Shaun Bartone est mû par la passion d’enseigner, mais peine à joindre les deux bouts
Shaun Bartone est animé par la passion du savoir qu’il s’efforce de communiquer aux générations montantes. Cela n’a rien d’étonnant chez une personne qui consacre sa carrière à la recherche et à l’enseignement supérieur.
Selon lui, les professeurs ont la responsabilité de transmettre le goût d’apprendre à leurs étudiants. « Enseigner, c’est amener les étudiants à se dépasser — dans la plus haute mesure possible. C’est une tâche tant émotionnelle qu’intellectuelle », affirme M. Bartone, chargé de cours en sociologie et en travail social à l’Unversité Dalhousie.
Or, avec le recours accru à des « universitaires en disponibilité » pour donner les cours, le personnel académique contractuel qui enseigne afin de communiquer sa passion de la connaissance se fait ni plus ni moins avoir.
« C’est extrêmement difficile de servir nos étudiants tout en supportant les lourds aléas inhérents à la vie d’universitaire contractuel », dit M. Bartone.
Il enseigne dans des établissements postsecondaires depuis près de vingt ans, est titulaire de deux maîtrises et d’un diplôme en droit, et il achève la rédaction de sa thèse.
Il dit constater chaque année les effets de la précarisation sur les étudiants.
« Cela les affecte émotivement. Les étudiants me demandent quel cours je vais donner l’année suivante et je dois leur répondre que je ne sais même pas si j’enseignerai ou non. Les étudiants ont besoin de sources d’inspiration et de motivation pour apprendre. »
En tant qu’agent de liaison de la faculté avec la section locale de son syndicat, SCFP 3912, il constate une inquiétude généralisée chez l’ensemble du personnel contractuel. L’enseignement permet peut-être à court terme de payer les factures, mais le stress qui y est associé pèse lourd dans la balance.
« Il y a un fardeau financier lié à des postes contractuels où on récolte une fraction du salaire et on n’a souvent pas d’avantages sociaux », explique M. Bartone. « On ne sait jamais d’avance quel cours on donnera et à quel moment on le donnera, et, à plus forte raison, si on pourra payer notre loyer. »
Outre les préoccupations liées aux perspectives d’emploi et à la stabilité financière, il est de plus en plus difficile, ajoute-t-il, de faciliter et de soutenir l’apprentissage des étudiants.
Avec des droits de scolarité qui, en Nouvelle-Écosse, augmentent plus vite qu’ailleurs au pays, les étudiants s’endettent considérablement et jonglent avec plusieurs emplois pour joindre les deux bouts.
Leur éducation, soutient M. Bartone, exige un soutien et un encadrement à long terme. Les professeurs, de leur côté, ont besoin d’un appui constant pour se familiariser avec les nouvelles technologies, appliquer de nouvelles méthodes pédagogiques et maintenir la motivation des troupes. Or, il reste tant à faire pour améliorer les conditions de travail du personnel académique contractuel sur les campus de sorte que les professeurs, et par ricochet leurs étudiants, puissent en tirer avantage.
« J’ai récemment entendu un étudiant demander à un autre pourquoi l’Université Dalhousie avait autant d’argent pour de nouveaux bâtiments, mais n’en avait pas pour ses professeurs », commente M. Bartone.
« Dans une société où les divertissements sont aussi nombreux, encadrer et soutenir des étudiants représentent un engagement de tous les instants. »
Et nous risquons de perdre ça dans une société où les professeurs sont pris à la gorge, ajoute-t-il.
Bien qu’il enseigne à l’Université Dalhousie depuis plus de dix ans, M. Bartone indique que son nom n’a jamais figuré sur la liste des professeurs dans le site web de l’établissement.
« Quand on est invisible, il est difficile de se sentir respecté en tant que professionnel », dit-il. « Et c’est fort préoccupant pour l’avenir des universités. »
Tout aussi préoccupant, voire alarmant, selon M. Bartone, est le pourcentage élevé des membres des groupes de personnel académique marginalisé dans les rangs des travailleurs contractuels par rapport à ceux des professeurs permanents.
« Les membres gais, de couleur et féminins du corps professoral sont beaucoup plus nombreux parmi les employés à statut précaire que parmi les employés permanents », affirme M. Bartone. « Pour lutter contre ces inégalités, il faut s’attaquer à la discrimination structurelle, au racisme institutionnalisé et à l’homophobie. »
Malgré l’ampleur des défis auxquels se heurte le personnel académique contractuel, M. Bartone se déclare optimiste.
« L’engagement syndical chez les chargés de cours augmente partout en Amérique du Nord », dit-il. « Ils considèrent dorénavant que c’est leur seule façon d’obtenir un emploi et de le garder; c’est une bonne nouvelle. Le manque de respect et le système à deux vitesses qui s’est installé soulèvent de plus en plus la grogne. »
Le personnel enseignant à temps partiel à l’Université Dalhousie, par le truchement du SCFP 3912, a formellement uni ses forces avec le mouvement universitaire il y a quelques mois, quand le syndicat a adhéré à l’ACPPU.
M. Bartone ose croire qu’avec le soutien et la solidarité d’autres sections locales de personnel académique contractuel au pays, le SCFP 3912 réussira à améliorer les conditions de travail à l’Université Dalhousie.
« À travail égal, salaire égal. C’est le seul principe qui soit juste », dit-il. « Nous voulons un parcours qui mène à la permanence, à des postes à temps plein assortis d’avantages sociaux. Il n’est plus question de nous contenter de miettes. »
En somme, soutient-il, les étudiants méritent mieux.