Le comité de sélection du nouveau recteur à l’Université de l’Alberta a reçu des candidatures inusitées. Outre les postulants individuels, quatorze groupes de quatre personnes et un groupe de trois personnes ont soumis leur candidature.
Voulant dénoncer la flambée des salaires des dirigeants universitaires, les membres de ces groupes offrent d’assumer ensemble les fonctions du poste et arguent que le salaire, même divisé en quatre, demeure fort confortable.
Les groupes sont composés de membres du personnel académique de partout au pays, hormis un groupe formé d’étudiants de l’Université de la Saskatchewan, et « quelques Américains et un Britannique », a indiqué Kathy Cawsey, professeure agrégée à l’Université Dalhousie, qui a participé à l’organisation du mouvement.
« Je ne crois pas qu’on nous répondra, qu’importe le poste », a dit Mme Cawsey relativement à la candidature de son groupe. « Ce serait toutefois extraordinaire d’obtenir réponse aux préoccupations que nous avons soulevées. »
C’est en prenant connaissance de l’appel à candidatures pour trouver un successeur à la rectrice et vice-chancelière Indira Samarasekera de l’Université de l’Alberta, qui prend sa retraite, et du salaire « de base » affiché à 400 000 $ que Mme Cawsey a eu l’idée de déposer une candidature de groupe.
Mme Samarasekera fait depuis quelques années partie des dirigeants universitaires les mieux payés au Canada. En 2013, elle a cumulé 1,2 million de dollars en salaire et avantages sociaux.
Tous les recteurs ne peuvent se targuer d’un tel salaire, mais un grand nombre d’entre eux gagnent néanmoins plus que le premier ministre Stephen Harper et que le président Barack Obama, salaire et autres avantages combinés.
Soucieuses de souligner « la disparité entre les énormes salaires de ces dirigeants et la rhétorique d’austérité qu’ils épousent », Mme Cawsey et ses collègues Renee Ward et Becca Babcock de l’Université Dalhousie et Lucie Kokum de l’Université Saint Mary’s ont uni leurs forces pour proposer leur candidature commune au poste.
Elles ont également créé la page Facebook « University of Alberta President/Vice-Chancellor Application » et lancé un mouvement visant à encourager d’autres groupes à soumettre leur candidature.
« Le mouvement s’est propagé bien au-delà de nos espérances », a affirmé Mme Cawsey. « Nous en sommes ravies. »
Le groupe de Mme Cawsey soutient dans sa candidature parfois teintée d’humour que leurs formations et expériences conjuguées témoignent clairement d’un engagement indéfectible envers « l’importance de l’enseignement supérieur », et que leurs « douze diplômes postsecondaires, dont quatre doctorats, surpasseront sans aucun doute “l’exceptionnel calibre intellectuel” de chacun des autres postulants individuels. »
« Comme en témoignent nos CV, nous sommes éminemment qualifiées pour occuper ce poste », peut-on encore lire dans leur lettre. « De fait, nous estimons qu’en assumant conjointement les fonctions du poste, nous pourrons faire un meilleur travail que ne le pourrait une seule personne — et que le salaire est amplement suffisant pour répondre à tous nos besoins. »
Elles ne s’attendent pas à ce que leur candidature « farfelue » leur vaille une entrevue, mais, selon Mme Cawsey, c’est un moyen de faire valoir la nécessité de « changements lents et progressifs » afin d’enrayer l’inquiétant gonflement des rangs et des salaires des dirigeants.
« Nous ne nous opposons pas nécessairement à ce que les dirigeants des universités soient bien rémunérés », conclut-elle. « Nous sommes contre la hausse constante de salaires déjà énormes dans un contexte de coupes au sein du personnel académique, de hausses des droits de scolarité et de la dette étudiante, et d’écart grandissant entre les priorités des administrateurs et celles du personnel académique. »