Difficile de choisir une période plus intéressante pour assumer la présidence de l’ACPPU.
Moins de deux semaines après le début de mon mandat, nous avons appris que Robert Buckingham, doyen et professeur titulaire permanent à l’Université de la Saskatchewan, avait été congédié et « escorté » à la porte du campus parce qu’il avait osé faire publiquement état de ses préoccupations quant à l’avenir de l’école de santé publique de l’Université, alors menacée par une rationalisation controversée. En quelques heures, les médias grand public au Canada, puis dans le monde entier, se sont emparés de la nouvelle et ont décortiqué des notions fondamentales dans les milieux universitaires et collégiaux, mais peu connues de la population en général, comme la « liberté académique », la « permanence », la « gouvernance collégiale » et la « transparence ». Des euphémismes plus sinistres comme « processus de hiérarchisation des programmes » et « TransformUS » ont aussi fait leur entrée dans le discours public. De tels moments, mes amis, sont des occasions de pédagogie inestimables.
La mission première de l’ACPPU — être le champion, au Canada, de l’éducation postsecondaire et de la vie académique — est réellement sous les feux de la rampe dans des moments comme ceux-là. Je suis fier de dire que l’organisation a fait une brillante démonstration de son savoir-faire, à preuve la volte-face de l’administration universitaire et d’autres avancées qui ont rapidement suivi. Nul besoin d’être un devin pour savoir ce qui se passerait si une organisation nationale n’était pas là pour réagir vigoureusement à des situations de ce genre sur la base de principes. Nous avons été témoins de manifestations de ce gestionnariat rampant dans les universités et les collèges du monde entier. Nous sommes tous menacés par une éventuelle transformation de l’éducation postsecondaire de bien public de valeur en marchandise dirigée par des entreprises et au service des entreprises. Certes, la vie académique dans les universités et collèges canadiens est de plus en plus fragilisée, mais grâce au militantisme de l’ACPPU et d’une multitude d’associations de personnel académique locales déterminées, la lutte n’est pas terminée et mérite d’être poursuivie.
Comme bon nombre d’entre vous savent déjà, des changements importants surviendront à l’ACPPU dans les prochains mois. Je suis ravi d’accueillir notre nouveau directeur général, David Robinson, un défenseur infatigable de l’éducation postsecondaire tant au Canada qu’à l’international, dont le savoir et la sagesse dans ce domaine nous seront d’une aide précieuse. Grâce au travail remarquable accompli par Jim Turk au cours des seize dernières années, l’ACPPU s’appuie sur une structure organisationnelle très solide et je suis certain que David en tirera le meilleur parti. D’autres importants mouvements de personnel ont eu lieu, et auront encore lieu, dans les bureaux de l’ACPPU cette année. De vieux amis nous quitteront, et nous regretterons leur départ, mais je suis convaincu qu’une équipe extraordinaire est présentement mise en place. Je peux en dire autant de tous les autres membres du comité de direction qui ont été élus en même temps que moi à l’assemblée du Conseil de l’ACPPU le mois dernier. Je suis très honoré, et enthousiaste, de travailler aux côtés de militants aussi talentueux, dynamiques et engagés.
La situation continue d’évoluer à l’Université de la Saskatchewan, et il y a encore beaucoup à faire sur le campus avant que les professeurs aient l’assurance de conserver les protections et les droits académiques qui sont essentiels à la gouvernance collégiale et sur lesquels repose l’intégrité de l’éducation postsecondaire. Malheureusement, le conseil et les cadres supérieurs de l’Université de la Saskatchewan ne sont pas les seuls à montrer autant d’empressement à expérimenter des modèles de gestion sans vision à long terme qui ne tiennent aucun compte, ou si peu, de l’établissement rigoureux de programmes d’enseignement et qui entraînent inévitablement des dépenses supplémentaires pour la création de postes administratifs et le recrutement de consultants grassement payés, dans un contexte où l’on nous répète ad nauseam que l’heure est à l’austérité et aux restrictions. Au moins le congédiement et la tentative de muselage de Robert Buckingham nous ont fait entrevoir ce monde trouble, que les Canadiens ont rejeté sans équivoque. L’ACPPU fera de son mieux pour braquer les projecteurs, ouvrir encore plus de fenêtres et, au besoin, enfoncer des portes, tout, au final, pour mettre un frein à ces virages néfastes et injustifiés vers le cauchemar entrepreneurial qu’est la microgestion de l’université.
Le militantisme à l’ACPPU vit une période excitante et je suis sûr que la prochaine année sera placée sous le signe du renforcement de nos actions, alors que nous inviterons nos collègues et le public à s’intéresser de près à l’éducation postsecondaire et à participer pleinement au débat sur l’importance capitale, pour son avenir, de la liberté académique et de la gouvernance collégiale. Nous avons du pain sur la planche, mais nous avons aussi la capacité et la volonté de défendre nos universités et nos collèges, et de nous opposer à ceux qui voudraient diminuer leur valeur. Le milieu académique demeure un lieu vital où l’on peut encore être fier de servir l’intérêt public par la recherche, l’enseignement et le service au sens le plus large. Nous qui en faisons partie ne devons jamais oublier le pouvoir, le privilège et la responsabilité que nous avons tous de promouvoir les changements positifs chaque fois que l’occasion se présente à nous, et de nous mobiliser à cette fin.