Mars croule sous les célébrations : Mois international de la francophonie, Mois des langues autochtones, Journée internationale de la Francophonie le 20 mars et Journée nationale des langues autochtones soulignée dans tout le Canada le 31 mars. Le moment est donc particulièrement bien choisi pour réfléchir à la diversité linguistique et culturelle qui enrichit la vie académique de ce pays.
Si bon nombre d’entre nous aspirons à être bilingues sans paraître ne jamais toucher au but, nous avons tous, en tant que membres de la mosaïque culturelle canadienne, des possibilités uniques d’établir des relations avec les communautés linguistiques de la planète. En anglais et en français, bien sûr, puisque ce sont nos deux langues officielles et les plus répandues, mais aussi dans une foule d’autres langues parlées dans le monde entier. Les érudits canadiens profitent évidemment de cet accès à un public élargi pour la diffusion de leurs travaux. Mais la langue est aussi le véhicule de traditions culturelles et de systèmes de pensée, et de la rencontre des différences naissent des idées neuves et des champs de recherche inexplorés, des points de vue originaux et de nouvelles découvertes.
À cet égard, il faut particulièrement souligner le rôle capital que jouent les langues autochtones dans l’expression et la transmission du savoir ancestral, même si elles sont encore fortement pénalisées par un colonialisme destructeur. Les langues et le savoir autochtones sont un héritage diversifié et important sur le plan intellectuel, qui inspire et soutient les Premières nations au premier chef, mais qui occupe aussi une place de plus en plus grande dans les activités savantes en général. La capacité de cet héritage à élargir, à long terme, les horizons intellectuels de la société tout entière ne fait aucun doute.
L’ACPPU est une organisation nationale bilingue, tournée vers l’international, et qui a fait sienne la cause de la préservation et de l’évolution continue du savoir, des langues et des cultures autochtones. Comme le montre l’ancien président Greg Allain dans son étude — à paraître prochainement — sur les activités de service et le militantisme des francophones au sein de l’ACPPU, nous avons fait beaucoup de chemin pour répondre aux besoins de nos membres et pour promouvoir leurs intérêts dans les deux langues officielles. De même, nous nous sommes fixé comme priorité ces dernières années d’améliorer les services à nos membres autochtones, et, dans cette optique, nous parrainerons la cinquième édition du Forum à l’intention du personnel autochtone de l’ACPPU qui se tiendra l’automne prochain à Winnipeg. Nous réaliserons aussi bientôt un nouveau projet concernant la publication de matériel pédagogique dans la langue malécite, aujourd’hui menacée de disparition. Certes, nous devons redoubler d’énergie pour nous mettre au diapason de la diversité culturelle et linguistique dans laquelle nous baignons, mais nous nous inspirons tous les jours de la volonté des membres de l’ACPPU de construire un avenir meilleur, plus diversifié et plus inclusif.
Malheureusement, la tendance lourde à l’austérité et à la rationalisation freine nos élans. Alors que la mentalité entrepreneuriale axée sur le profit continue de s’infiltrer de façon de plus en plus pernicieuse dans les officines gouvernementales et les institutions publiques — dont les universités et les collèges —, les compressions budgétaires et les restructurations sont devenues la norme. Sur les campus canadiens, elles se sont traduites par l’abolition de programmes, des postes laissés vacants et une détérioration générale des services. Et elles ont particulièrement touché les minorités linguistiques, celles dont la « différence » ne peut être immédiatement réduite à une valeur monétaire quantifiable.
Le campus satellite d’Alfred de l’Université de Guelph illustre bien cette situation. L’avenir de ce petit collège spécialisé en agriculture et fréquenté par des Franco-Ontariens est incertain depuis que sa maison mère s’en est séparée. La diminution de la présence francophone dans les universités et les collèges locaux peut porter un dur coup à l’identité et au bien-être des communautés en situation minoritaire, mais ces considérations ne font pas le poids devant l’élimination sans pitié de programmes jugés « non prioritaires ».
Cela est aussi vrai de l’utilisation de mesures d’« impact » simplistes et inappropriées pour évaluer les recherches universitaires, dont on sait très bien qu’elles désavantagent les publications en français et dans des langues minoritaires. L’ACPPU s’oppose à l’application de paramètres qui n’attribuent pas une juste valeur aux travaux de recherche diffusés en français, et milite en faveur de la reconnaissance pleine et entière de tribunes pour la recherche francophone comme l’Association francophone pour le savoir (Acfas).
En partenariat avec ses alliés québécois, l’ACPPU continuera de promouvoir les intérêts et de prendre la défense des universitaires canadiens qui travaillent en anglais et en français, y compris de ceux qui luttent pour la préservation des langues autochtones, dans les établissements d’enseignement postsecondaires du pays. Notre patrimoine linguistique diversifié fait partie de l’ADN canadien et nos réalisations dans ce domaine ont largement contribué au respect qu’inspire le Canada à l’étranger. Il n’est pas question de laisser les stratégies de gestion d’entreprise et la « myopie budgétaire » s’attaquer à ce patrimoine.
En juillet, l’ACPPU sera l’hôte du Congrès mondial de l’Internationale de l’Éducation à Ottawa. Des représentants des affiliés de l’IE viendront du monde entier pour discuter des questions qui concernent aujourd’hui leurs organisations, notamment en ce qui a trait à l’effet de la diversité linguistique et culturelle sur l’avancement du savoir, et pour décider des politiques et des stratégies qui amèneront des solutions positives. Pour conserver leur place au tableau des futurs leaders académiques mondiaux, les Canadiens doivent continuer d’être à l’écoute des autres et de partager leurs découvertes avec eux. Et au diable l’austérité.