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Les Archives du Bulletin de l'ACPPU, 1992-2016

juin 2015

Un rapport d’enquête conclut à la violation de la liberté académique à l’Université de Capilano

George Rammell pose derrière sa sculpture Margaux and the Monarch, qu’il a réalisée à partir des pièces récupérées de son œuvre satirique Blathering on in Krisendom.
George Rammell pose derrière sa sculpture Margaux and the Monarch, qu’il a réalisée à partir des pièces récupérées de son œuvre satirique Blathering on in Krisendom.
Un an après la tempête médiatique qui a secoué son campus et bouleversé sa vie, George Rammell peut enfin pousser un soupir de soulagement. En effet, l’enquête de l’ACPPU sur la saisie et la destruction de sa sculpture par l’administration de l’Université de Capilano a conclu que son oeuvre satirique était l’expression d’une protestation et que la saisie de celle-ci violait la liberté académique du professeur.

« Ils ont utilisé la peur comme stratégie pour me faire taire. Mais une telle manoeuvre de bâillonnement peut avoir un effet boomerang, et c’est ce qui s’est passé dans mon cas », raconte M. Rammell. « En détruisant mon oeuvre, ils m’ont offert une tribune inespérée et m’ont poussé à vouloir créer encore plus. »

Dans un rapport accablant publié ce mois-ci, un comité d’enquête spécial de l’ACPPU établit que la rectrice de l’Université de Capilano, Kris Bulcroft, et son administration ont carrément bafoué la liberté académique de M. Rammell. Le comité, par ailleurs, appelle l’université à présenter des excuses publiques au professeur et à lui accorder une réparation pour le préjudice causé par l’incident.

Le 8 mai 2014, l’administration de l’Université de Capilano a saisi et détruit la sculpture de M. Rammell intitulée Blathering on in Krisendom. L’oeuvre satirique représentait la rectrice de l’établissement flanquée de son caniche Margaux et drapée dans un drapeau américain. L’artiste avait réalisé cette caricature pour protester contre le rôle joué par Mme Bulcroft dans la décision contestable de sabrer les cours d’arts.

Pour justifier ses mesures, l’administration de Capilano avait argué que l’exposition de cette oeuvre sur le campus constituait une forme de harcèlement et d’intimidation en plus de contrevenir à la politique sur le milieu respectueux de travail et d’étude.

D’après le rapport de l’ACPPU, la sculpture de M. Rammell faisait fonction d’un « commentaire politique légitime et ne con­sti­tuait d’aucune manière une forme d’intimidation ou de harcèlement personnel », et l’université, en saisissant sa sculpture, s’est rendue « coupable de censure institutionnelle en plus de violer la liberté académique du professeur ».

« La liberté académique ne peut être compromise simplement parce qu’une opinion peut choquer. Une politique universitaire ayant pour effet de restreindre la liberté d’expression de façon plus stricte que ce qu’autorise la loi met en péril la liberté académique », soutiennent les auteurs du rapport de 14 pages.

« Le comité est d’avis que l’Université de Capilano n’avait aucune justification pour saisir l’oeuvre d’art du professeur Rammell. La norme de tolérance en ce qui a trait à l’expression d’opinions controversées dans le cadre de la liberté académique est beaucoup plus élevée », ajoutent-ils.

Mais cette victoire demeure douce amère pour cet artiste qui a enseigné pendant 24 ans à l’Université de Capilano avant que l’université ne supprime entièrement le programme d’arts visuels l’an dernier. En bout de ligne, il a perdu son emploi et épuisé ses prestations d’assurance-emploi.

M. Rammell est toujours fort de sa passion pour son art et avoue puiser de l’inspiration dans la mésaventure qu’il a vécue. Il a utilisé des pièces de la sculpture originale comme matériau de base pour une autre sculpture plus étoffée qu’il a nommée Margaux and the Monarch. Ses oeuvres sont toujours l’objet de censure sur le campus de Capilano.

« Je trouve dommage qu’il n’y ait plus d’école d’arts visuels sur la rive nord de Vancouver. Je déplore le fait que cette université ait décidé de se tourner vers l’industrie du film. On veut apprendre aux étudiants quoi penser plutôt que comment penser, ce qui est en mon sens une grave erreur », conclut M. Rammell.