Dans leur empressement à conclure des accords de collaboration au titre de la recherche et de programmes universitaires avec le secteur privé et des fondations donatrices, des universités compromettent leur intégrité académique, avertit l’ACPPU dans un important rapport publié le 20 novembre dernier.
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Ouvertes au monde des affaires, le rapport se penche sur une douzaine d’accords de collaboration en matière de recherche et de programmes qui ont été conclus entre des universités, des entreprises, des donateurs et des gouvernements, et évalue dans quelle mesure les universités y ont protégé leur intégrité académique et les principes académiques fondamentaux qui constituent leur essence même.
« Les constatations du rapport devraient sonner l’alarme sur les campus d’un bout à l’autre du pays », a déclaré James Turk, directeur général de l’ACPPU. « Dans la majorité des accords examinés, les universités ont donné leur aval à des conditions qui violent les valeurs académiques fondamentales. »
Selon M. Turk, sept des douze accords ne prévoient aucune protection particulière de la liberté académique, et un seul exige la divulgation des conflits d’intérêts. Seulement cinq des accords confèrent au personnel académique le droit absolu de publier les résultats de leurs recherches, et dans la moitié des accords seulement, l’université conserve la main-mise sur les affaires académiques qui touchent le corps professoral et les étudiants.
« Les universités ont laissé les coudées franches aux donateurs et aux partenaires du secteur privé, qui se sont approprié des rôles appartenant traditionnellement au personnel académique », a poursuivi M. Turk. « Elles ont signé des accords qui contournent les processus décisionnels classiques des universités et compromettent la liberté académique. »
En conclusion, le rapport présente une liste de grands principes directeurs pour la coopération universitaire visant à mieux protéger l’intégrité des établissements d’enseignement et l’intérêt public.
« Les collaborations peuvent être bénéfiques pour le corps professoral, les étudiants, les établissements d’enseignement et le public si elles sont établies dans les règles de l’art », a ajouté M. Turk. « Les universités se doivent, dans l’intérêt de la communauté universitaire et du public, d’adopter des pratiques aptes à protéger l’autonomie et l’intégrité de l’enseignement et de la recherche. »
Les collaborations au titre de la recherche et de programmes universitaires analysées dans le rapport sont les suivantes : Alberta Ingenuity Centre for In-Situ Energy (Université de Calgary, gouvernement de l’Alberta et cinq sociétés énergétiques), Centre for Oil Sands Innovation (Université de l’Alberta, L’Impériale et Alberta Innovates), Consortium for Heavy Oil Research by University Scientists (Université de Calgary et quatre sociétés énergétiques), Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (treize universités québécoises, neuf instituts de recherche et cinquante-deux entreprises), Enbridge Centre for Corporate Sustainability (Université de Calgary et Enbridge), Mineral Deposit Research Unit (Université de la C.-B. et le secteur minier), Vancouver Prostate Centre (Université de la C.-B., Pfizer et la BC Cancer Agency), Balsillie School of International Affairs (Université de Waterloo, Université Wilfrid-Laurier et le CIGI), Munk School of Global Affairs (Université de Toronto, Peter and Melanie Munk Charitable Foundation et le gouvernement de l’Ontario), Partenariat : Institut universitaire de technologie de l’Ontario/Collège Durham/Ontario Power Generation, Partenariat : Université de Toronto/Pierre Lassonde/Goldcorp Inc., et Partenariat : Université Western/ Cassels Brock & Blackwell LLP.
M. Turk observe que l’analyse des accords et la production du rapport ont nécessité près de trois ans de travail acharné en raison de l’accès difficile aux documents d’habilitation, confidentiels pour la plupart. Pour les obtenir, il a fallu présenter des demandes d’accès à l’information en vertu des lois applicables. M. Turk précise que l’ACPPU a dû exclure du rapport d’autres accords, faute d’avoir reçu les documents à temps, mais qu’étant donné leur nombre, elle publiera un deuxième rapport dans les prochains mois.
« Nous visons à ce que, pour tous leurs projets de collaboration, les universités mettent en place un processus de négociation ouvert et transparent, et prennent des dispositions qui protègent les fondements mêmes de la réputation et de la crédibilité auprès du public des établissements d’enseignement, à savoir la liberté académique, le droit absolu de publier les résultats de la recherche, l’attribution de fonds à des projets de recherche à la suite d’une évaluation par les pairs, des règles claires en matière de conflit d’intérêts et la mainmise de l’université sur toutes les affaires académiques », de conclure M. Turk.