Un projet de loi d’initiative parlementaire est sur le point de devenir une mesure législative historique en matière d’équité au Canada. Déposé en mai 2010 par le député néo-démocrate Bill Siksay, le projet de loi C-389 propose que les membres de la communauté transgenre et transsexuelle soient désormais reconnus comme éventuelles victimes de discrimination méritant d’être protégées au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne et que soit modifié le Code criminel pour que toute infraction motivée par l’identité ou l’expression sexuelles de la victime soit désignée crime haineux. Un débat et la troisième lecture du projet de loi sont attendus en février ou en mars, mais si des élections sont déclenchées au printemps, il mourra probablement au feuilleton.
Ce projet de loi n’a que trop tardé. Il est grand temps que soient reconnues la discrimination et la violence auxquelles sont confrontées les personnes transgenres, dont l’identité sexuelle oblige une société dominante à voir au-delà d’une vision étroite, définie par un monde où seulement deux sexes et deux genres existent. Des enquêtes menées auprès de personnes transsexuelles et de transgenres au Canada et aux États-Unis révèlent qu’un grand nombre de répondants ont été victimes de harcèlement, d’intimidation et d’agression et ont souffert de discrimination dans la recherche d’un logement et d’un emploi.
Une étude effectuée récemment auprès d’élèves canadiens du secondaire par Égale Canada montre que 75 % des élèves lesbiennes, homosexuels ou bisexuels ne se sentent pas en sécurité à au moins un endroit dans leur école et qu’il en est de même pour 87 % des élèves transgenres. Neuf élèves transgenres sur dix ont signalé avoir été harcelés, et ce, physiquement dans le cas de presque deux élèves sur cinq.
D’après ce qu’ont affirmé les élèves, dans bon nombre des incidents survenus à l’école, le personnel n’est pas intervenu. Chose peu étonnante, les effets du harcèlement sont réellement dommageables. Les victimes déclarent ne pas assister à leurs cours, avoir peur et souffrir de dépression, d’isolement et d’aliénation. Un certain nombre de suicides d’élèves répertoriés récemment au Canada et aux États-Unis seraient attribuables à l’intimidation homophobe.
L’enquête Campus Pride 2010 National College Climate Survey reprend les conclusions de l’étude menée par Égale Canada en exposant comment les milieux postsecondaires aux États-Unis offrent souvent très peu de soutien ou sont carrément hostiles à l’égard des lesbiennes, des gais, des bisexuels, des transgenres et des personnes qui se questionnent au sein de la population étudiante et des membres du personnel académique et de soutien. Cela est particulièrement vrai pour les personnes transgenres et celles dont l’identité est entrecroisée et marginalisée. Récemment, l’Université St. Thomas, à Fredericton, a suscité des protestations lorsqu’il a été révélé qu’un étudiant transgenre avait été agressé au moment d’entrer dans les toilettes des femmes.
Nos syndicats et associations devraient appuyer publiquement le projet de loi C-389. Cette mesure législative fédérale est importante non seulement parce qu’elle élargit les recours légaux en cas de discrimination et assure la protection des droits, mais aussi parce qu’elle met en lumière des enjeux ayant rare-ment fait l’objet d’un débat public. Le projet de loi C-389 fait comprendre que le harcèlement et la discrimination fondés sur l’identité et l’expression sexuelles sont des réalités sociales importantes auxquelles nous devons nous attaquer.
Les lois, cependant, ne peuvent pas à elles seules enrayer l’hostilité, la désinformation, la transphobie et l’homophobie. Que le projet de loi C-389 soit adopté ou non, le personnel académique doit intervenir pour faire cesser la discrimination et l’injustice à l’égard des membres de la communauté LGBTA, que ce soit des étudiantes et étudiants ou des membres du personnel et de nos syndicats. Les associations de personnel académique ont l’obligation morale et légale de promouvoir et de protéger les droits de tous leurs membres.
Nos conventions collectives constituent notre principal bouclier. Certaines conventions collectives aux paliers universitaire et collégial comportent déjà un libellé qui traite de l’identité sexuelle et des partenaires de même sexe. Ce dernier devrait être examiné et, le cas échéant, modifié pour inclure l’identité et l’expression sexuelles. L’ajout de ces dernières à des dispositions de non-discrimination constituerait une première étape. Dans certaines conventions progressistes qui intègrent la dimension d’identité sexuelle, telles que celle de l’association du personnel académique de l’Université Queen’s, les « groupes qui revendiquent l’équité » englobent non seulement les quatre groupes désignés (soit les femmes, les minorités visibles, les Autochtones et les personnes ayant un handicap), mais aussi les personnes d’orientation non hétérosexuelle ou transgenres.
Les avantages sociaux sont aussi une source de préoccupation. Les membres du personnel académique qui entament les procédures de changement de sexe peuvent avoir besoin d’aide en ce qui concerne l’accessibilité aux actes médicaux et l’octroi d’un congé pour le temps du traitement. Quelques syndicats ont négocié un congé pour la transition transsexuelle ainsi que des fonds spéciaux ou des avantages sociaux complémentaires.
L’utilisation d’un langage plus inclusif est un autre moyen de faire place à la diversité. L’ajout de désignations autres que le choix habituel entre homme ou femme devrait être permis dans les documents et les formulaires officiels; de même, des procédures administratives qui reconnaissent officiellement les changements d’identité sexuelle doivent être accessibles. Défendre les droits de nos membres consiste notamment à nous assurer que notre employeur respecte son obligation d’offrir un lieu de travail sans harcèlement. Les incidents discriminatoires et les préjugés doivent être traités rapidement et adéquatement. Il s’agit, entre autres, d’une question de sensibilisation. Dans certains établissements, y compris le mien, une formation sur les « milieux positifs » a rendu les lieux plus accueillants pour tout le monde.
Au-delà de nos conventions collectives, nous avons besoin de sensibiliser les gens au contexte d’apprentissage et à l’expérience du personnel académique et des étudiants LGBTA. J’ai récemment participé à un atelier parrainé conjointement par le conseil des personnes allosexuelles et le comité des projets communautaires de l’association du personnel académique de l’Université York. L’atelier avait pour but de faire mieux connaître le système d’éducation comme milieu très difficile pour les personnes autres qu’hétérosexuelles. Étudiants, élèves et personnel enseignant des niveaux secondaire et postsecondaire de la région de Toronto y ont décrit les obstacles institutionnels à l’accès et à la participation et ont montré de quelles manières les programmes d’études et les politiques pourraient prévoir des mesures non discriminatoires.
La présence de dirigeants d’association de personnel académique à cet atelier a montré que notre syndicat est déterminé à promouvoir les droits de ses membres et à poursuivre la quête d’inclusion.