L’inégalité de l’accès est une injustice, non seulement sur le plan social, mais aussi financier.
Un nouveau rapport sur les droits de scolarité et autres frais confirme les soupçons de bien des familles : l’universalité et l’abordabilité de l’éducation postsecondaire sont en régression.
Ce rapport, publié le mois dernier par le Centre canadien des politiques alternatives (CCPA), présente une analyse de la montée en flèche des coûts que doivent assumer les étudiants des universités canadiennes et de l’implantation grandissante d’un modèle d’éducation à deux vitesses, une dure réalité statistique.
En moyenne, les droits de scolarité des étudiants du premier cycle au Canada atteindront 5 959 $ cet automne. Si l’on tient compte des frais obligatoires — qui échappent pour la plupart à la réglementation provinciale —, on obtient une moyenne nationale de 6 885 $. Les droits de scolarité et les frais obligatoires ayant triplé au cours des vingt dernières années, le coût d’un diplôme est incontestablement à la hausse. Toutefois, la part du financement public dans le budget de fonctionnement des universités est passée de 79 % à environ 55 % pendant la même période, selon ce qu’indique le CCPA dans son rapport Tier for Two: Managing the Optics of Provincial Tuition Fee Policies.
Le rapport lève aussi le voile sur un système de financement universitaire caractérisé par la disparité des moyens, le recours à la privatisation et les solutions individuelles pour compenser la diminution de la contribution provinciale, et sur des programmes variés d’aide aux étudiants qui, dans la plupart des cas, ne sont pas à la hauteur des défis financiers auxquels font face les étudiants.
Terre-Neuve-et-Labrador est la province où les droits de scolarité et les frais obligatoires sont les plus bas. Des mesures rigoureuses — une diminution de 25 % des droits de scolarité au début du millénaire suivie d’un gel ces dix dernières années — lui ont valu le titre de la province la plus abordable. La facture totale des étudiants des universités s’élèvera en moyenne à 2 871 $ en 2014-2015.
La province donne un coup de pouce supplémentaire aux étudiants pour qu’ils ne soient pas lourdement endettés à la fin de leurs études. Elle a en effet décidé de remplacer progressivement les prêts par des subventions fondées sur les besoins.
C’est en Ontario et en Saskatchewan que les études universitaires sont les plus coûteuses, à respectivement 8 474 $ et 7 226 $.
Le rapport estime également à 13 % l’augmentation moyenne des droits de scolarité et des frais obligatoires au cours des quatre prochaines années.
« Alors que les droits de scolarité ne cessent d’augmenter dans la presque totalité des provinces, celles-ci ont adopté dans les faits une double structure de droits qui, pour l’obtention du même diplôme, avantage les étudiants de la province par rapport aux étudiants venus de l’extérieur. Cette approche mine le principe de l’universalité, car, suivant leur province de résidence et celle qu’ils ont choisie pour fréquenter l’université, les étudiants doivent composer avec des réalités financières très différentes », a déclaré Erika Shaker, directrice du projet du CPPA sur l’éducation et coauteure du rapport.
La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE), qui a notamment pour cheval de bataille le niveau record de la dette étudiante (plus de 15 milliards de dollars) au pays, affirme que ces pressions financières conduisent tout droit à une crise du secteur de l’éducation.
« Les droits de scolarité et l’endettement des étudiants sont à l’origine d’un écart considérable en matière d’égalité de l’accès à l’éducation postsecondaire selon la situation socioéconomique et la région. Il est nécessaire que des mesures soient prises face aux hausses des droits de scolarité assumées par les étudiants et leurs familles, pour ne pas refiler aux diplômés une facture exorbitante pour des services publics », affirme Jessica McCormick, présidente nationale de la FCEE.
Reconnaissant que des pro-grammes ont été mis sur pied pour compenser les coûts assumés par certains étudiants, elle soutient que « le gouvernement fédéral devrait veiller à ce que, partout au pays, la fréquentation de l’université soit abordable pour tous ».