L’éducation postsecondaire passe à la moulinette dans le budget 2015-2016 déposé par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador le 30 avril dernier. C’est du moins l’avis de ses détracteurs, qui soulignent les hausses des frais de scolarité de certaines catégories d’étudiants et la réduction de la subvention de fonctionnement de l’université provinciale.
Le budget retranche au moins 20 millions de dollars sur la subvention de fonctionnement de l’Université Memorial. Il lève le gel des frais de scolarité dont bénéficiaient les étudiants des cycles supérieurs et les étudiants étrangers de l’Université, de même que les étudiants en médecine dans la province.
George Jenner, qui est à la tête de l’association du personnel académique de l’Université Memorial, déclare que l’Université n’a pas encore défini en détail comment elle appliquera la réduction sur l’ensemble du campus, mais qu’elle envisage de relever de 30 % les frais de scolarité des étudiants des cycles supérieurs et des étudiants étrangers.
« Entre autres choses, les gestionnaires de l’Université doivent expliquer beaucoup mieux comment ils se sont retrouvés dans cette situation », ajoute-t-il. « Le secteur administratif a connu une expansion importante, sans que l’on sache comment cela contribuera à appuyer les missions de base de l’Université, la recherche et l’enseignement. »
Selon des documents de l’Université, le nombre d’administrateurs a augmenté de 30 % et celui des enseignants a baissé de près de 10 % entre 2009 et 2014.
Comme si la situation n’était pas déjà assez grave, le gouvernement a aussi annoncé qu’il ne verserait pas à l’Université les 21 millions de dollars dont elle a besoin pour honorer ses obligations en matière de retraite. L’Université demandera vraisemblablement l’autorisation de reporter d’un an le paiement de cette charge, qui devra maintenant être absorbée par son budget de fonctionnement. Le gouvernement a toutefois déclaré que son autorisation serait conditionnelle à la réalisation, par l’Université, d’une étude de son régime de retraite.
Cette condition préoccupe M. Jenner, qui craint que l’intention réelle du gouvernement soit d’aligner
le régime de retraite de l’Université sur les autres régimes publics de la province. Des réformes de ce genre incluaient des mesures comme l’élimination de l’indexation et de l’administration fiduciaire mixte, le retrait de la garantie donnée par le gouvernement, la majoration des taux de cotisation et la diminution des prestations de retraite.
« Notre régime de retraite est en bonne santé et est actuellement capitalisé à hauteur de 84 % », soutient Jenner. « Il n’y a pas lieu d’examiner des solutions de rechange. Notre régime est déjà scruté à la loupe, et est en bien meilleure situation financière que les autres régimes publics. On n’arrange pas ce qui marche. »
D’après lui, le personnel académique est sceptique quant à la nécessité de faire assumer une part disproportionnée du déficit apparent par le régime de retraite et les étudiants.
Travis Perry, président de la section de Terre-Neuve-et-Labrador de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants, soutient pour sa part que les étudiants constatent avec satisfaction que le budget 2015 respecte l’engagement de remplacer les prêts étudiants de la province par des subventions non remboursables. Cette mesure est toutefois dérisoire si on la compare au retrait du financement du gel général des frais de scolarité.
« La province doit pouvoir compter sur une main-d’oeuvre qualifiée pour se tailler une place dans l’économie d’aujourd’hui, et les diplômes d’études supérieures sont maintenant un critère essentiel pour décrocher un emploi dans de plus en plus de secteurs d’activité », affirme-t-il. « En bloquant l’accès aux études supérieures, la province compromet son essor économique futur et limite les possibilités qui s’offrent aux jeunes de poursuivre leurs études chez eux. »
À son avis, il sera plus difficile d’attirer des étudiants étrangers si l’on hausse leurs frais de scolarité. Des étudiants dont la province a pourtant bien besoin si l’on tient compte de la décroissance de la population — 45 000 habitants — au cours des deux prochaines décennies.