également que les articles publiés par le corps professoral du MIT sont susceptibles d’être plus cités que les travaux publiés dans d’autres établissements et soumis aux règles des éditeurs privés.
Pour les universitaires canadiens, la décision du personnel enseignant du MIT représente un modèle envisageable de diffusion de leurs propres travaux. Elle aura également des retombées économiques positives : si un professeur ou un bibliothécaire propose à un étudiant un lien direct vers des articles du MIT, il ne leur est plus nécessaire de fournir des trousses de documentation ou de faire payer des frais de photocopie, ce qui diminue le coût des études.
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L’avis de l’ACPPU sur la propriété intellectuelle relatif à l’accès libre et au droit d’auteur des travaux savants.