L'annonce par le gouvernement fédéral de la mise en place d’un nouveau processus de sélection des candidats au prochain concours du Programme des chaires d’excellence en recherche du Canada (CERC) a provoqué l’irritation du milieu de la recherche universitaire.
Le comité de sélection de 2012, placé sous la direction de la rectrice d’une université américaine et d’un dirigeant d’entreprise, ancien chef de cabinet de Brian Mulroney, sera chargé de distribuer 53,5 millions de dollars de plus sur cinq ans à dix nouveaux titulaires de chaire. À titre de comparaison, les trois organismes subventionnaires fédéraux, soit le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et les Instituts de recherche en santé du Canada, n’ont reçu que 37 millions de dollars en fonds nouveaux l’an dernier pour appuyer financièrement plus de 30 000 chercheurs universitaires. Au moins six des chaires seront attribuées dans les quatre domaines de recherche prioritaires énoncés dans la stratégie des sciences et de la technologie du gouvernement fédéral.
Le 12 janvier dernier, le ministre d’État (Sciences et Technologie), Gary Goodyear, a annoncé que Shirley Tilghman, rectrice de l’Université Princeton, coprésidera le comité de sélection du concours 2012 des CERC et que Derek H. Burney en assumera la présidence encore cette année. Ce dernier est actuellement conseiller stratégique principal chez Norton Rose OR LLP, pratique juridique d’envergure internationale engagée principalement dans les opérations sur marchandises dans des secteurs tels que l’exploitation minière et les produits pharmaceutiques.
« Les universités canadiennes ne manquent pourtant pas de sommités aptes à assurer la direction du processus de sélection », fait remarquer le directeur général de l’ACPPU, James Turk.
Le gouvernement fédéral, ajoute-t-il, manifeste un mépris total envers les chercheurs des universités canadiennes depuis la création du programme en 2008. Aucun des 15 membres du comité de sélection formé pour l’attribution des premières chaires annoncées en 2010, ni aucun des 36 membres du comité d’évaluation de la phase 1 du concours, ni aucun des 13 membres du comité d’évaluation de la phase 2 n’enseignaient dans une université canadienne.
Qui plus est, à l’issue de cette première édition du concours, aucune chaire n’a été conférée à un chercheur en poste au Canada. Et les 18 lauréats étaient tous des hommes, ce qui est venu confirmer davantage l’iniquité entre les sexes dénoncée dans l’attribution des chaires de recherche.
Le programme des CERC est critiqué parce qu’il impose de nouveaux frais aux établissements et qu’il détourne en quelque sorte leurs ressources financières internes. De plus, il exige que les universités hôtes garantissent un financement de contrepartie égal tout au long de la durée de la chaire (ce qui exclut les sommes provenant des trois conseils subventionnaires et de la Fondation canadienne pour l’innovation).
« Investir massivement dans les travaux de dix chercheurs au moment où s’amenuise le financement en dollars réels alloué à tous les autres n’est certainement pas la voie à suivre », estime M. Turk.
« La science prospérera dans notre pays lorsque les universités et les collèges recevront un financement adéquat, que les fonds publics investis dans la recherche fondamentale par l’entremise des trois organismes subventionnaires suffiront à financer dans toutes les disciplines des projets dont la validité scientifique est reconnue, et que les priorités de financement seront fondées sur le jugement de la communauté scientifique et non pas sur les décisions politiques du gouvernement fédéral. »