Le ministre d’État aux Sciences et à la technologie, Gary Goodyear, a annoncé le 14 octobre la mise sur pied d’un groupe d’experts pour évaluer l’appui du gouvernement fédéral à l’innovation en recherche-développement. [Photo : Brian Gardiner]
Après qu’un
rapport du Conseil des académies canadiennes (CAC) eut mis en évidence le retard persistant des investissements en recherche-développement malgré l’aide gouvernementale de plus de 7 milliards de dollars versée annuellement, le gouvernement fédéral a annoncé la création d’un groupe consultatif de six membres chargé de recommander des façons d’améliorer les investissements des entreprises en R-D au Canada.
Le rapport du CAC publié l’an dernier a constaté également que le volume de ces investissements était relativement faible par rapport aux solides bénéfices affichés par les entreprises, la rentabilité globale des entreprises au Canada ayant été supérieure à celle des États-Unis durant la plupart des années depuis 1961.
« Nous doutons de l’utilité de commander un autre rapport sur un sujet qui a déjà été étudié sous toutes ses coutures », a déclaré le directeur général de l’ACPPU, James Turk.
Selon le rapport du CAC, le fait que le Canada doive recourir à des programmes d’encouragements fiscaux, principalement sous la forme de généreux crédits d’impôts pour la R-D, « fait pratiquement de lui un cas à part » dans le monde.
Pour la seule année 2007, le programme fédéral d’encouragements fiscaux à la recherche scientifique et au développement expérimental représentait un montant total de 3,7 milliards de dollars en déductions fiscales, pendant que la plupart des provinces accordent d’autres crédits d’impôt.
Si le groupe consultatif compte parmi ses membres trois représentants du secteur universitaire, signale M. Turk, l’un d’eux est un recteur d’université qui faisait partie jusqu’à tout récemment d’une coalition préconisant l’élargissement du controversé programme fédéral de crédit d’impôt pour la R-D.
« Nous craignons que ce groupe d’experts ne se contente de recommander que les universités soient associées de plus près au secteur privé », indique-t-il. « Ce qui ne saurait régler le problème et ne manquerait pas de fragiliser la contribution vitale de la recherche universitaire. »
Selon lui, l’approche traditionnellement centrée sur la recherche fondamentale ne présente pas un réel intérêt pour le secteur privé, qui privilégie le court terme et cherche avant tout à maximiser le résultat net.
« De tout temps, ce sont les découvertes en science fondamentale qui ont fait progresser l’innovation et ont donné lieu à la majorité des nouvelles applications d’importance commerciale », précise M. Turk.
« Le gouvernement fédéral met en péril le développement à long terme de la R-D au Canada en n’investissant pas suffisamment dans la recherche fondamentale par la voie de ses trois organismes subventionnaires de recherche — le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et les Instituts de recherche en santé du Canada. »
Le financement de ces organismes a été amputé en 2009 de près de 148 millions de dollars par suite d’un processus d’examen stratégique obligatoire, alors que les modestes augmentations de crédits annoncées en 2010 ne permettaient pas de rattraper l’inflation ni même de compenser de loin les compressions subies précédemment.
« Le recours disproportionné aux crédits d’impôt au Canada contraste énormément avec la stratégie de financement de l’innovation adoptée aux États-Unis où l’on investit effectivement à long terme dans la recherche fondamentale », souligne M. Turk. « C’est pourquoi l’ACPPU demande au gouvernement fédéral d’accroître les fonds de recherche de façon qu’ils correspondent, toutes proportions gardées, à ceux que le gouvernement américain octroie à la recherche fondamentale. »
« En faisant concorder les crédits d’impôt avec les montants dépensés dans d’autres pays tels que les États-Unis, le gouvernement pourrait réunir les fonds nécessaires pour financer la recherche fondamentale essentielle. Une telle mesure serait garante d’un avenir prospère pour le Canada. »
Le Congrès américain a accordé l’an dernier 13 milliards de dollars en fonds nouveaux aux principaux organismes scientifiques américains — les National Institutes of Health et la National Science Foundation. Et le gouvernement Obama a proposé une augmentation supplémentaire de 6 % des budgets de ces deux organismes.