Le recteur par intérim Frederick Lowy [Photo : Université Concordia]
Le départ à mi-mandat de la rectrice de l’Université Concordia, Judith Woodsworth, deux ans seulement après son entrée en fonction, vient s’ajouter à ceux des six autres hauts dirigeants de l’établissement qui ont remis leur démission ces dernières années.
Le conseil d’administration a évoqué des « raisons personnelles » pour justifier la démission de Mme Woodsworth, mais pour beaucoup ce départ soudain semble avoir été dicté par le conseil.
La déclaration de la professeure Lucie Lequin, présidente de l’Association des professeurs de l’Université Concordia (APUC), dans laquelle elle s’est inscrite en faux contre la décision de l’université et l’attitude « arrogante » du conseil, a été largement citée dans les médias.
Dans la tourmente qui s’est ensuivie, le président du conseil Peter Kruyt a refusé de répondre aux questions concernant le départ de Mme Woodsworth, bien qu’il ait mentionné dans un courriel adressé à la communauté universitaire que la rectrice n’avait pas été congédiée pour « détournement de fonds ».
M. Kruyt faisait ainsi référence au scandale des dépenses qui avait éclaboussé Mme Woodsworth l’année précédente, après qu’elle eut révélé devant la Commission des relations du travail du Québec que son mari l’avait accompagnée en voyage officiel aux frais de l’université.
L’APUC a demandé que soit effectuée une vérification indépendante des indemnités de départ et « autres éléments » qui ont été versés ces dernières années à d’anciens membres de la haute direction congédiés ou ayant choisi de démissionner, et qui totalisent plusieurs millions de dollars. Mme Woodsworth a touché plus de 700 000 $ après avoir quitté son poste à Concordia, tandis que l’ancien recteur Claude Lajeunesse, qui a démissionné soudainement en 2007, a reçu plus de un million de dollars.
Outre la vérification externe réclamée, l’APUC a adopté, lors d’une réunion tenue le 17 janvier, une série de motions appelant le président et les vice-présidents du conseil à quitter leurs fonctions et demandant au sénat de former un comité spécial chargé de revoir la structure de gouvernance de l’université.
Le sénat de Concordia a depuis approuvé à l’unanimité la création d’un tel comité et a fait écho à la demande de l’APUC réclamant la démission de M. Kruyt, et une vingtaine de conseils de faculté et de département ont adopté des motions de défiance à l’égard du conseil d’administration.
Le départ de Mme Woodsworth — peu importe qu’il relève d’un choix personnel ou qu’il ait été forcé par le conseil — « n’est pas un événement isolé », écrit Mme Lequin dans une lettre publique adressée à ses collègues. « Il s’inscrit dans une tendance qui a vu le jour ces dernières années et concerne la gouvernance. »
Selon Mme Lequin, l’instabilité au sein de la haute direction a des répercussions directes sur l’enseignement; c’est une question « qui devrait grandement préoccuper chacun des membres du professorat et des bibliothécaires » et dont il faudrait « débattre dans tous les forums liés à l’enseignement au sein de l’université ».
À la fin du mois dernier, le conseil d’administration a nommé Frederick Lowy recteur par intérim. Ce dernier, âgé de 77 ans, a été recteur et vice-chancelier de Concordia de 1995 à 2005.
Quant au président du conseil M. Kruyt, il a refusé de démissionner.