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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

mars 2012

L’ACPPU conteste une entente conclue entre l’Université York et un groupe de réflexion privé

L'Université York a récemment conclu avec le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, dirigé par Jim Balsillie, une entente de plusieurs millions de dollars qui donne à ce groupe de réflexion de Waterloo voix au chapitre des domaines et plans de recherche et de l'embauche des candidats. [theonlysilentbob/wikimedia]
L'Université York a récemment conclu avec le Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, dirigé par Jim Balsillie, une entente de plusieurs millions de dollars qui donne à ce groupe de réflexion de Waterloo voix au chapitre des domaines et plans de recherche et de l'embauche des candidats. [theonlysilentbob/wikimedia]
Préoccupé par la question de la renon­ci­ation à l’intégrité académique par les universités, le Comité de la liberté aca­démique et de la permanence de l’emploi de l’ACPPU a recommandé au Conseil de l’ACPPU d’engager, à sa réunion d’avril, la procédure de sanction contre les administrations de l’Université York, de l’Université Wilfrid-Laurier et de l’Université de Waterloo.

« C’est à York que la situation est la plus grave », a déclaré Len Findlay, président du Comité. « Le problème vient d’une entente conclue entre l’Université et un groupe de réflexion privé d’un donateur, en vertu de laquelle l’Université accorde à ce partenaire des pouvoirs inégalés relativement à des questions d’ordre strictement académique. »

L’entente signée en août 2011 par York et le Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI), groupe dirigé par Jim Balsillie, ancien coprésident-directeur général de Research in Motion, vise la création d’un programme de droit international à l’école de droit Osgoode Hall de York, dans lequel dix nouvelles chaires seront financées conjointement par le gouvernement ontarien, l’Université et M. Balsillie, par l’entremise du CIGI.

Selon l’entente, l’administration du programme sera confiée à un comité directeur composé de deux membres votants recrutés parmi l’effectif de l’Université et de deux membres votants issus du CIGI. Le comité a le mandat de définir les domaines de recherche des chaires et d’établir les modalités financières et les attentes pour chacune d’elles, y compris les plans de recherche. Il est également chargé de dresser une liste re­streinte de candidats parmi lesquels l’Université devra engager son personnel.

« Non seulement le CIGI peut-il participer à la prise de décisions sur toutes ces questions académiques, mais il détient aussi un droit de veto dans chaque cas », a soutenu M. Findlay. « Cela constitue une violation fondamentale du principe de l’intégrité académique par l’administration de l’Université, peut-être la plus grave commise par une université canadienne. »

Il estime qu’un groupe de réflexion ou une fondation d’un donateur ne devrait pas avoir voix au chapitre dans les décisions que doit prendre une université dans pareils domaines.

Il appert que le corps professoral de l’école de droit Osgoode Hall a avalisé l’entente après avoir tenté, pendant plusieurs mois, d’en faire retirer les dispositions condam­nables, mais sans succès. En février, l’administration de York a décidé d’offrir le programme à d’autres facultés plutôt qu’à la faculté de droit.

Sous la pression grandissante de l’opinion publique, York et le CIGI ont adopté un ensemble de protocoles, dont le dernier en date affirme la seule autorité de l’Université dans la désignation des candidats reçus en entrevue. Il n’est plus question ici que le CIGI détienne un droit de veto à cet égard. Ce protocole prescrit également qu’en cas de désaccord entre les représentants du CIGI au sein du comité de direction et ceux de l’Université, un groupe de cher­cheurs externes indépendants soit saisi de la question et ait le der­nier mot sur le choix des candidatures que l’Université peut considérer. En revanche, en ce qui a trait aux chaires, le CIGI conserve son droit de veto sur la sélection des domaines de recherche ainsi que sur la définition des attentes et des plans en matière de recherche.

Par ailleurs, le Comité de la liberté académique et de la permanence de l’emploi de l’ACPPU se penche également sur la structure de gouvernance de la Balsillie School of International Affairs (BSIA), qui est partenaire de l’Université Wilfrid-Laurier et de l’Université de Waterloo. Bénéficiaire d’un don de 33 millions de dollars de M. Balsillie, la BSIA offre des programmes d’études supérieures en gouvernance et po­litique internationales aux deux universités.

Selon la structure de gouvernance en place, la BSIA est dirigée par un conseil formé de deux représentants de chaque université et du CIGI. Ce conseil est habilité à nommer le directeur de la BSIA et à sélection­ner les programmes qui sont offerts aux deux universités, détient le pouvoir ultime concernant le budget et le fonctionnement de la BSIA et détermine son orientation stratégi­que en mati­ère de recherche. Cha­cu­ne de ses décisions doit être approuvée par au moins un des deux représentants du CIGI.

« Toutes ces responsabilités devraient être l’apanage des universités », a affirmé M. Findlay. « Nous créons un précédent très dangereux en attribuant aux organismes donateurs privés un rôle, et pis encore, un droit de veto, dans les affaires académiques. »

Le directeur général de l’ACPPU, James Turk, dit espérer que les préoccupations exprimées par le Comité de la liberté académique et la permanence de l’emploi amèneront les universités à revoir leurs ententes afin de préserver l’intégrité académique.