La nouvelle mouture de la stratégie fédérale en matière de sciences, de technologie et d'innovation définit cinq domaines de recherche prioritaires où le gouvernement compte concentrer son financement : l’environnement et l’agriculture; la santé et les sciences de la vie; les ressources naturelles et l’énergie; les technologies de l’information et des communications; la fabrication de pointe. [Mathagraphics / Shutterstock.com]
En décembre dernier, le gouvernement fédéral a rendu publique sa nouvelle stratégie en matière de sciences et de technologie, faisant encore une fois la démonstration, selon ses détracteurs, d’un discours déconnecté des besoins réels de la communauté scientifique.
« La nouvelle stratégie, c’est du réchauffé », a déclaré le directeur général de l’ACPPU, David Robinson. « Elle renferme peu de nouveautés par rapport à la première stratégie mise de l’avant en 2007. Au lieu de reconnaître la piètre performance du Canada sur la scène scientifique internationale et de s’efforcer de redresser la barre, les conservateurs recyclent une vieille politique qui a fait chou blanc. »
En 2007, le gouvernement conservateur effectuait déjà un virage radical en plaçant l’économique et le marché du travail devant la science. Il prenait l’engagement stratégique de promouvoir l’« avantage entrepreneurial » du Canada en mettant le pilier « humain » et le pilier « savoir » au service des entreprises. La nouvelle mouture ajoute un « nouveau » pilier : l’innovation.
Sept ans et demi plus tard, la stratégie en matière de soutien financier reprend le même credo : cibler la recherche scientifique qui est avant tout porteuse d’innovation de manière à alimenter le marché en nouveaux produits.
« La stratégie gouvernementale a été un échec presque total », a affirmé M. Robinson.
Selon les dernières données publiées par Statistique Canada, les activités de recherche-développement du secteur privé ont diminué de 17,7 % entre 2006 et 2013. Alors que les entreprises des pays de l’OCDE affectent en moyenne 1,63 % du PIB à la R-D, au Canada, ce pourcentage tombe à 0,88 %, et est même en baisse par rapport à 2006 (1,11 %).
« Ajoutez à cela les compressions faites dans le financement public de la recherche, et les chiffres parlent d’eux-mêmes », de dire M. Robinson.
Le secteur manufacturier est le seul nouveau venu dans les domaines de recherche qui bénéficient prioritairement de financement dans la dernière stratégie en matière de sciences et de technologie. Comme la moitié des emplois manufacturiers au Canada est située dans le sud de l’Ontario, cette région, majoritairement conservatrice au Parlement, joue aussi un rôle clé dans la réélection du gouvernement conservateur en 2015.
Le premier ministre a profité du dévoilement de sa stratégie renouvelée pour aussi exposer certaines modalités du Fonds d’excellence en recherche Apogée Canada, annoncé antérieurement.
La contribution de 1,5 milliard de dollars à la recherche universitaire que le gouvernement s’est engagé à verser au cours des dix prochaines années ira uniquement aux cinq « domaines de recherche prioritaires » définis dans la stratégie, car ils sont susceptibles de créer des « avantages économiques à long terme pour le Canada ».
S’il reste encore bien des inconnues, M. Robinson est d’avis que la structure de gouvernance du Fonds suscite certaines préoccupations.
Un processus inhabituel d’approbation à plusieurs niveaux a été instauré pour sélectionner les propositions de recherche. Il comprend une évaluation par des experts externes, un examen par des comités d’évaluation, un examen stratégique par un comité de sélection public-privé pour déterminer si le critère de la conformité aux besoins du marché est respecté, et enfin, l’approbation finale par le comité directeur du Fonds, dont les membres sont nommés par le gouvernement.
« Le Canada a besoin d’une stratégie et d’une politique qui prônent des investissements dans la recherche fondamentale et la science publique à l’abri de l’ingérence du politique », soutient M. Robinson.