Une enquête indépendante sur la saisie des dossiers de recherche de deux professeurs de l’Université d’Ottawa par l’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa et par l’Hôpital Royal Ottawa a conclu que l’intervention était injustifiée, qu’elle soulevait des préoccupations en matière d’éthique de la recherche et qu’elle pouvait porter atteinte à la vie privée des sujets des recherches.
Dans son
rapport rendu public le 28 mars, le comité d’enquête a indiqué que « la saisie de dossiers de recherche est une mesure grave que seules des circonstances extrêmes peuvent justifier, lorsque toutes les options raisonnables ont été épuisées ».
Au début de 2005, des dirigeants de l’Hôpital Royal Ottawa et de l’Institut de recherche en santé mentale ont confisqué, sans préavis, des documents de recherche, des dossiers cliniques, des fichiers informatiques et des documents personnels se rapportant aux travaux effectués par Anne Duffy et Paul Grof qui, à cette époque, enseignaient la psychiatrie à l’Université d’Ottawa. Le motif allégué? Des personnes qui s’étaient portées volontaires pour participer aux études longitudinales des deux professeurs visant à élucider la présence de facteurs génétiques dans le trouble bipolaire n’auraient pas signé les formulaires de consentement officiels.
Le comité d’enquête souligne qu’« il est très improbable que les sujets de l’une ou l’autre des recherches effectuées par Anne Duffy n’aient pas donné officiellement leur consentement » et que « même si l’on avait constaté l’absence de formulaires de consentement dans les dossiers de recherche, il aurait suffi de simplement rectifier la situation ».
Selon le comité, la saisie des dossiers de recherche, soi-disant en raison de l’absence des formulaires obligatoires de consentement éclairé et dans l’optique du respect des normes d’éthique de la recherche, constituait un manquement à la responsabilité institutionnelle. Il explique que, dans des études de ce genre, les formulaires ont pour but de protéger la vie privée des sujets et la confidentialité de l’information versée aux dossiers.
Les enquêteurs attribuent la saisie à des tensions constantes entre des dirigeants à l’Institut de recherche en santé mentale et au département de psychiatrie de l’Université d’Ottawa et les professeurs Duffy et Grof. Ils estiment en outre que l’on a confondu le consentement éclairé qui vise à protéger la vie privée et la confidentialité des données avec le consentement éclairé obtenu en reconnaissance des préjudices que pourrait causer la recherche.
Les enquêteurs font remarquer que lorsque le consentement éclairé a pour objet d’assurer que les chercheurs protègent la confidentialité de renseignements sensibles sur la santé, une saisie comme celle qui s’est produite semble aller à l’encontre même de la finalité du consentement éclairé.
Pour éviter qu’une telle situation se reproduise, le comité d’enquête recommande notamment de préciser la propriété des dossiers de recherche, en partant du principe que les dossiers sont la propriété des chercheurs et non des établissements; d’indiquer clairement, à la signature d’un formulaire de consentement éclairé dans le cadre d’un projet de recherche, si l’intention est de protéger le sujet contre des préjudices possibles, ou de protéger sa vie privée et la confidentialité de l’information communiquée aux chercheurs; de clarifier la responsabilité des établissements face aux mesures à prendre pour garantir que les chercheurs se conforment aux normes d’éthique de la recherche; et d’adopter des lignes directrices établissant explicitement que la saisie des dossiers de recherche est « un dernier recours, une action inéluctable quand le bien-être des sujets de recherche est en danger, et que ce danger est grave et immédiat ».
Le comité a été mandaté par l’ACPPU, dont il était indépendant. Son président, Trudo Lemmens, titulaire de la chaire dotée William-M.-Scholl en droit et politique de la santé à la Faculté de droit de l’Université de Toronto où il est également professeur à la Faculté de médecine, était secondé par Thomas A. Ban, professeur émérite de psychiatrie à l’Université Vanderbilt à Nashville, au Tennessee, ainsi que par Louis C. Charland, professeur au département de philosophie de l’Université Western où il détient aussi des charges d’enseignement à la Faculté des sciences de la santé et au département de psychiatrie de la Faculté de médecine et de dentisterie.