Manifestation contre les poursuites-bâillons devant le palais de justice de Montréal, le 12 juin 2008. (Jacques Nadeau)
Un règlement à l’amiable est intervenu dans le litige opposant Barrick Gold Corporation et l’éditeur et les auteurs de
Noir Canada à propos du livre critiquant les agissements de certaines sociétés minières canadiennes en Afrique.
Au début de cette année, la Cour supérieure du Québec avait ordonné à Barrick de verser une provision de 143 000 $ aux trois auteurs de la publication et à leur éditeur, les Éditions Écosociété, pour leur permettre de préparer leur défense dans une poursuite-bâillon (poursuite stratégique contre la mobilisation publique) « en apparence abusive ».
La société aurifère avait fait part de son intention d’en appeler de la décision de la cour tout en poursuivant l’action en diffamation de 6 millions de dollars intentée contre le groupe en 2008.
Mais dans un
communiqué commun publié le 18 octobre, les parties ont annoncé être parvenues à un règlement prévoyant le versement de dommages-intérêts importants et la cessation de la publication du livre.
« Nous avons conclu une entente dans le seul but de mettre fin à une lutte judiciaire qui aura duré trois ans et demi », a déclaré Alain Deneault, l’un des auteurs de
Noir Canada. « Ainsi, nous pouvons maintenant reprendre notre débat dans la sphère publique plutôt que devant les tribunaux. »
Les auteurs persistent à dire que le livre mérite d’être publié et réclament la création d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur les rapports entre les sociétés minières canadiennes, les conflits armés et les acteurs politiques en Afrique.
« Nous ne sommes pas des experts juridiques », indique M. Deneault, « mais nous croyons savoir qu’il existe un certain nombre d’allégations documentées au sujet des activités menées dans ces régions, de même qu’une large présence de sociétés minières transnationales, et que ces allégations nécessitent une enquête. »
Le professeur de droit Pierre Noreau de l’Université de Montréal et 14 autres universitaires et auteurs renommés du Québec ont publié, le 19 octobre dans Le Devoir, une lettre ouverte soulignant que le règlement intervenu « démontre qu’il s’agissait bel et bien depuis le début d’une poursuite visant non pas à réfuter mais à bâillonner les auteurs et à faire taire leurs interrogations légitimes ».
Le règlement permet ainsi à Barrick d’empêcher que des éléments de preuve susceptibles de ternir son image soient mis au jour devant les tribunaux.
Les auteurs, de leur côté, cherchaient « désespérément à s’extirper d’un carcan juridique insupportable », peut-on lire dans la lettre.
M. Deneault s’attache à présent à faire la promotion de son plus récent ouvrage publié en anglais,
Imperial Canada Inc.: Legal Haven of Choice for the World’s Mining Industries, qui se trouve lui aussi sous le coup d’une menace de poursuite judiciaire de la part de Barrick.