Les journalistes ont pressé de questions l’ancien juge de la Cour suprême John Major (Commission d’enquête relative aux mesures d’investigation prises à la suite de l’attentat à la bombe commis contre le vol 182 d’Air India) le 29 octobre à la conférence Arar+10. Cet événement s’est tenu à l’Université d’Ottawa pour étudier les mesures de sécurité nationale et leur incidence sur les droits et libertés.
Lors d’une conférence à l’Université d’Ottawa le mois dernier, la militante pour les droits de la personne Monia Mazigh a reçu une ovation pour son vibrant appel à l’action, à l’occasion du 10e anniversaire de la commission d’enquête sur l’emprisonnement illégal et la torture de son mari, Maher Arar.
Cet ingénieur d’Ottawa, arrêté par les autorités américaines dans le tumulte post-11 septembre et expulsé en Syrie sur la foi de renseignements erronés de la GRC, a passé des mois en prison et subi la torture, alors que le gouvernement canadien l’avait abandonné à son sort. Un tollé de protestations croissantes et une absence flagrante de preuves ont finalement mené à sa libération.
Au cours des années qui ont suivi, le rôle du gouvernement et de la police dans cette affaire et d’autres du même ordre ont fait l’objet d’enquêtes, d’investigations officielles et de décisions judiciaires, un précédent dans l’histoire du pays, et produit un ensemble de recommandations en matière de sécurité nationale au Canada. On y soulignait la nécessité de mieux encadrer les services canadiens du renseignement de sécurité et de faire preuve de la plus grande circonspection dans le partage d’information avec des agences étrangères.
Le fait que le gouvernement Harper ait ignoré la plupart de ces recommandations, alors que le harcèlement et la surveillance de Canadiens au nom de la « sécurité » continuent, a suscité un fort sentiment d’urgence à la conférence Arar+10, le 29 octobre.
Présentée conjointement par la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles et Amnistie internationale, avec le soutien de l’ACPPU, la conférence a réuni juges, avocats, journalistes, militants, ex-diplomates, universitaires et leaders communautaires qui ont abordé un vaste éventail de perspectives liées aux enseignements de l’affaire Arar et d’autres cas de mauvais traitements commis par l’appareil de sécurité canadien.
Plusieurs panélistes, y compris d’éminents juges et d’ex-membres de commissions d’enquête, ont vertement décrié les motivations politiques qui sous-tendent l’inaction du gouvernement. Des personnes qui, en conséquence, ont vu leur vie et celle de leur famille dévastées, dont Sophie Harkat et Abdullah Almalki, et Monia Mazigh, ont raconté leur histoire à un large auditoire.
Ces témoignages, de concert avec les avis éclairés de militants professionnels qui travaillent sur des affaires semblables, ont mis en lumière l’usage sélectif que font la police et les organisations de sécurité de méthodes inéquitables contre des membres de communautés ciblées, et le traitement dévastateur dès lors réservé à ces citoyens canadiens, souvent dans le secret. Ces personnes sont celles-là mêmes que menace le récent projet de modification à la loi, qui pourrait imposer des limites extraordinaires à leur droit à un procès équitable sans instaurer de mesure de surveillance efficace des agences aux pouvoirs accrus. Or, la conjugaison de ces facteurs a eu un effet très néfaste plus particulièrement sur la communauté musulmane canadienne, y provoquant une crise de confiance généralisée.
Les panélistes ont également jeté un regard élargi sur la sécurité nationale, au lendemain de l’attaque du 22 octobre à Ottawa. Constatant que les mesures de sécurité ont trop souvent pour effet de diriger l’attention et les ressources vers des réponses boiteuses aux événements plutôt que vers des moyens proactifs et documentés de prévention des incidents violents, les participants à la table ronde présidée par l’ancien solliciteur général du Canada Warren Allmand ont convenu que l’élaboration de lois plus efficaces en matière de sécurité, basées sur les réalités sociales à long terme, devait s’appuyer sur la recherche universitaire.
Il faut absolument apprendre de l’expérience des personnes qui ont subi les lourds contrecoups de violations des droits de la personne liées à des enquêtes de sécurité nationale, des accusations, des arrestations et l’emprisonnement. Ainsi que le soulignait Mme Mazigh dans le mot de la fin, citant George Bernard Shaw : « Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d’erreur, mais à ne jamais faire la même erreur deux fois. »