L'accès aux conclusions des travaux d’érudition et des recherches du personnel académique est plus que jamais compromis par la multiplication des coûteuses revues savantes publiées par des éditeurs commerciaux. La plupart des bibliothèques n’ont plus les budgets nécessaires pour conserver et entretenir d’importantes collections de revues. Par conséquent, le savoir devient de moins en moins accessible, le milieu académique cédant aux sirènes des intérêts commerciaux.
La communauté universitaire a contribué à ce déclin en troquant volontiers ses droits d’auteur contre la publication de ses articles. Avec le temps, les éditeurs ont acquis une influence énorme sur le mode de diffusion des travaux académiques. Ils ont généralement choisi un modèle d’affaires axé sur la revente des articles, contre des espèces sonnantes et trébuchantes, à quiconque profite de l’accès aux travaux.
Nous avons également facilité la tâche aux éditeurs privés commerciaux en mettant à leur disposition des comités de lecture bénévoles qui se sont acquittés de bonne grâce de l’évaluation par les pairs d’articles et autres travaux d’érudition, assurant ainsi aux revues une réputation de grande qualité et de crédibilité sans faille.
L’ACPPU a défini clairement sa position sur le sujet dans son énoncé de principes sur les communications savantes, adopté dans sa forme originale en 2004. Les communications savantes sont un bien public qui ne devrait pas être restreint par des intérêts commerciaux ou privés, ou par des politiques institutionnelles. Toute restriction imposée à la diffusion ou à l’analyse des travaux de recherche scientifique menace inévitablement la liberté académique et dessert l’intérêt public.
L’ACPPU exhorte depuis longtemps les universitaires à conserver leur droit d’auteur et le contrôle sur leurs travaux, et à examiner attentivement les contrats d’édition qui requièrent leur cession à l’éditeur. Cela est indispensable pour assurer la diffusion la plus large possible, en libre accès, des travaux d’érudition. L’ACPPU incite également les membres du personnel académique à prendre l’initiative de mettre sur pied et d’appuyer des tribunes non commerciales fiables, comme les revues à libre accès ou les dépôts institutionnels ouverts, qui permettraient l’évaluation par les pairs et la diffusion des résultats des travaux d’érudition et de recherche.
Un pas important a été fait dans cette direction avec le lancement, il y a plus de dix ans, de l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert par l’Institut pour la Société Ouverte. L’Initiative a produit un énoncé de principe, de stratégie et d’engagement, et s’est fixé comme objectif d’assurer la mise à disposition gratuite sur Internet des travaux d’érudition et de recherche des universitaires de toutes les disciplines.
L’énoncé comporte en introduction la déclaration suivante : « Une tradition ancienne et une technologie nouvelle ont convergé pour rendre possible un bienfait public sans précédent. » Cette déclaration renvoie à la volonté immémoriale des universitaires de publier les fruits de leur recherche simplement pour l’avancement des connaissances et aux possibilités apparemment illimitées d’Internet pour offrir un accès gratuit et sans restriction à leurs travaux.
Il existe aujourd’hui deux voies généralement acceptées pour réaliser l’accès libre. La « voie dorée » s’applique à la publication d’articles dans de nouvelles revues avec comité de lecture, accessibles gratuitement au lecteur. Complémentaire, la « voie verte » prévoit que les auteurs continuent de publier des articles dans des revues de leur choix, mais les oblige à en verser un exemplaire dans un dépôt ou une base de données quelconques conçus pour donner au public un accès rapide et libre aux travaux d’érudition.
Depuis le début de l’Initiative de Budapest, les idées qui y sont préconisées ont fait du chemin sur la scène internationale. L’Europe, l’Australie et les États-Unis ont été les principaux pays à appuyer l’Initiative en mettant en oeuvre des politiques publiques, des mesures de soutien à l’infrastructure et des programmes divers. C’est surtout la « voie verte » qui a été retenue, c’est-à-dire la création d’archives nationales et institutionnelles.
Les progrès ont été beaucoup plus lents au Canada. Un certain nombre d’organismes de recherche, essentiellement dans le secteur de la santé, se sont dotés de politiques de libre accès. Ils rejoignent en grande partie les Instituts de recherche en santé du Canada, qui exigent que les bénéficiaires d’une subvention fassent « tous les efforts possibles pour assurer un libre accès à leurs résultats dans une revue critiquée par les pairs ». Cependant, la plupart des grands centres universitaires de recherche canadiens, tout en ayant mis sur pied des dépôts institutionnels, encouragent seulement les auteurs à y archiver leurs travaux. Seule l’Université Concordia en fait une obligation. Par ailleurs, à l’heure actuelle, il n’existe aucun programme national financé faisant la promotion du libre accès.
La généralisation du libre accès se heurte à une certaine opposition. Sans surprise, les grandes entreprises d’édition à but lucratif soutiennent que le libre accès nuit à leurs modèles d’affaires. D’autres sociétés scientifiques, plus petites et spécialisées, s’inquiètent de perdre des membres si elles ne peuvent plus leur offrir un privilège d’accès gratuit à leurs revues. Il faut repenser le financement de l’édition si on veut mettre au point un modèle de libre accès qui réponde à l’éventail de ces préoccupations.
Pour que le libre accès s’impose vraiment, il importe également d’éclaircir des points particuliers. Par exemple, un auteur devrait-il être tenu, pour obtenir du financement, de verser une communication publiée dans un dépôt national ou institutionnel? Il incombe actuellement à l’auteur de négocier avec l’éditeur le droit de conserver le droit d’auteur, ou du moins la permission de verser un exemplaire de la communication dans un dépôt. À ce jour, les résultats ne sont guère encourageants.
On semble entrevoir une lueur d’espoir à l’échelle nationale. Les trois conseils subventionnaires fédéraux ont fait savoir qu’ils entendaient présenter, d’ici janvier 2014, une politique nationale relativement à la mise en place d’un modèle uniforme de libre accès à tous les résultats de travaux d’érudition et de recherche financés par l’État au Canada. Nous ne connaissons pas encore les détails de cette proposition. Il appert toutefois que la « voie verte » est privilégiée.
L’ACPPU se réjouit des avancées réalisées vers l’établissement d’un projet national de libre accès dont l’apparent caractère général et progressiste reflète ses principes et ses valeurs fondamentales en matière d’accessibilité aux communications savantes.