Les nouvelles innovations modifient le mode de traitement des maladies, affirme Molly Shoichet
[Roberta Baker / Engineering Strategic Communications / University of Toronto]
Utiliser le polymère pour soigner. Molly Shoichet, une professeure de génie à l’Université de Toronto, en a fait une carrière et le résultat de ses travaux en médecine régénérative pourrait changer la vie de patients gravement malades.
« Dans notre laboratoire, on s’attaque à de gros problèmes en utilisant le génie et la chimie. Je décris souvent ce que nous faisons comme une espèce de FedEx pour la médecine, car nous assurons la livraison de cellules et de médicaments là où le besoin est », explique Mme Shoichet, qui est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génie tissulaire.
La scientifique dirige un laboratoire de 30 personnes. Avec l’aide de son équipe formée de techniciens, d’étudiants diplômés et de stagiaires postdoctoraux, elle tente de trouver des soins aux maladies graves comme le cancer du sein ou du cerveau ou celles liées au système nerveux central.
Ce faisant, son équipe fabrique des « outils » qui permettent de livrer des nano-particules dans des endroits du corps très petits et très ciblés. Ses efforts serviront éventuellement à résorber des problèmes de santé chroniques comme la cécité, les lésions à la moelle épinière, les conséquences d’accidents cérébrovasculaires.
« Pour les lésions à la moelle épinière, le but ultime serait de permettre à des gens de marcher à nouveau. Mais le but premier est de permettre aux gens qui souffrent de recouvrer une partie des fonctions qu’ils ont perdues, comme reprendre le contrôle de leur vessie. Le même principe prévaut pour la cécité. Oui, recouvrer la vue serait idéal, mais ce serait déjà un accomplissement de restaurer une partie de la vision », signale Mme Shoichet.
En 2015, elle a reçu la médaille Sandford Fleming remise par l’Institut royal canadien pour l’avancement de la science et le prix L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science pour l’Amérique du Nord. Elle est également compagnon de l’Académie des sciences de la Société royale du Canada, de l’Académie canadienne du génie et de l’Académie canadienne des sciences de la santé.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, les mathématiques et la chimie l’ont toujours attirée. « Je ne savais pas exactement ce que j’allais faire, mais j’aimais beaucoup la science. J’ai eu la chance de vivre dans une maison où apprendre était encouragé et valorisé et d’avoir des professeurs inspirants à l’école primaire et secondaire », raconte la chercheuse.
C’est durant son baccalauréat en sciences au Massachusetts Institute of Technology que le déclic s’est fait avec un accès à des laboratoires et des chercheurs de haut niveau. Elle a complété ses études au doctorat à l’Université du Massachusetts en étudiant la science des polymères et le génie.
Malgré sa réussite personnelle, Mme Shoichet affirme que le sexisme existe toujours en science. « Nous vivons dans un monde qui aspire à l’égalité, mais il reste encore du chemin à parcourir avant d’atteindre l’égalité des sexes », croit-elle.
Selon elle, les commentaires sur des filles dans les laboratoires déplacés du biochimiste anglais Tim Hunt l’an dernier sont symptomatiques. « Normalement, les gens ne disent pas ce genre de choses tout haut, mais cela ne veut pas dire que ce n’est pas ce qu’ils pensent. Le sexisme existe encore. Il faut savoir le reconnaître pour le voir. Personnellement, j’ai eu un soutien incroyable de l’Université de Toronto, mais il y a des exemples concrets de sexisme qui ne sont pas anecdotiques. Si la même proposition scientifique est soumise par un homme ou par une femme, elle sera évaluée différemment. »
Le secret du succès de cette chercheuse est qu’elle valorise beaucoup son entourage. « Au laboratoire, nous travaillons en équipe. J’ai de formidables mentors et j’ai un fantastique système de soutien. J’ai une famille et un travail passionnant, mais je n’ai pas fait cela toute seule. En ce sens, j’espère être un exemple pour prouver aux jeunes femmes qu’elles peuvent avoir tout ce qu’elles désirent. J’ai eu la chance d’avoir un conjoint qui valorise ma carrière autant que moi. »
Elle croit cependant qu’il faut en faire plus pour attirer les femmes dans des domaines académiques à dominante masculine. Elle souligne que les femmes qui décrochent un premier emploi académique après des études supérieures en sciences ou en génie sont plus âgées et que cela met de la pression sur celles qui veulent avoir une famille.
« Si collectivement nous voulons plus de femmes professeures en génie, nous devons changer notre approche. Il faut plus d’étudiantes en génie et il faut plus de femmes qui enseignent cette discipline. Mais pour que cela arrive, il faut être proactif et implanter le changement », tranche-t-elle.