Les étudiants et le personnel académique de l'Université Mount Royal se sont rassemblés à l'extérieur du bureau de comté d'Alison Redford pour protester contre les compressions dans l'enseignement postsecondaire prévues dans le budget provincial du printemps. [Ted Rhodes/Calgary Herald]
La rentrée dans les universités et les collèges albertains s’est faite ce mois-ci sous un ciel assombri par les compressions budgétaires décrétées par le gouvernement provincial et par les préoccupations grandissantes du personnel et des étudiants quant aux intentions du gouvernement à l’égard du secteur de l’enseignement postsecondaire.
En mars dernier, le gouvernement progressiste-conservateur d’Alison Redford a provoqué de vifs remous dans les campus en amputant de 147 millions de dollars les budgets des établissements postsecondaires, reniant ainsi son engagement d’augmenter de 2 % le financement universitaire et collégial.
Cette décision a forcé des établissements, dont le nombre n’a cessé de croître ces dernières semaines, à annoncer des réductions de personnel, des diminutions dans les admissions et l’abolition de programmes.
« Comme cataclysme, on ne fait pas mieux », a déclaré Rob Sutherland, président de la CAFA, la confédération des associations de professeurs d’université de l’Alberta. « Alors que les universités avaient intégré une augmentation de 2 % dans leur budget, elles font aujourd’hui face à une diminution de près de 9 % du financement promis. C’est un recul sans précédent pour l’éducation postsecondaire en Alberta. »
À l’Université de l’Alberta, la faculté des arts a annoncé en août qu’elle abolirait 20 programmes. Quant à la faculté des sciences, elle réduira de 600 le nombre des admissions au cours des deux prochaines années. Plus tôt cette année, l’Université de Calgary a, elle aussi, indiqué qu’elle admettrait 200 étudiants de moins en arts, 30 de moins en sciences infirmières et 15 de moins en médecine. Pour sa part, l’Université Mount Royal met huit programmes au rancart et envisage d’éliminer 600 places.
« Il semble que plus de cours affichent complet plus rapidement qu’auparavant », a affirmé au Calgary Herald Gerry Cross, président de l’association du personnel académique de l’Université Mount Royal. « Les étudiants auront plus de difficulté à obtenir les cours choisis; dans certains cas, ils devront peut-être attendre un trimestre ou deux. C’est un exemple des conséquences qu’ils vont subir immédiatement. »
Les collèges et les instituts de la province font aussi des pieds et des mains pour composer avec un financement réduit. Le Collège Lakeland à Vermillion annule six programmes et le Collège Norquest basé à Edmonton sabre 500 places et réduit son personnel à trois campus satellites dans la province.
« À ce jour, les effets des compressions se sont fait sentir dans les salles de cours, les ateliers et les laboratoires. Le nombre d’étudiants par classe augmente, des cours sont annulés, des programmes sont supprimés, les frais d’utilisation sont à la hausse et il y a moins de moniteurs », a commenté Doug Short, président de l’association du personnel académique des collèges et instituts de l’Alberta. « Les sociétés avancées consacrent une grande part de leurs ressources à l’éducation, un secteur d’une importance fondamentale dans une économie du savoir. »
Non content de s’attaquer au financement des universités et des collèges, le gouvernement albertain a également dévoilé des initiatives controversées qui lui donneront une plus grande voix au chapitre dans les activités et les priorités de ces établissements. Peu après la présentation du budget en mars dernier, le ministre de l’Éducation supérieure Thomas Lukaszuk a envoyé des « lettres d’attentes » presque identiques aux 26 établissements d’enseignement postsecondaire publics de la province. Le ministre enjoignait aux établissements d’axer la recherche sur des intérêts commerciaux, de définir de nouvelles mesures de reddition de comptes et de dégager des « gains d’efficience » et des économies, notamment par le gel des salaires.
Le ministre exigeait également des établissements qu’ils adhèrent au modèle Campus Alberta du gouvernement, un plan centralisé qui, à son dire, permettrait de rationaliser les programmes d’études à l’échelle provinciale en éliminant les chevauchements, en prônant l’augmentation des possibilités de transfert des étudiants et en encourageant un maillage plus étroit avec les employeurs.
Devant le tollé suscité par ses lettres, le ministre a d’abord semblé revenir sur ses déclarations antérieures selon lesquelles les attentes exposées dans les lettres « n’étaient pas négociables ». Il affirmait plutôt que les mandats n’étaient que des ébauches destinées à préparer le terrain en vue de discussions plus officielles qui auraient lieu à l’automne.
La tenue de consultations ne rassure en rien plusieurs personnes, qui s’inquiètent de ce que les lettres sont simplement le reflet de la volonté du gouvernement de jouer un rôle plus direct dans l’établissement des priorités en matière d’enseignement et de recherche en obligeant les établissements à respecter les objectifs prédéterminés par le ministre.
« Personne ne conteste la nécessité d’améliorer l’efficacité du système d’enseignement postsecondaire et de tirer profit des synergies possibles », de déclarer le président de la CAFA, M. Sutherland. « Mais le modèle Campus Alberta proposé par le gouvernement, qui vise d’abord et avant tout à promouvoir ses propres intérêts, est une attaque en règle contre l’indépendance et l’intégrité de nos établissements d’enseignement. »
En réponse à ses détracteurs, le ministre Lukaszuk a déclaré n’avoir pas l’intention de « microgérer » les universités et les collèges. Cela ne l’a pas empêché de déroger aux pratiques établies en confiant le mois dernier à une équipe de consultants externes le mandat d’examiner le budget triennal proposé par l’Université de l’Alberta, y compris son déficit de 70 millions de dollars, question de s’assurer de la « viabilité financière de l’université ».
Les universitaires sont également loin d’adhérer à la focalisation de la recherche par le gouvernement, pour reprendre leur expression, qui est véhiculée dans les lettres d’attentes et qui s’exprime par l’alignement de la recherche universitaire sur les besoins du secteur privé.
« La recherche universitaire n’est pas, et ne devrait pas être, menée à la seule fin de générer des avantages économiques à court terme », prévient M. Sutherland. « Il est malavisé de donner la priorité, comme le fait le gouvernement, à la commercialisation de la recherche et à la recherche appliquée dans quelques secteurs bien définis au détriment de la recherche fondamentale. »