Entrevue avec Cindy Oliver, présidente retraitée de la FPSE
Pour bien des gens en Colombie-Britannique, Cindy Oliver est un symbole de militantisme syndical. Tout au long de sa carrière, elle a livré une dure et longue bataille pour améliorer le système d’éducation de même que les conditions de travail des professeures et professeurs.
En juin dernier, Mme Oliver a démissionné de la présidence de la Federation of Post-Secondary Educators of BC après avoir passé 13 années à la barre de l’organisme. Si elle quitte ses fonctions avec fierté et un sentiment d’accomplissement, elle sait néanmoins que la bataille est loin d’être gagnée.
« Le défi le plus important auquel nous sommes confrontés actuellement trouvera son aboutissement en octobre : les prochaines élections fédérales. Nous devons encourager les gens à aller voter. Et cette démarche se ramène à deux choses : financement et liberté », précise Mme Oliver.
Il est dès lors urgent, explique-t-elle, que les forces progressistes reprennent le contrôle du programme politique. Mme Oliver fait observer que le mouvement de la droite a réussi à faire croire aux gens que les impôts sont toxiques et que le gouvernement est incompétent.
« En Amérique du Nord, nous nous sommes lentement laissés séduire par les valeurs de la droite, par des idées telles que les impôts ne sont pas une bonne chose, l’appareil gouvernemental est trop lourd et inefficace, le gouvernement gaspille notre argent, on ne peut pas faire confiance à nos dirigeants politiques, etc. Nous devons entamer un nouveau dialogue. Nous devons aider les gens à repenser le rôle que les services publics peuvent jouer dans une société moderne », ajoute Mme Oliver.
De son point de vue, tout part du financement acheminé goutte à goutte du sommet vers le bas. C’est la raison pour laquelle les paiements de transferts fédéraux aux provinces sont un élément-clé du processus. « Moins les transferts sont élevés, plus les cordons de la bourse se resserrent pour les universités. En Colombie-Britannique, ces 12 dernières années, nos établissements ont subi des compressions sans relâche, entraînant la suppression de programmes et la réduction des choix offerts aux étudiants. Et cela se produit dans tous les secteurs. Lorsque le financement n’est pas suffisant, on procède à des coupes. »
Les éducateurs doivent être sur la ligne de front de cette bataille, croit Mme Oliver. « Nous connaissons la valeur des études postsecondaires; nous connaissons la valeur de nos diplômés. Nous savons qu’ils font mieux, qu’ils gagnent plus d’argent, qu’ils sont moins susceptibles de recourir aux services sociaux et d’aboutir en prison. Nous savons que la société est, au bout du compte, largement récompensée pour les ressources qu’elle investit dans leur formation. Il y a de bonnes raisons d’investir dans les services publics, et le corps professoral a tous les atouts pour être le fer de lance de ce redémarrage. »
Ce redémarrage passe par la prise de contrôle du narratif, afin de démontrer aux gens la nécessité d’offrir de bons services publics financés par les impôts. « Notre système de soins de santé est l’une des choses que les gens aiment de notre pays. Ils veulent également que les études postsecondaires soient ouvertes et accessibles. Les gens ne comprennent pas toujours que ce sont leurs impôts qui financent directement ces services. »
Par ailleurs, la militante chevronnée perçoit à quel point l’adoption du projet de loi antiterroriste C-51 menace la liberté académique. « Cette mesure gênera véritablement le travail des professeurs et des chargés de cours en classe. Cette loi a une portée trop vaste. Quelle est maintenant la définition du terrorisme? Qu’arrivera-t-il aux enseignants qui aborderont dans leurs cours les différents mouvements qui existent dans le monde? Qu’en est-il de la recherche en ligne? Les universités et les collèges sont le bastion des libertés d’expression et d’enquête. Il y a lieu de s’inquiéter. Est-il permis de faire des recherches sur Al-Qaïda ou Daech? Cette loi a de quoi jeter toute une douche froide. Elle est injustifiable dans une société libre. »
Tout au long de sa longue carrière syndicale, Mme Oliver a toujours été fière du travail accompli par son équipe à la table de négociation. Elle se dit particulièrement fière des gains importants que l’organisme a réussi à obtenir pour les universitaires contractuels. « J’ai travaillé à contrat pendant sept ans au College of the Rockies. C’est difficile. Vous êtes suffisamment compétente pour être réembauchée d’une année à l’autre, mais pas suffisamment pour occuper un poste à temps plein. Il était humiliant d’être traitée comme un travailleur de seconde classe et d’être privée des mêmes avantages accordés à vos collègues. »
Mme Oliver promet de demeurer active. Elle continuera de siéger au Conseil canadien des relations industrielles, de lire les documents, de faire part de ses observations et de soutenir les luttes des syndicats. C’est dans son ADN. Elle est convaincue du rôle essentiel des syndicats.
« Nous sommes face à un vaste mouvement antisyndical. Qu’il suffise de se pencher sur la loi C-377 qui vise uniquement les syndicats. Elle est discriminatoire et elle ne survivra probablement pas à une contestation devant les tribunaux, qui pourrait s’éterniser pendant des années. Je crois également que la formule Rand sera contestée au Canada. Nous devons lutter. Nous devons doubler la mise. (…) Ce que j’apprécie le plus chez les syndicats, c’est qu’ils revendiquent le partage des pouvoirs, caractéristique d’une société plus égalitaire. »